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Un ministre équatorien d’origine française explique la situation dans son pays

En défense de Rafael Correa

Guillaume Long, Français naturalisé Equatorien, originaire de Sucy-en-Brie (Val-de-Marne), Ministre de la Culture de l´Equateur, défend les avancées politiques et sociales du gouvernement de Rafael Correa.

Le gouvernement de Rafael Correa débuta en 2007 dans le sillage du virage à gauche de l’Amérique Latine. Beaucoup le considère, de même que les révolutions vénézuéliennes et boliviennes, comme un des exemples les plus radicaux de l´aile antinéoliberal sur le continent.

Cependant, ces dernières années, plusieurs débats ont eu lieu en Equateur sur la nature de ce projet politique, l´usage du pouvoir exécutif par Rafael Correa, les politiques gouvernementales envers les secteurs indigènes et la relation avec les mouvements sociaux.

Pour nous éclairer sur ces points, nous avons discuté avec Guillaume Long, ministre de la culture et du patrimoine, et responsable des relations internationales du parti Alianza PAIS. Ses réponses nous éclairent sur l´actuelle situation de l´Equateur et face aux critiques que le gouvernement a pu recevoir, tant au niveau national, que venant de certains secteurs de la gauche international, dont le Jacobin.


Le président Rafael Correa a été l´objet de critiques permanentes de la part de la droite, mais plus récemment de la part de certains secteurs de la gauche. Comment caractérisez-vous ces tendances ?

Deux récents projets de loi mirent le feu aux poudres. Deux projets qui reprenaient des thèmes chers à Marx : l´héritage et la spéculation. Les lois en question proposaient de réformer l´impôt afin de combattre les inégalités sociales en Equateur. Il ne faut pas oublier que l´Amérique Latine reste le continent le plus inégal de la planète.

Ces projets affectaient seulement les secteurs les plus privilégiés de la société. La première loi augmentait les droits de succession des plus riches de 35% à 47,5%, dans le même temps où elle les réduisait pour les plus pauvres. De plus, la loi empêchait la prolifération des fidéicommis dans les paradis fiscaux étrangers. Incroyablement, plusieurs membres de l´oligarchie équatorienne, dont le maire de la ville la plus grande d´Equateur, Guayaquil, ont leurs propriétés enregistrées dans des paradis fiscaux étrangers.

Le second projet de loi, relatif à la spéculation foncière, cherchait à imposer les immenses profits liés à la plus-value sur la vente de terres et de propriétés. Il ne s´agissait en aucun cas d´imposer la plus-value raisonnable mais au contraire d’imposer la plus-value extraordinaire. La mesure, proche de celles en cours dans d´autres pays démocratiques, dont certains pays européens, cherchait à freiner la spéculation foncière, un phénomène malheureusement très commun en Equateur. Cela a fortement déplu à ceux qui ont un accès privilégié à l´information sur les futurs foyers de développement urbain.

La vieille élite politique s´est soulevée contre ces propositions. D´intenses campagnes de propagandes, bénéficiant de grandes ressources financières, ont désinformé la population, en lui faisant croire que ces impôts allaient affecter la majorité des citoyens, particulièrement les couches moyennes de la société. En juin, plusieurs manifestations exigèrent du gouvernement qu´il retire ces projets de loi, et en profitèrent pour affaiblir le processus politique.

Plusieurs politiciens de droite, parmi les plus puissants du pays, jouèrent un rôle clé. Le banquier ultralibéral Guillermo Lasso, ex-ministre de l´Economie sous le gouvernement néolibérale de Jamil Mahuad, et candidat présidentiel fut un des acteurs principaux de l´appel à prendre les rues du pays. De même, Jaime Nebot, maire de Guayaquil, joua un rôle important. Nebot fut un des collaborateurs principaux du régime répressif de León Febres Cordero. De sérieuses accusations le relient à des violations des droits de l´homme et même à des cas de tortures. Le nouveau maire de Quito, le conservateur Mauricio Rodas, a lui aussi participé à ces manifestations.

Le slogan utilisé dans la rue et sur les réseaux sociaux était clairement antidémocratique, (« Dégage, Correa, dégage »), et en porte-à-faux avec le fait que le président a été élu, il y à peine deux ans, dés le premier tour avec 57% des voix, et près de 35 points d´avance sur son adversaire immédiat. Il n’y a aucun doute que pour certains, l´objectif principal était de renverser le gouvernement, même si, bien sur, ceci fut toujours nié officiellement.

