Conférence de Meena Raman, présidente des Amis de la Terre International
27 novembre 2005
Lors de son passage en France, le 10 novembre 2005, la malaisienne Maneeshka Raman, présidente de la Fédération Internationale des Amis de la Terre/Friends of the Earth International a participé à une conférence de presse. Elle a décrit les conséquences de la libéralisation de l’agriculture en présentant des exemples pris aux quatre coins du monde.
Avec Madame Raman, vous ferez un tour du monde des dévastations dues à la libéralisation de l’agriculture... dans les pays du Sud. Les pays du Nord, particulièrement les Etats-Unis et l’Union Européenne se protègent malgré les nombreuses promesses et engagements faits au sein de l’OMC.
Avec l’ouverture des marchés du Sud, les petits paysans se retrouvent en concurrence avec les produits fortement subventionnés et souvent vendus à perte, provenant essentiellement des Etats-Unis et de l’Union Européenne. Face à cette concurrence déloyale, des millions de paysans sont poussés à la ruine.
Derrière l’ouverture des marchés et la disparition des barrières douanières, nous retrouvons comme toujours, la Banque mondiale, le Fond Monétaire International, l’Organisation Mondiale du Commerce et ...les intérêts des entreprises du Nord.
La conférence de Madame Raman est en format PDF au bas de l’article. En voici le contenu, avec un résumé très succint, en quelques points saillants, par pays, du problème évoqué :
A - INTRODUCTION
B - AMERIQUE CENTRALE, AMERIQUE DU SUD ET CARAIBES
- Mexique : cas des paysans touchés par les importations bon marché
En 2002, les agriculteurs états-uniens voient le soutien de leur gouvernement s’élever à 248,6 milliards de dollars. Le blé vendu 46% en dessous de son prix de production envahit le Mexique. Le marché local est dévasté.
- HAITI : cas du riz
Après l’ouverture des frontières, la production locale baissa de 27% et les importations furent multipliées par 30. Entre 1994 et1999, l’aide alimentaire est passée de 0 à 16 000 tonnes.
- HONDURAS : cas du riz
Dans les années 80, le Honduras était considéré comme le grenier à grain de l’Amérique Centrale. Avec les importations de riz états-unien, fortement subventionnées, le Honduras qui couvrait ses besoins et exportait du riz, vit en quelques années sa production s’effondrer pour ne couvrir que 1% des besoins du pays.
- REPUBLIQUE DOMINICAINE : cas du secteur laitier
On estime que 100 000 paysans ont dû quitter leur activité durant les deux dernières décennies.
- JAMAIQUE : cas du secteur laitier
La production de lait des paysans jamaïcains est passée de 38 millions de litres en 1993, à 18 millions de litres en 2002. En 1992, à la demande de la Banque Mondiale, les taxes sur les importations de lait et un mécanisme financier qui protégeaient les producteurs locaux de lait frais, furent supprimés.
- URUGUAY : cas du lait
L’Uruguay était un grand producteur de lait et en exportait notamment vers le Brésil. Les importations de poudre de lait fortement subventionnnées en provenance de l’Europe privèrent l’Uruguay de ces débouchés et provoquèrent des difficultés financières de son secteur laitier.
C - AFRIQUE ET REGIONS ARABES
- GHANA : cas des cultures vivrières
Au Ghana, la moitié de la main d’oeuvre dépend de l’agriculture et la pauvreté et l’insécurité alimentaire règnent. Des paysans ghanéens, aidés par une ONG, développèrent la culture des tomates. Malheureusement, après l’ouverture des frontières, les importations subventionnées de purée de tomates de l’Union Européenne firent capoter ce projet, mettant au chômage les ouvriers de l’usine de transformation des tomates et ruinant les paysans.
- SWAZILAND : cas du sucre
La prodution de sucre représente 53% de la production agricole et 34% de la masse salariale dans l’agriculture, au Swaziland. La vente à perte de produits sucriers européens a causé la perte de près de 16 000 emplois dans le secteur industriel du sucre du Swaziland et 20 000 emplois liés à cette industrie, comme le transport ou l’emballage.
- KENYA : cas du blé
L’Egypte recevait en 2000, près de 4 millions de tonnes de blé en provenance des Etats-Unis et de l’Union Européenne, blé dans sa majeure partie vendu à perte. L’Egypte en profitait pour revendre de la farine bon mrché au Kenya, ce qui déstabilisa toute la filière blé du pays.
D - REGION ASIE
- Les Associations de paysans asiatiques demandent à être protégées des importations bon marché.
"Nous ne pouvons accepter cette situation. Nous demanderons à l’OMC d’exiger en priorité que les pays développés ouvrent d’abord leurs propres marchés. Le secteur agricole est particulièrement important pour les pays avec une grande population. Si ce secteur est libéralisé, de nombreux paysans devront aller vers le secteur industriel et s’ils ne veulent plus être paysans, la sécurité alimentaire du pays en sera menacée".
