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Le Monde Diplomatique, septembre 2015

Aucun doute pour Serge Halimi, la primaire du parti républicain sera celle des milliardaires : « En 2012, MM. Barack Obama et Willard Mitt Romney avaient consacré environ 1 milliard de dollars chacun au financement de leur campagne présidentielle. Plutôt que de verser son écot à un candidat, le milliardaire new-yorkais Donald Trump a décidé d’entrer lui-même dans l’arène : « Je gagne 400 millions de dollars par an, alors quelle différence cela fait-il pour moi ? » Un autre milliardaire, M. Ross Perot, promettait dès 1992 « d’acheter la Maison Blanche pour la rendre aux Américains qui ne peuvent plus se la payer ».

M. Trump va probablement échouer à son tour, mais non sans avoir éclairé à sa manière le fonctionnement du système politique américain : « Je suis un businessman. Quand [des candidats] m’appellent, je donne. Si j’ai besoin de quelque chose deux ou trois ans plus tard, je les appelle et ils sont là pour moi. » Ancienne sénatrice de New York et candidate aux primaires démocrates, Mme Hillary Clinton fut « là » elle aussi : « Je lui ai dit de venir à mon mariage, elle l’a fait. Vous savez pourquoi ? J’avais versé de l’argent à sa fondation. » Afin d’obtenir un président incorruptible, suggère M. Trump, choisissez-le dans la liste des grands corrupteurs ! »

Vivrons-nous demain dans un monde entièrement uberisé (Evgueni Morozov) ? : « Voici près de dix ans que nous sommes otages de deux bouleversements. Le premier est le fait de Wall Street ; le second, de la Silicon Valley. L’un et l’autre se complètent à merveille dans le numéro du mauvais et du bon policier : Wall Street prône la pénurie et l’austérité ; la Silicon Valley exalte l’abondance et l’innovation.
Premier bouleversement : la crise financière mondiale, qui s’est soldée par un sauvetage du système bancaire, a transformé l’Etat social en un champ de ruines. Le secteur public, ultime rempart contre les avancées de l’idéologie néolibérale, en est sorti mutilé, voire totalement anéanti. Les services publics ayant survécu aux coupes budgétaires ont dû augmenter leurs tarifs ou se sont vus contraints d’expérimenter de nouvelles tactiques de survie. Certaines institutions culturelles ont ainsi dû, faute de mieux, faire appel à la générosité des particuliers en recourant au financement participatif : les subventions publiques ayant disparu, elles n’avaient plus de choix qu’entre le populisme de marché et la mort. »

Pour Jean-Michel Dumay, le pape François s’attaque au « fumier du monde » : « Voici près de dix ans que nous sommes otages de deux bouleversements. Le premier est le fait de Wall Street ; le second, de la Silicon Valley. L’un et l’autre se complètent à merveille dans le numéro du mauvais et du bon policier : Wall Street prône la pénurie et l’austérité ; la Silicon Valley exalte l’abondance et l’innovation.

Premier bouleversement : la crise financière mondiale, qui s’est soldée par un sauvetage du système bancaire, a transformé l’Etat social en un champ de ruines. Le secteur public, ultime rempart contre les avancées de l’idéologie néolibérale, en est sorti mutilé, voire totalement anéanti. Les services publics ayant survécu aux coupes budgétaires ont dû augmenter leurs tarifs ou se sont vus contraints d’expérimenter de nouvelles tactiques de survie. Certaines institutions culturelles ont ainsi dû, faute de mieux, faire appel à la générosité des particuliers en recourant au financement participatif : les subventions publiques ayant disparu, elles n’avaient plus de choix qu’entre le populisme de marché et la mort. »

Razmig Keucheyan et Renaud Lambert, nous invitent à mieux connaître Erneto Laclau, inspirateur de Podemos : « Contre la corruption, les diktats européens, les grands projets inutiles : la multiplicité des mobilisations contraste avec le sentiment d’impuissance politique. Comment faire vibrer ces batailles particulières sur une corde collective ? En cultivant une forme renouvelée de populisme, expliquait l’intellectuel argentin Ernesto Laclau. Influentes auprès de la gauche radicale espagnole, ses réflexions appellent une lecture critique. »

Pour Maxime Robin, aux Etats-Unis, on sait rançonner les pauvres : « Impossible, ou presque, de vivre aux Etats-Unis sans contracter un emprunt. Devant les difficultés de leurs clients à rembourser, les banques augmentent les pénalités et... leurs profits. En revanche, dans certains quartiers défavorisés, elles refusent d’ouvrir des agences. Les habitants doivent alors avoir recours aux échoppes de « prêteurs rapaces ». »