Le 15 juin, afin de réduire les tensions sociales, le président Correa a retiré temporairement de l’Assemblée Nationale les projets de loi, et appelé à un grand dialogue national pour débattre de ces mesures et d´autres propositions pour combattre l´inégalité dans le pays. Cet appel au dialogue est, on remarquera, peu compatible avec cette image d´autoritarisme que l´opposition cherche à positionner dans les media internationaux, et avec des résultats tout à fait surprenant.

Autant les motivations des manifestants –l´opposition à des mesures de redistribution de la richesse qui, normalement, sont revendiquées par la gauche-, autant la forme à travers laquelle les mesures furent présentées à la population –manipulations et propagande de la part des corporations médiatiques- sont un bon indicateur du courant idéologique qui a inspiré ces manifestations. Il ne s´agit en aucun cas d´une initiative révolutionnaire ou de gauche.

Au delà des forces de la droite, la marche indigène et la grève nationale convoquée le 13 août contre Correa et Alianza PAIS ont prétendu représenter un soulèvement populaire contre un état autoritaire. Qu´en pensez-vous  ?

Il faut préciser d´emblée une chose importante : certains groupes minoritaires soi-disants d’ultragauche ont convoqué une grève générale qui n´a pas du tout été suivi. Il n´y a pas eu de grève au sens où l´entendent les francophones. Les lieux de travail tant privés que publics n´ont absolument pas été affectés.

Le 13 août il y eut tout simplement une manifestation de plusieurs milliers de personnes contre le gouvernement. Cette manifestation eut le soutien d’une partie du mouvement indigène. Cependant, elle n’eut rien à voir avec les gigantesques soulèvements indigènes des années 90 qui ont contribué à la chute de plusieurs présidents néolibéraux.

Peut-être a cause de la faiblesse de cette mobilisation et la frustration qu´elle a engendrée, la manifestation fut marquée néanmoins par un grande violence. Plus de cent policiers furent blessés.

C´est pour cela que je suis surpris par les récents articles publiés dans Jacobin et dans plusieurs media que si veulent progressistes d´Europe et des Etats-Unis. On dirait tout d’un coup que certains groupes d´intellectuels de gauche se focalisent sur l´idée que l´Equateur n´est plus digne d´admiration et que l´on serait au bord d´un soulèvement populaire.

Souvent, les auteurs ont une connaissance assez pauvre de la réalité équatorienne et sombrent dans des confusions inexcusables. Mais parfois, ce genre de posture révèle plus d’une tendance idéologique intimement liée à la critique postmoderne des processus de construction de l´Etat-Nation. En résumé, ce discours pourrait être défini comme anti-pouvoir, anti-leadership et essentiellement libéral (même si la mode sémantique le définit plutôt comme « libertaire »).

Ce récit tend à faire l´éloge des acteurs non étatiques, les ONG et une société civil diffuse, qui ne représente personne et que personne n´a élu mais qui sont toujours présentés comme les forces du bien. Tandis que les gouvernements qui tentent de pallier le vide laissé par l´absence de l´Etat néolibéral sont accusés d´être autoritaire et sont l´objet de résistances. Derrière la rhétorique radicale, ce discours consolide l´agenda politique conservateur et n´échappe pas au piège néolibéral qui prétend que l´Etat détient l´exclusivité du pouvoir, alors qu’il y a beaucoup d´autres formes de pouvoir en Amérique Latine : les pouvoirs étrangers, les multinationales, les oligarchies locales ou les corporations médiatiques, par exemple.

Qui était dans les rues le 13 août ? Quelle était la composition de classe de l´opposition et quels étaient les objectifs politiques ?

La plupart des gens qui ont participé à la manifestation du 13 août provenait des couches moyennes et des élites. Cependant, ils furent accompagnés par des groupes qui s´auto définissent de gauche, comme la Conaie, l’Unité Populaire et un groupe de dirigeants syndicaux qui répondent depuis des décennies à des réseaux clientélistes.

Certaines personnes ont voulu faire croire que ces groupes de “gauche” furent les acteurs prédominants des événements. Pour ce faire, elles ont complètement passé sous silence le pouvoir de l´oligarchie et oublié de mentionner que cette manifestation trouve son origine dans les revendications des secteurs les plus riches et les plus puissants de la population contre la hausse des impôts. Cette dynamique ne peut être gommée car elle a crée le contexte dans lequel les acteurs politiques ont conflué - ou non - aux protestations contre le gouvernement.

