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Le Monde Diplomatique, août 2015

Un dossier très nourri sur la situation en Grèce (« Le révélateur grec »). À commencer par un article de Yannis Varoufakis : “ Leur seul objectif était de nous humilier ” :
Soucieuse d’éviter le défaut de banques françaises et allemandes déjà fragiles, qui avaient prêté des milliards à des gouvernements grecs aussi irresponsables qu’elles, l’Europe a décidé d’accorder à Athènes le plus important plan d’aide de l’histoire. A une condition : que le pays procède à une consolidation budgétaire (phénomène plus connu sous le nom d’austérité) d’une ampleur jamais imaginée auparavant. Sans surprise, l’opération a provoqué une chute du revenu national sans précédent depuis la Grande Dépression. C’est ainsi que s’est enclenché un cercle vicieux : la déflation. conséquence directe de l’austérité, a alourdi le fardeau de la dette et propulsé l’hypothèse de son remboursement dans le domaine du chimérique, ouvrant la voie à une crise humanitaire majeure.

Pendant cinq ans, la « troïka » des créanciers – le Fonds monétaire international (FMI), la Banque centrale européenne (BCE) et la Commission européenne représentant les Etats membres qui avaient prêté à Athènes – s’est entêtée dans cette impasse, pour laquelle les spécialistes de la finance ont un nom : extend and pretend, ou stratégie du « comme si ». Cela consiste à prêter toujours davantage à un débiteur insolvable comme s’il ne l’était pas, afin de ne pas avoir à enregistrer des pertes sur ses titres. Plus les créanciers s’obstinaient, plus la Grèce s’enfonçait dans la crise économique et sociale, et moins elle devenait réformable. Pendant ce temps, les pertes potentielles des créditeurs gonflaient et gonflaient encore.

A lire également l’article de Serge Halimi : “ L’Europe dont nous ne voulons plus ” :
Un mouvement jeune et plein d’énergie entendait transformer une nation et réveiller le Vieux Continent. L’Eurogroupe et le Fonds monétaire international (FMI) ont écrasé cette espérance.

Au-delà du choc que les événements grecs représentent pour certains des partisans du projet européen, trois enseignements s’en dégagent. D’abord, la nature de plus en plus autoritaire de l’Union à mesure que l’Allemagne y impose sans contrepoids ses volontés et ses obsessions. Ensuite, l’incapacité d’une communauté fondée sur une promesse de paix à tirer la moindre leçon de l’histoire, même récente, même violente, dès lors qu’il lui importe avant tout de sanctionner les mauvais payeurs, les fortes têtes. Et enfin, le défi que pose ce césarisme amnésique à ceux qui voyaient dans l’Europe le laboratoire d’un dépassement du cadre national et d’un renouveau démocratique.

Pour Renaud Lambert, “ le système a absorbé le virus ” :

Aux yeux de M. Schaüble et de ses collègues européens, le militantisme libéral de Londres – des nouvelles entraves au droit de grève à l’encadrement de l’audiovisuel public – justifie certaines concessions ; pas les options politiques de Syriza, pourtant modérées. Au contraire : « Une grande partie des dirigeants européens partagent le sentiment qu’assouplir les règles pour satisfaire un gouvernement de gauche en Grèce créerait un dangereux précédent et fragiliserait sans doute la zone euro davantage qu’une défection du pays », rapporte le journaliste américain Jack Ewing (...).

Pour François Denord (et al.), L’ordolibéralisme allemand est une cage de fer pour le Vieux Continent :

« Si quelqu’un voulait encore une preuve du danger que font peser les référendums sur le fonctionnement des démocraties modernes, la voilà », fulminait le site de l’hebdomadaire Der Spiegel le 6 juillet 2015, après l’annonce des résultats de la consultation grecque. La sidération provoquée en Allemagne par ce « non » retentissant s’explique par la collision frontale entre deux conceptions de l’économie et, plus largement, des affaires publiques.