Cédric Gouverneur explique pourquoi la Bolivie a les yeux « tournés vers les flots » : « La Cour internationale de justice devra trancher dans les prochaines semaines un contentieux de plus d’un siècle. Défaite lors de la guerre du Pacifique (1879-1883), la Bolivie a perdu son littoral au bénéfice du Chili. L’enjeu économique, lié à la création d’un corridor qui faciliterait les relations commerciales de toute la région avec l’Asie, éclipse aujourd’hui les considérations politiques. »

Pour Florent Détroit, La course à l’Arctique passe par Reykjavik : « Encore hypothétique, l’ouverture de routes maritimes dans l’océan Arctique suscite un intérêt croissant parmi les puissances commerciales. Pour se rapprocher des ressources naturelles de la région polaire, la Chine courtise l’Islande, premier pays européen à avoir signé avec elle un traité de libre-échange. »

Est-ce pour cela que l’ours polaire est devenu un animal géopolitique (Farid Benhammou et Rémy Marion) : « L’ours polaire est devenu le symbole d’une biodiversité en péril, sous la menace du réchauffement climatique. Impossible toutefois de dissocier la protection de l’espèce des enjeux géopolitiques liés à un territoire convoité, l’Arctique. Une dimension dont les organisations environnementales ne sont pas toujours conscientes, pas plus qu’elles ne mesurent le rôle des peuples autochtones. »

Camelia Entekhabifard estime que Les Iraniens sont dans l’incertitude du lendemain : « Après l’accord sur le nucléaire signé en juillet, la perspective d’une levée des sanctions contre Téhéran devrait permettre, à terme, le redémarrage d’une économie sinistrée. Mais les dirigeants de la République islamique auront à choisir la nature des réformes qu’ils souhaitent mener pour accompagner cette relance. L’ouverture politique intérieure, très incertaine, dépendra de deux scrutins majeurs en 2016. »

Akram Belkaïd explique pourquoi le président turc s’en prend désormais violemment aux forces progressistes : « Sans lui et son parti, point de salut... Le 11 août 2015, lors d’une allocution télévisée, M. Recep Tayyip Erdogan, usant d’un ton à la fois martial et paternaliste, donne le signal implicite de la campagne pour les élections législatives anticipées, qui devraient avoir lieu le 1er novembre. Evoquant successivement la fin du processus de paix avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), la décision de s’attaquer militairement à celui-ci, mais aussi à l’Organisation de l’Etat islamique (OEI), et la nécessité pour le Parti de la justice et du développement (AKP) de gouverner seul pour continuer à mener les réformes, le président turc revendique un bilan positif. « Il agit comme s’il n’avait enregistré aucun revers depuis deux ans, observe Taha Akyol, éditorialiste à Hürriyet, quotidien de centre droit. Il relativise même l’incapacité de l’AKP à obtenir la majorité absolue au scrutin législatif du 7 juin dernier, disant qu’il ne lui a manqué “que” 18 députés. »

Lors de la cérémonie de l’humiliation en Palestine, Abaher El Sakka était présent : « Vivre en Palestine, c’est s’habituer à être arrêté à tout moment. Les barrages ne se résument pas aux personnes abattues, aux femmes enceintes qui perdent leur bébé et aux malades morts d’avoir trop attendu ; ils constituent un lieu privilégié pour observer le spectacle de l’occupation. Selon les périodes, les organisations humanitaires recensent jusqu’à plus de cinq cents barrières de tout type rythmant nos vies : permanentes, provisoires, volantes, mobiles, saisonnières... Le colonisateur les désigne à sa guise. Certaines sont « internationales », comme entre la bande de Gaza et Israël. D’autres découpent la Cisjordanie en une multitude d’entités séparées appartenant en théorie à trois zones discontinues : la première relève des prérogatives de l’Autorité palestinienne en matière de sécurité ; la seconde est cogérée ; la troisième est totalement contrôlée par Israël. Cette classification donne à l’Autorité palestinienne un pouvoir illusoire, car, en pratique, soldats et policiers israéliens peuvent dresser un obstacle mobile militarisé où et quand ils le veulent, comme on a pu le voir à Al-Bireh, à quelques centaines de mètres de la Mouqata’a, le siège de la présidence palestinienne à Ramallah. »