Il ne faut pas oublier non plus que la Conaie et l’Unité Populaire ont fait plusieurs déclarations contre cette hausse de l´impôt, ce qui est assez étrange pour des groupes se disant de gauche. De nombreux indigènes et des forces progressistes ont condamné la Conaie pour s´être alignée sur la stratégie de la droite.

Non seulement les élites de droite ont soutenu les dernières actions de la Conaie en se prononçant en faveur de la grève et des manifestations, mais en plus Guillermo Lasso a appelé ses partisans à participer aux manifestations. Cela ne doit pas nous surprendre. La droite voulait absolument produire la sensation que les manifestations contre le gouvernement venaient de plusieurs secteurs de la société.

Qui plus est, une des revendications principales de la Conaie et de ses alliés est son opposition à l´amendement constitutionnel qui permettrait au président Correa de se postuler de nouveau à la présidence. Or c´est là une des priorités politiques de l´élite équatorienne pour éviter la continuité de la Révolution Citoyenne et orchestrer un retour longuement attendue au gouvernail á la tête de l’état.

Une autre erreur fréquente est de présenter les conflits entre le gouvernement et les groupes qui s’auto-définissent comme étant de gauche, comme un divorce récent, fruit d’un sorte de virage à droite du Président Correa, alors que ces groupes sont dans l´opposition au gouvernement de Rafael Correa depuis il y a très longtemps. Pachakutik, le bras politique de la Conaie, a refusé de présenter un colistier à Rafael Correa durant les élections présidentielles de 2006, préférant plutôt présenter son propre candidat à la présidence. Pachakutik a totalisé, à l’époque, seulement 2,1% des voix. De la même façon, le candidat de la soi-disant ultragauche qui a participé aux élections de 2013 n´a fait que 3,2% des voix, ce qui démontre bien qu´il n´existe pas d´alternative démocratique de gauche au président Correa et que la vraie et menaçante alternative en est bien une de droite.

La Révolution Citoyenne est suffisamment radicale, souveraine, dévouée à la redistribution, et ancrée sur des bases populaires, pour bénéficier jusqu’à présent du soutien de la majorité des forces de la gauche équatorienne : Alianza PAIS, le Parti communiste équatorien, le Parti socialiste, plusieurs syndicats, trois des quatre fédérations indigènes-paysannes les plus importantes du pays (même si la Conaie reste encore la plus importante) et même d´une section de Pachakutik dans la province de Chimborazo, la province a plus fort pourcentage de population indigène en Equateur.

Au niveau international, tous les gouvernements de gauche de la région, dont les membre de l´Alba comme Cuba, le Venezuela et la Bolivie, ont condamné les manifestations et la tentative de déstabilisation du gouvernement démocratiquement élu de la Révolution Citoyenne, et surtout ont rompu toutes relations avec les partis et mouvements sociaux qui ont participé aux manifestations.

Parler d´un soulèvement de gauche, ou pire encore d’un soulèvement populaire, dans le contexte actuel de l´Equateur, c’est ne pas comprendre ce qui se passe dans notre pays.

La Conaie et l’Unité Populaire disent représenter une critique autonome, tant de la droite que des secteurs de gauche qui ont été absorbés par le gouvernement. Que pensez-vous des critiques contre Correa en ce qui concerne l’impact que les industries extractivistes peuvent avoir sur les peuples indigènes ?

Certains media "libéraux" du monde occidental ont projeté l´image que le principal conflit politique et social en Equateur est entre l´Etat et les communautés indigènes. La réalité est beaucoup plus complexe.

Cette position idéalise les peuples indigènes et en fait l´essence même de la vertu et de l´innocence. Ce n´est malheureusement pas la première fois que l´on assiste à cette forme d´infantilisation qui s’avère, en réalité, être assez raciste. On retrouve derrière ce point de vue l´idéologie qui justifia le "gouvernement indirect" employé par l´empire britannique dans ses colonies ou encore la notion du « noble sauvage » développé par Montaigne, et ses suites philosophiques pendant l’Illustration.

Selon ce récit, le soi-disant conflit entre les communautés indigènes et le gouvernement s’expliquerait par l’exploitation minière ou l´extraction pétrolière. Tout d´abord, il n´existe en réalité aucune position homogène des peuples indigènes face à l´extraction de pétrole. Parlant souvent au nom des communautés indigènes, certains activistes occidentaux ont la fâcheuse tendance de laisser entendre que les peuples premiers rejettent la modernité. Dans la pratique, les indigènes, tout comme le reste de l´Humanité, ont très souvent des demandes très modernistes comme le sont l´accès à l´éducation, aux services de santé et aux bénéfices sociaux en général.

