RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher
La fiancée du « pirate » s’appelle peut-être « liberté »

Varoufakis voulait contourner son administration. Chavez l’avait fait.

La presse titre sur le projet secret (« un scénario digne d’un polar ») de Yanis Varoufakis de pirater son propre ministère, plus précisément la plate-forme de l’administration fiscale grecque, afin de créer un système bancaire parallèle.
Ce fut plus qu’un projet.

Une équipe de haut niveau avait été formée, le célèbre économiste américain James K. Galbraith y travaillait (bénévolement). Ce fut une amorce de « Plan B » pour le cas où le pays se retrouverait en manque de liquidités de par la volonté de ses prédateurs européens.

Scandaleux ?

Varoufakis : « La direction générale des finances publiques, au sein de mon ministère, était contrôlée entièrement et directement par la troïka (BCE, Commission européenne et FMI). Elle n’était pas contrôlée par mon ministère, par moi, ministre, elle était contrôlée par Bruxelles. Le directeur général est désigné via une procédure sous le contrôle de la troïka. Imaginez, c’est comme si les finances étaient contrôlées par Bruxelles au Royaume-Uni. »

Afin de reprendre la main sur le système, le ministre avait nommé directeur général des systèmes d’information un ami d’enfance, professeur en technologie de l’information à l’Université Columbia.

Yanis Varoufakis : «  Nous avons décidé de pirater le logiciel de notre propre ministère pour copier les numéros fiscaux enregistrés sur la plateforme et pouvoir ensuite travailler à la mise en place de ce système parallèle. […] Au bout d’une semaine, il [son ami, le directeur général des systèmes d’information] m’appelle et me dit : « Tu sais quoi ? Je contrôle les machines, le matériel, mais je ne contrôle pas les logiciels. Ils appartiennent à la Troïka. Qu’est-ce que je fais ? »

Dans ce moment où la Grèce était financièrement étranglée, politiquement isolée et techniquement ficelée, il a manqué du temps, des moyens (peut-être de l’audace, mais c’est facile à dire).

On connaît le dénouement : la signature par Alexis Tsipras d’un accord auquel il a dit ne pas croire.

Par extraordinaire, cette affaire éclate au moment où je relis les épreuves de mon prochain roman, un polar (1) qui paraîtra à la rentrée et qui se passe au Venezuela où je m’étais rendu pour me documenter. Au passage j’y raconte comment Hugo Chavez s’est heurté à un problème assez ressemblant à celui que rencontre Alexis Tsipras. Certes, le contexte était différent : Hugo Chavez bénéficiait d’une majorité absolue dans les urnes, du soutien et des conseils fraternels des pays environnants et le Venezuela, producteur de pétrole, n’était pas ruiné.

Mais, comme a essayé de le faire le gouvernement grec, il a dû arracher à l’adversaire des commandes de l’Etat, commandes qui lui avaient été confiées (comme en Grèce) par le peuple.

Je sais le danger des comparaisons et j’en vois les limites.

Pourtant…

Les « regulares »

Chavez ne contrôlait pas l’appareil d’Etat : il se heurtait, à une « troïka » interne ayant pour nom les « regulares ». On appelle ainsi les fonctionnaires. La majorité des employés de l’Etat était en poste depuis l’époque antérieure. Les « regulares » ne voulaient pas travailler pour le gouvernement élu. Beaucoup de cadres et directeurs au plus haut niveau étaient membres des partis d’opposition. Ils occupaient des rouages clés du pouvoir exécutif. Ils étaient hostiles aux programmes sociaux de santé, d’éducation, d’emploi, de redistributions des terres… Le gouvernement décidait une chose, ils n’obéissaient pas, ils en faisaient une autre. La solution était un licenciement gigantesque et risqué, ou bien leur contournement.

Les missions

Hugo Chavez va alors créer des branches parallèles de l’Etat qui prendront le nom de « missions ». Ce sont des programmes sociaux pour soigner, instruire, loger et nourrir les plus pauvres. Les plus connues sont la « Mission Robinson » (un plan d’alphabétisation), « Mission Milagro » (Mission Miracle, opération des yeux) et « Barrio Adentro » (Dans les barrios, installation de médecins dans les bidonvilles). Avant leur arrivée, les gens des ranchos, c’est-à-dire les « negritos » ou les « macacos » (macaques) comme on les appelait avec mépris, ne voyaient jamais un médecin. Ces derniers n’ouvraient pas leurs cabinets dans les ranchos et ils ne s’y déplaçaient guère. En ville, la consultation coûtait 18 dollars. Une fortune !