La première approche, qu’incarnaient début juillet les dirigeants grecs, reflète un mode de gouvernement proprement politique. Le suffrage populaire prime sur la règle comptable, et un pouvoir élu peut choisir de changer les règles. La seconde, à l’inverse, subordonne l’action gouvernementale à la stricte observance d’un ordre. Les politiques peuvent agir comme ils l’entendent pourvu qu’ils ne sortent pas du cadre, lequel se trouve de facto soustrait à la délibération démocratique. Le ministre allemand des finances Wolfgang Schäuble personnifie cet état d’esprit.

Laurent Bonelli s’est intéressé aux djhadistes partis combattre à l’étranger :

Quels points communs entre un militant de gauche se rendant en Espagne en 1936 pour défendre la république et un individu qui part combattre aux côtés de l’Organisation de l’Etat islamique ? Sur le plan des objectifs, aucun. Mais l’observation des étapes de leurs parcours révèle quelques similitudes qui éclairent les ressorts d’un engagement. Et, dans le cas des djihadistes, les risques liés à leur retour.

Agnès Sinaï explique pourquoi les conflits peuvent avoir une origine climatique :

Ne pouvant plus nier les effets des activités humaines sur le climat, les dirigeants de la planète vont se retrouver à la fin de l’année à Paris pour la 21e conférence des Nations unies sur le climat (COP21). Mais ils ne semblent pas prendre toute la mesure du problème, alors que les accidents se multiplient. Les mauvaises récoltes en Chine, par exemple, pourraient avoir attisé les « printemps arabes ».

Sahar Khakifa étudie la représentation des femmes arabes dans les médias occidentaux :

Des créatures faibles et opprimées disparaissant sous un tchador ou une burqa. Telle est l’éternelle représentation des femmes arabes que proposent les médias occidentaux, en mélangeant allègrement les contextes et les nationalités. Ces femmes seraient-elles donc hors de l’histoire ? Et si elles ne le sont pas, comment expliquer la grande régression qu’ont connue leurs droits au cours des dernières décennies ?

Pour Benoît Bréville, les fast-foods d’aujourd’hui nous illusionnent autant que ceux d’avant :

Mois après mois, les ventes de McDonald’s s’effondrent. Associée à la malbouffe et à l’obésité, la multinationale pâtit également de la concurrence de marques qui se présentent comme différentes : elles proposeraient des aliments naturels, traiteraient leurs employés avec respect, favoriseraient le commerce équitable, etc. Apôtres de ces nouvelles manières de consommer, les chaînes Starbucks et Subway sont parvenues à conquérir la planète.

Pas très rationnel, l’usage de la voiture à Moscou (Hélène Richard) :

La généralisation rapide de l’automobile après la chute du mur de Berlin a eu raison du réseau routier de la capitale russe. Moscou figure aujourd’hui parmi les villes les plus embouteillées au monde, avant Istanbul ou Rio de Janeiro. Chaque véhicule y dispose de quatre fois moins d’asphalte que dans les grandes villes occidentales. Il est loin, le temps où Nikita Khrouchtchev promettait à ses concitoyens de faire en Union soviétique « un usage plus rationnel des voitures que les Américains »…

Sergio González Rodríguez donne son témoignage sur la torture au Mexique :

Des protestations ont émaillé la visite du président mexicain Enrique Peña Nieto en France, lors des festivités du 14 juillet. Actes de torture, massacres, disparitions : diverses organisations ont dénoncé la responsabilité de l’Etat dans ce qui constitue le quotidien des Mexicains.

Pour Michel Didier, les bergers sont les prolétaires de l’élevage :

La présence du loup dans les montagnes françaises est une bonne nouvelle pour la biodiversité. Mais le retour de ce prédateur a révélé la vulnérabilité des troupeaux et la fragilité d’un mode d’élevage devenu très extensif. Sensibles à la préservation du pastoralisme et à la majesté des paysages, les promeneurs ignorent généralement ce que les alpages doivent à la persévérance des bergers.

Pour Pierre Souchon, Disneyland est toujours un vrai paradis :

Les révélations de LuxLeaks ont donné un coup de projecteur sur les pratiques de contournement de l’impôt chez Disney. Embarrassantes, ces informations sont occultées dans le parc d’attractions de Marne-la-Vallée, où prospère la vision d’une entreprise consensuelle, soudée autour de valeurs communes. Un vrai conte de fées...