En deuxième lieu, il faut évaluer sérieusement s´il serait correct ou non d´arrêter brusquement l´exploitation pétrolière avant d´avoir posé les bases d´un exutoire pour notre économie primaire-exportatrice. Au delà de l´effondrement de l´Etat équatorien, cela aurait pour conséquence le retour à l’économie de la plantation (et en conséquence du planteur) ainsi qu´une réduction drastique des ressources pour combattre la pauvreté (celle-ci étant d´ailleurs une des principales causes de dégradation de l´environnement, nous y reviendrons) et le tarissement des capitaux d´investissement pour diversifier notre économie.

Ce n´est pas viable. Surtout si l´on considère que les plus grandes menaces contre notre biodiversité et les premières causes de déforestation en Equateur sont précisément la pauvreté et l´avancée agressive de la frontière agricole. La pauvreté et le manque d´infrastructure sanitaire impliquent, entre autre, que les déchets et les eaux usées de plusieurs villes et villages sont déversés directement dans les rivières amazoniennes.

Il ne fait aucun doute que nous devons sortir de la dépendance pétrolière. Les économies pétrolières sont exposées à des cycles de grands essors suivis de dépressions. De plus, l´extraction pétrolière a été responsable de bon nombre de cataclysmes sociaux, comme l´urbanisation chaotique ou plusieurs ethnocides, etc.

En revanche, de nos jours, l´extraction pétrolière n´est pas la cause principale des problèmes environnementaux et sociaux qui affectent l´Amazonie. Jusqu’à ce que nous ne soyons plus dépendants de l´exportation de matières premières, le pétrole reste la principale source de revenu pour construire l’infrastructure nécessaire pour combattre la pauvreté source de dégradation environnementale, et les systèmes de traitement des eaux qui polluent nos rivières.

Plusieurs pays de l´est de l´Asie ont réussi à capitaliser les excédents nécessaires pour abandonner leurs modèles économiques primaire-exportateurs a travers l´exploitation de leur force de travail. Pour nous, il est hors de question que l´Equateur s´engage dans une voie semblable. Ne pouvons-nous pas alors utiliser nos ressources naturelles afin de ne pas répéter cette tragédie ?

Nous avons tant à apprendre des systèmes sociaux indigènes, de leurs connaissances ancestrales et de leur cosmovision. Chaque nationalité indigène (dans la Constitution équatorienne, on parle de nationalités et non de tribus ou d’ethnie) est le porte-étendard d´un grand héritage culturelle que nous devons respecter et comprendre. Mais de la même façon que nous admirons la valeur intrinsèque de notre diversité, nous devons nous assurer de ne pas tomber dans l´idéalisation ingénue d´aucune société.

Ce n´est pas une discussion nouvelle. Ces thèmes ont été en débat au sein même de la Conaie pendante fort longtemps. D´un côté, les ethnicistes (ou essentialistes) ont toujours été sceptiques et méfiants des interactions avec le monde métis, et tenté par le retour nostalgique sur un passé indigène exalté, notamment l’âge d’or d’états précolombiens comme le Tahuantin Suyu, l´empire inca mythologisé.

De l´autre côté, une fraction de la Conaie, dont bon nombre de ses fondateurs, ont toujours dénoncé les racines ethniques de l´exclusion et de la domination, mais insistent sur l´importance de combattre ses facteurs structurels. Ces derniers se sont munis d´une analyse de classe pour dénoncer le libre marché, l´absence d´Etat, la domination étrangère, la propriété de la terre et les différents tourments de la paysannerie. Cette fraction de la Conaie a toujours articulé un discours qui ne niait pas complètement la modernité mais qui demandait que celle-ci n’exclue pas les indigènes du contrat social.

Ces dernières années, la fraction essentialiste a, petit à petit, pris le contrôle de l´organisation. Mais sans le leadership, la maturité et la sophistication politique et idéologique des années précédentes, elle a affaibli et décrédibilisé la Conaie.

Aujourd´hui, plusieurs leaders historiques de la Conaie ont pris parti pour le gouvernement. Certains, même, en font parti. D´autres sont dans une optique plus critique face à la Révolution Citoyenne mais se refuse à soutenir les nouveaux dirigeants de la Conaie et ont même dénoncé que ces derniers faisaient le jeu de l´oligarchie équatorienne traditionnelle, surtout au vu des récents événements.