Alors, le projet du « pirate » Varoufakis ?

A cette heure, nous manquons d’éléments pour en parler en détail. Mais il n’est pas trop tôt pour dire que ce projet était légitime et qu’il n’est pas caduc, n’en déplaise à Wolfgang Schäuble.
Rappelons-nous ce mot d’une dirigeante de Syriza : « Dans le passé, l’Allemagne a gagné beaucoup de batailles, mais elle n’a gagné aucune guerre. »

Il est écrit dans le ciel d’Athènes que la Grèce viendra à bout de la troïka.

Maxime VIVAS
(1 « Rouges, les collines de Caracas », polar historique, éditions Arcane 17. Octobre 2015. En avant-première à la fête de l’Humanité en septembre.

URL de cet article 29037
  
AGENDA

RIEN A SIGNALER

Le calme règne en ce moment
sur le front du Grand Soir.

Pour créer une agitation
CLIQUEZ-ICI

Même Auteur
La face cachée de Reporters sans frontières - de la CIA aux faucons du Pentagone.
Maxime VIVAS
Des années de travail et d’investigations (menées ici et sur le continent américain) portant sur 5 ans de fonctionnement de RSF (2002 à novembre 2007) et le livre est là . Le 6 avril 2006, parce que j’avais, au détour d’une phrase, évoqué ses sources de financements US, RSF m’avait menacé dans le journal Métro : " Reporters sans frontières se réserve le droit de poursuivre Maxime Vivas en justice". Au nom de la liberté d’expression ? m’étonné-je. Quoi qu’il en soit, j’offre aujourd’hui au libre débat (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Un socialiste est plus que jamais un charlatan social qui veut, à l’aide d’un tas de panacées et avec toutes sortes de rapiéçages, supprimer les misères sociales, sans faire le moindre tort au capital et au profit.

Friedrich Engels

Comment Cuba révèle toute la médiocrité de l’Occident
Il y a des sujets qui sont aux journalistes ce que les récifs sont aux marins : à éviter. Une fois repérés et cartographiés, les routes de l’information les contourneront systématiquement et sans se poser de questions. Et si d’aventure un voyageur imprudent se décidait à entrer dans une de ces zones en ignorant les panneaux avec des têtes de mort, et en revenait indemne, on dira qu’il a simplement eu de la chance ou qu’il est fou - ou les deux à la fois. Pour ce voyageur-là, il n’y aura pas de défilé (...)
43 
Le fascisme reviendra sous couvert d’antifascisme - ou de Charlie Hebdo, ça dépend.
Le 8 août 2012, nous avons eu la surprise de découvrir dans Charlie Hebdo, sous la signature d’un de ses journalistes réguliers traitant de l’international, un article signalé en « une » sous le titre « Cette extrême droite qui soutient Damas », dans lequel (page 11) Le Grand Soir et deux de ses administrateurs sont qualifiés de « bruns » et « rouges bruns ». Pour qui connaît l’histoire des sinistres SA hitlériennes (« les chemises brunes »), c’est une accusation de nazisme et d’antisémitisme qui est ainsi (...)
124 
L’UNESCO et le «  symposium international sur la liberté d’expression » : entre instrumentalisation et nouvelle croisade (il fallait le voir pour le croire)
Le 26 janvier 2011, la presse Cubaine a annoncé l’homologation du premier vaccin thérapeutique au monde contre les stades avancés du cancer du poumon. Vous n’en avez pas entendu parler. Soit la presse cubaine ment, soit notre presse, jouissant de sa liberté d’expression légendaire, a décidé de ne pas vous en parler. (1) Le même jour, à l’initiative de la délégation suédoise à l’UNESCO, s’est tenu au siège de l’organisation à Paris un colloque international intitulé « Symposium international sur la liberté (...)
19 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.