- SRI LANKA : concurrence des importations
Avec l’ouverture des frontières, le Sri Lanka dépend de plus en plus des importations. Le secteur de la volaille, autrefois florissant, est en train de s’écrouler et les paysans sont forcés de vendre en dessous des coûts de production. Il y a 75 000 paysans produisant des oeufs et de la volaille et plus de 200 000 personnes impliquées dans leur commerce qui sont menacées.
- PHILIPPINES : cas du secteur de la volaille
Les poulets états-uniens dont le prix sur les étagères a pu descendre jusqu’à 60 P le kilo, sont vendus en dessous du prix de production. "Ce sont les excédents du marché états-unien qui sont vendus à perte et qui tuent notre marché local du poulet. Nos poulets sont vendus à 91P le kg, alors qu’ils coûtaient 120 P, avant que les poulets des Etats-Unis n’inondent le marché".
- CHINE : compétition imminente après l’entrée à l’OMC.
Avec l’adhésion de la Chine à l’OMC, les importations de produits agricoles étrangers vont inonder le marché et accélerer la mise au chômage des paysans, dans un pays où les deux tiers de ses 1,3 milliard d’habitants vivent à la campagne. Certains économistes estiment que la Chine devra finalement trouver des emplois pour 200 millions de paysans, pendant que ses réformes économiques se poursuivent.
- INDE : cas des importations de lait écrémé, d’huile de beurre et de lait en poudre.
La part des subventions, en pourcentage de la valeur du lait produit, était en 1997, de 82% pour le Japon, de 59% pour le Canada, 54% pour l’Union Européenne, de 47% pour les Etats-Unis et de 23% pour l’Australie. "Des milliers de coopératives laitières qui ont amené des masses frappées par la pauvreté sur le chemin de l’émancipation économique, vont s’écrouler face aux importations bon marché et subventionnées".
- INDONESIE : cas des paysans touchés par les importations bon marché.
"L’Indonésie est dès maintenant un des plus grands importateurs de riz. En se rendant de plus en plus dépendants d’importations de maïs chères, on a provoqué une contraction de l’industrie du poulet qui utilise le maïs, de 80%".
E - CONCLUSION...FRANCAISE
Après avoir lu ces lignes, vous comprendrez mieux de quoi il s’agit, lorsque certains syndicalistes agricoles ou ministres de l’agriculture français défendent "la vocation exportatrice de l’agriculture française". Chaque contribuable participe au financement de ces subventions énormes qui, ici, ne vont dans les poches que de 20% des agriculteurs, les plus gros céréaliers notamment, et là -bas sèment ruine et désolation.
Il est de notre responsabilité de citoyen, de demander des comptes aux responsables agricoles et politiques, sur cette politique qui détruit l’environnement et l’agriculture paysanne, ici et là -bas.
Dans la préparation de la prochaine conférence de l’OMC à Hong Kong, les négociations achoppent sur l’agriculture notamment. Le Premier Ministre britannique, Mr Tony Blair voudrait supprimer une bonne partie des subventions à l’agriculture comme l’Union Européenne s’y est d’ailleurs engagée depuis déjà longtemps, sans jamais le faire. L’ancien ministre de l’Agriculture qu’est Mr Chirac, s’y oppose toujours fermement.
Mais si Mr Blair affirme vouloir "lutter contre la pauvreté", son but n’est pas de soulager les paysans du tiers-monde. Il veut simplement obtenir en contrepartie de la suppression des subventions agricoles, l’ouverture des marchés du tiers-monde.
Comme pour l’agriculture, elle permettrait aux grandes firmes internationales du Nord de s’accaparer des réserves de bois, d’énergie, de matières premières, d’eau, des ressources de pêche et des ressources génétiques, et de s’approprier les services comme la distribution de l’eau, de l’énergie, les secteurs lucratifs de l’éducation, la santé...
En ce moment le Commissaire Européen au Commerce, Mr Mandelson, négocie en notre nom. C’est à nous citoyens européens de nous faire entendre et d’exiger une politique européenne qui défende le droit de chaque pays a développer sa souveraineté alimentaire et d’exiger que l’Union Européenne lutte au sein de l’OMC pour développer un système commercial mondial vraiment durable et équitable. Les Amis de la Terre y travaillent mais ils ont besoin de votre soutient.
O.M.C. et Agriculture : Conséquences sur les paysans et producteurs ruraux du Sud. (PDF)
Publié le 27 novembre 2005, par Groupe local des Landes
– Source www.amisdelaterre.org
Spécial OMC : La suppression des subventions ne mettrait pas fin à la pauvreté.<BR>
L’agriculture familiale contre l’agro-industrie au Brésil, par Marcela Valente et Mario Osava - IPS
OMC : 10 ans ça suffit !
L’USAID : comment faire pour que le monde ait faim de cultures génétiquement modifiées.
« Kyoto mon amour », par Daniel Tanuro.