En termes de résultats électoraux, plus de 60% de la population indigène (qui ne représente que 7% des équatoriens) a voté pour Rafael Correa aux dernières élections présidentielles de 2013.

Décrire la conjoncture actuelle comme un « affrontement » entre le gouvernement équatorien et les peuples indigènes est une erreur gravissime. La question indigène est beaucoup plus complexe que ce que laisse entendre une certaine gauche essentialiste.

De manière plus générale, quel est le programme du gouvernement équatorien et dans quelle mesure peut-on dire qu’il ait été appliqué avec succès ?

L’immense popularité du gouvernement (les indices de popularité du président Correa dépassent encore aujourd’hui les 60% après 8 ans et demi d’exercice du gouvernement) est principalement dû au programme de la Révolution Citoyenne, qui a permis depuis 2007 la croissance économique du pays et le développement social grâce à l’investissement public.

De cette manière, on a refusé le dogme néolibéral, prédominant dans le monde, qui consiste à croire que seul le marché sans encombre peut faire avancer le développement économique. En moyenne, sur les huit dernières années, le taux annuel de croissance économique a atteint 4,3%, bien que Rafael Correa soit arrivé au pouvoir en pleine récession globale et que l’Équateur n’ait pas de monnaie propre, dû à la dollarisation forcée de notre économie après une profonde crise politique, économique et sociale causée par les gouvernements néolibéraux en poste dans les années 90. Mais surtout, la croissance économique bénéficie à l’ensemble de la population. L’Équateur est un des pays qui a le plus réduit les taux de pauvreté dans la région, et un des champions mondiaux de la réduction des indices d’inégalité sociale. Le salaire minimum actuel, 354 dollars par mois est le salaire minimum réel le plus élevé de la région andine. La plupart de ceux qui reçoivent un salaire minimum, et qui ont aujourd’hui une sécurité sociale, gagnaient seulement 70 dollars auparavant et n’avaient ni couverture sociale, ni droit à la retraite.

Le taux de chômage (4,7%) est le plus bas de la région, même si nous avons évidemment conscience que le taux de travail informel est encore un des principaux problèmes qui affecte l’Amérique Latine.

L’accès aux services sociaux s’est amélioré de manière exponentielle. Le cas de l’éducation l’illustre parfaitement. L’Équateur a construit 88 « écoles du millénaire » de grande échelle et dotées des dernières technologies dans les secteurs les plus nécessiteux. L’Etat fournit les uniformes scolaires, tous les livres scolaires, ainsi qu’un petit déjeuner scolaire pour tous les élèves des établissements publics. Les zones rurales et les secteurs traditionnellement exclus sont les principaux bénéficiaires de ces politiques.

L’investissement dans l’éducation supérieure, nécessaire pour transformer notre économie et nous éloigner de cette économie primaire dont nous parlions, atteint aujourd’hui 2,1% du PIB. Il s’agit du taux d’investissement le plus élevé de la région, et un des plus élevé du monde puisque le taux moyen des pays membres de l’OCDE est seulement de 1,7%. Dorénavant, les services de santé publique sont gratuits et pour tous les Equatoriens. L’État a construit 12 mégas hôpitaux et une centaine de dispensaires de santé pour couvrir les nécessités de la population. Cela démontre que même en période de crise, ou plus particulièrement quand la crise gronde, il existe des alternatives face au fatalisme des politiques d’austérité.

Ces politiques publiques et la popularité qui s’ensuivit ont aidé à freiner l’instabilité politique des périodes antérieures. Entre 1996 et 2006, 7 présidents ont été élus en à peine 10 ans et aucun chef d’État n’a réussi à terminer son mandat. Le 30 septembre 2010, une émeute policière soutenue par un certain secteur de l’opposition chercha à orchestrer un coup d‘État contre le président Correa. La tentative échoua grâce aux citoyens descendus dans les rues qui, pour la première fois dans l’histoire récente de l’Equateur, prirent la rue pour défendre leur nouvelle démocratie.

Nous avons récupéré la souveraineté de notre État et de la prise de décision gouvernementale, en matière de sécurité, de politique extérieur, économique, etc. En 2009, nous avons demandé aux Etats-Unis d’abandonner leur base militaire à Manta. L’idée ne les a pas enchanté et nous ne saurons peut être jamais si une partie importante de la mauvaise presse dont l’Equateur est souvent injustement victime à l’étranger se doit à ce qui a souvent été décris comme un affront à Washington.