Pour Gavan McCormack, La base étasunienne d’Okinawa est une épine dans le pied du premier ministre japonais : « Sous prétexte de s’émanciper des Etats-Unis, M. Abe Shinzo veut contourner la Constitution pacifiste de son pays. Le premier ministre japonais masque ainsi sa volonté de renforcer l’armée, malgré une forte opposition de la population. Du reste, il a accepté l’extension des bases militaires réclamée par Washington dans l’île d’Okinawa, qui abrite déjà les deux tiers des troupes américaines déployées au Japon. »

Baptiste Dericquebourg évoque Syriza et les chausse-trapes du pouvoir : « En remettant en jeu son mandat de premier ministre après avoir accepté les conditions draconiennes des autorités européennes, M. Alexis Tsipras a précipité la scission de Syriza. La Plate-forme de gauche s’est aussitôt constituée en un mouvement, Unité populaire, favorable à la sortie de l’euro. Les leçons que les uns et les autres tirent des six mois de pouvoir de Syriza en Grèce diffèrent… »

Dans l’est de l’Allemagne, de grands investisseurs font main basse sur les terres agricoles : « Après avoir connu la noblesse prussienne, la collectivisation, les coopératives et la transition, l’agriculture est-allemande suscite désormais l’appétit de grands investisseurs souvent étrangers au secteur. Une situation paradoxalement favorisée par les structures héritées du régime communiste. »

À Bruxelles, les pantoufles sont confortables (Vicky Cann) : « Les institutions européennes accordent une place exorbitante à la bureaucratie au détriment du pouvoir politique. Intervenant à tous les stades du processus de décision, ces fonctionnaires concentrent l’attention des lobbys. Faute de règles précises dont l’application serait effectivement contrôlée, la vie bruxelloise voit aussi se multiplier les conflits d’intérêts, tant chez les députés que chez les commissaires. »

Et puis, Les élus passent, les eurocrates restent (Sylvain Laurens) : « Pourquoi perdre son temps avec un député lorsque l’on peut s’adresser directement à ceux qui détiennent le pouvoir ? Dans un restaurant chic de Bruxelles, le lobbyiste Erik Polnius ne s’embarrasse pas de simagrées : « Pour moi, il y a deux types de lobbyistes : d’abord, ceux qui, quand ils ont une proposition de texte, viennent voir un membre du Parlement... » Une moue moqueuse suggère ce que lui inspire la démarche et appelle la question : mais qui sont ces personnes si puissantes auxquelles préfère s’adresser la seconde catégorie de lobbyistes ? La grimace se transforme en sourire satisfait : « Les bureaucrates de la Commission, bien sûr. »

Comment la Corse peut-elle se développer (Dominique Franceschetti) ? : « Le plan d’aménagement et de développement durable de la Corse (Padduc) doit être soumis au vote de l’assemblée territoriale cet automne. En adaptant les modalités d’application des lois montagne et littoral aux spécificités locales, ce texte renvoie à la question de la relation des Corses avec le milieu naturel. Il implique aussi de revenir sur une forme d’organisation sociale singulière. »

Daniel Paris-Clavel revient sur la révolution du western italien : « Expression d’une lucidité politique, le « western spaghetti » a profondément renouvelé un genre à bout de souffle tout en démythifiant la fondation de l’Amérique. Décliné en « western Zapata », avec pour toile de fond les révolutions mexicaines, il donne le beau rôle au paysan basané du sud du Rio Grande, qui vole la vedette au héros yankee... »

Aminata D. Traoré, femme politique malienne, évoque, dans une lettre à sa sœur, le martyre des naufragés africains : « Deux cents de tes concitoyens et presque autant des miens figurent parmi les huit cents morts du naufrage du 18 avril 2015 au large de la Sicile. Nombreux sont ceux dont on ne parle déjà plus, ceux dont on ne parlera jamais, enfouis dans ces fosses communes que sont devenus le désert du Sahara et la Méditerranée. Ton fils unique est un jour parti pour l’Europe avec quatre-vingt-neuf autres jeunes de Thiaroye (Sénégal) à bord d’une embarcation que la mer a engloutie. Nous nous sommes rencontrées parce que, dans mon pays, d’autres mères de migrants disparus qui ne veulent ni oublier ni baisser les bras m’ont interpellée : « Nous n’avons pas revu nos enfants ni vivants ni morts. La mer les a tués. Pourquoi ? » Elles ne savaient rien non plus de cette mer tueuse, notre pays le Mali étant enclavé. »

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