Pierre Daum explique comment les musulmans sont ségrégués en France :

Décrit tantôt comme une menace pour l’identité nationale, tantôt comme une idéologie guerrière, l’islam fait l’objet d’attaques incessantes dans les médias ou de la part de dirigeants politiques. Mais on aborde rarement cette religion dans sa pratique quotidienne : qu’est-ce qu’être musulman dans une société qui condamne les immigrés et leurs descendants à la ségrégation ? Exemple à Montpellier.
Les habitants de la Paillade, selon l’ancien nom que tout le monde continue d’utiliser, se retrouvent entre eux : quinze mille personnes, pour la plupart issues des immigrations postcoloniales. Et, parmi elles, une proportion importante de familles venues du sud du Maroc. En juin 2000, lors de l’inauguration de cette ligne de tramway, Georges Frêche, le maire de l’époque (décédé en 2010), avait lancé une plaisanterie qui avait fait beaucoup rire les élus municipaux : « Ici, c’est le tunnel le plus long du monde [il parlait du passage souterrain situé à l’extrémité de la place de la Comédie] : vous entrez en France et vous ressortez à Ouarzazate ! » Et, pour ceux qui auraient encore pu douter de la connotation raciste de son propos, il avait ajouté en désignant une passagère qui portait le foulard : « Ne vous inquiétez pas pour la dame, elle n’a que les oreillons ! »

Martine Bulard est allée se promener « sous bonne garde » en Corée du Nord :

Il a fallu deux ans pour obtenir un visa d’entrée en tant que journaliste en République populaire démocratique de Corée. Ce sésame ne signifie pas pour autant liberté de mouvement, ni même choix du programme, et encore moins discussions spontanées dans la rue. A quelques exceptions près, les autorités décident de ce que vous devez voir. Mais elles ne peuvent pas tout cacher...

Julien Mercille revient sur la crise immobilière en Irlande et sur le rôle des médias :

Le Parlement et le Sénat irlandais ont décidé en novembre 2014 la création d’une commission d’enquête sur l’implosion de la bulle immobilière en 2008. Il s’agissait d’« enquêter sur les raisons pour lesquelles l’Irlande a connu une crise bancaire systémique, notamment sur les facteurs politiques, économiques, sociaux, culturels, financiers et comportementaux, ainsi que sur les décisions qui y ont contribué ». Dans le cadre de leurs travaux, les parlementaires ont auditionné en mars 2015 le chercheur canadien Julien Mercille sur la responsabilité des médias. Voici un extrait de son intervention.

Peu avant de mourir, Boris Vian écrivit En avant la zizique et par ici les gros sous. Les choses n’ont pas changé (David Commeillas) :

Avec l’essor des smartphones, l’écoute légale de musique en ligne, sans téléchargement, connaît un succès croissant. Se pose maintenant la question de la qualité de l’offre, mais aussi de la répartition équitable des gains, à la fois entre les artistes et les maisons de disques et entre les artistes eux-mêmes.

Dominique Pinsolle se demande comment faire la révolution à l’ère de l’interconnection du monde :

« Le pouvoir ne réside plus dans les institutions. Il réside désormais dans les infrastructures de ce monde. » De ce constat, le Comité invisible tire dans son dernier livre une conclusion pratique aussi simple que séduisante : les révolutionnaires doivent s’organiser pour bloquer les flux qui parcourent et composent notre univers, dont la structure serait désormais celle d’un réseau aux dimensions planétaires. Bonne nouvelle : cet ensemble de nœuds interconnectés serait particulièrement vulnérable, et quelques actions bien ciblées suffiraient à le déstabiliser. Sous l’effet de son développement réticulaire, le capitalisme se trouverait ainsi menacé par des groupes d’individus ingénieux décidés à pirater des serveurs informatiques, à bloquer des raffineries, à occuper des places au cœur des métropoles, etc.

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