Toutes ces choses ont été possibles sans l’autoritarisme qui accompagne généralement les projets de changement radical : 10 élections générales en 8 ans, dont 3 élections présidentielles (2 desquelles ont été gagnés par le président Correa au premier tour), plusieurs referendums et une large participation sociale pour l’élaboration de la nouvelle constitution et de notre nouveau contrat social.

Quelle est la perspective à long terme pour Alianza PAIS ? Vous nous avez expliqué votre hostilité envers l’opposition actuelle, mais ne faut il pas débattre du programme de Correa et de ses tactiques pour la consolidation du processus ?

Nous cherchons avant tout à créer une société plus égalitaire qui permette l’émancipation des équatoriens et la satisfaction de leurs libertés individuelles. Pour quoi ? Eh bien pour qu’ils soient heureux. Le bonheur, cette chose si difficile à cerner, doit néanmoins être notre principale quête. Pour cela, il faut penser le développement en termes certes matérialistes, il faut éradiquer au plus vite la pauvreté, mais aussi en termes post-matérialistes : l’harmonie avec la nature est cruciale, ainsi que les bien relationnels, les loisirs, la créativité, la pensée critique, etc.

En ce qui concerne la nécessité d’un débat : nous ne sommes pas seulement d’accord, nous clamons la possibilité d’un vrai débat. Nous avons besoin d’une vision critique de ce qui se fait et d’une analyse sérieuse de nos nombreuses lacunes. Ce n’est pas facile de construire un État progressiste sur les ruines de l’anarchie néolibérale et de son effondrement institutionnel, surtout dans le contexte de l’hostilité des acteurs hégémoniques de ce monde.

D’ailleurs, le gouvernement équatorien n’est pas exempt de débats internes. Il ne s’agit pas d’une entité homogène sans tensions internes ; aucun gouvernement ne l’est jamais. Il y en a qui demandent davantage de radicalisme, d’autres au contraire, qui pensent que le président Correa va trop loin et trop rapidement. Toutefois, il est évident que sans large plateforme politique il aurait été impossible que ce gouvernement singulièrement populaire arrive au pouvoir.

Après l’effondrement du bloc soviétique, nous semblions condamnés à rêver sans jamais pouvoir réaliser nos aspirations : une vraie gauche avec la maturité nécessaire pour ne pas succomber à la lutte armé d’un autre temps, la capacité à gagner des élections dans le cadre d’une démocratie libérale, mais en contrepartie, capable aussi de refuser les préceptes de l’hégémonie néolibérale, l’austérité et le statu quo d’une sociale démocratie centriste et tiède.

Nous sommes décidé à construire un état-nation moderne, socialiste mais basé sur la diversité, et donc profondément démocratique, loin des piège de l’État autoritaire latino-américain au service de ses grands propriétaires terriens. Nous cherchons à penser le développement en termes différents, et enfin, de faire la paix avec notre réalité plurinationale et interculturelle. Nous défaire dans ce projet supposerait le retour à un État pratiquement en déliquescence avec les conséquences néfastes que ceci signifierait pour notre population et pour notre planète.

Evidemment, je ne peux pas réfuter l’accusation qui consiste à dire que nous n’avons pas encore défait le capitalisme en Equateur. Cependant, est-ce vraiment la jauge avec laquelle nous devons mesurer notre processus politique ? Ne devrions-nous pas nous concentrer sur les progrès sociaux, les avancées démocratiques, le développement de notre souveraineté et les courageuses tentatives pour changer notre futur dans un contexte international hostile ?

»» http://www.medelu.org/En-defense-de-Rafael-Correa
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« Les déchirures » de Maxime Vivas
Maxime VIVAS
Sous ce titre, Maxime Vivas nous propose un texte ramassé (72 pages) augmenté par une préface de Paul Ariès et une postface de Viktor Dedaj (site Le Grand Soir).. Pour nous parler des affaires publiques, de répression et d’impunité, de management, de violences et de suicides, l’auteur (éclectique) convoque Jean-Michel Aphatie, Patrick Balkany, Jean-Michel Baylet, Maïté Biraben, les Bonnets rouges, Xavier Broseta (DRH d’air France), Warren Buffet, Jérôme Cahuzac, Charlie Hebdo, (…)
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"Lorsque les missionnaires chrétiens blancs sont allés en Afrique, les blancs possédaient des bibles et les indigènes possédaient la terre. Lorsque les missionnaires se sont retirés, ce sont les blancs qui possédaient la terre et les indigènes les bibles."

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