Vous me faites marcher ? (expression populaire)
- De tous les pays circonvoisins, des campagnes et des villes, malades et infirmes, paralytiques, culs-de-jatte et pieds-bots accouraient dans des carrioles, dans des calèches, sur des ânes, sur leurs moignons calleux.— (Octave Mirbeau, Rabalan,)
La démocratie, c’est le peuple qui a le "droit" de marcher. Il s’échine au Reebok pour changer le monde. Sortez la calculette : dans un demi siècle, les démocratisés seront tous des culs-de-jatte. Rognés et ensanglantés sur l’asphalte attisé au réchauffement climatique et à la froideur bancaire d’un nazisme pastel. Un vent d’austérité dans le dos... On est des voiliers volés. Jadis, on entrait en religion avec une formule cimentée : prendre le voile. Ben ! voilà que les citoyens ont tous leur petite voile format drapeau qui vaguent sous les propos divagués des dirigeants.
2008 kilomètres. Ça vous va ? La démocratie, c’est votez et pancartez. Un "slow gan" réel qui, selon les dires des pantins dirigeants, feraient avancer les choses. Depuis la "démarche" 2008, le populo attend toujours sa reprise économique. C’est un indigné apprivoisé qui ne ferait pas mal à une mouche parlementaire. Car la mouche revient toujours... Aux cinq ans. Brrr ! On tremble ! On est effroyé , et on vote et revote à la recherche d’un moustiquaire.
La marchitude
C’est comme un sport prétendument pratique et pragmatique.
* On marche pour garder son emploi
* On marche pour garder sa pension
* On marche pour garder son système de santé en santé
* On marche pour garder ses industries
* On marche pour garder ce qu’on perd dans l’érosion de la crise
C’est à qui aura la plus belle pancarte. Alors, on devrait créer un concours de pancartes. Avec un prix décerné par un haut fonctionnaire dans une cérémonie distinguée ou le récipient d’air marche vers le fonctionnaire pour aller chercher son prix.
Au Québec, on n’a pas le droit de marcher masqué. Je suggère qu’on ne marche plus. C’est simple : vous inventez un défilé et vous le faites approuver par les autorités. Un défilé de danseurs en couples déguisées en amérindiens, de danseurs e espagnols, en tenue de smoking , avec musique javellisante, épurée, toute douce. Tout ça bien coloré comme des milliers de perroquets valsant dans les rues.
Le défilé d’automne
L’automne est gris et austère. Les couleurs quittent les arbres, se laissent glisser vers le sol en ballant, et puis s’en vont rejoindre la terre. Tristesse-Kleenex. Snif ! C’est le temps de créer un nouveau défilé : LE DÉFILÉ DES GUEUX. Tout le monde se vêt de son plus laid habit. ( ouch ! c’est bizarre comme phrase). Vêtements déchirés, visages noir de cambouis des sables bitumineux de l’Alberta. La perruque, le barbouillement des dents cariées, traînant malades et enfants, avec carrosses du 19 e siècle ou brouette fabrication maison et ignorants avec des pancartes remplies de fautes :
JE VEU VIVE
J’AI MON BACC MÈ JE NE TRAVAYE PAS
ABAT l’OSTÉRHITÉ
UNE MARCHE À LA FOI
Etc,
Rien n’est parfait. Il suffit de modifier le scénario à chaque année. Par exemple, l’année suivante, en cas de pluie, porter un sac de plastique à ordures . Les grands vert.... Pour ne pas trop se fatiguer, restez allongés ou accotés le long de la rue en attendant de vous faire ramasser par le camion de vidanges. Ou alors, remplissez totalement la rue et restez amorphe, sans bouger et empilez-vous les uns les autres. Et n’oubliez pas d’apporter des beignes aux policiers. La marque TOUT BAIGNE est conseillée.
Si votre dame s’appelle Denise, montrez vous cultivé, fin connaisseur, comme moi, de Shakespeare : inscrivez sur votre pancarte Le marchant de Denise. Il n’y arien de plus beau que la culture. Comme dirait Orwell : la culture c’est l’ignorance. Mais ne vous sous estimez pas :
Le personnage du titre est le marchand Antonio. Pour rendre service à son protégé Bassanio, il emprunte de l’argent à l’usurier Shylock. Certain de pouvoir le rembourser, il signe un contrat où il autorise son créancier à lui prélever une livre de chair en cas de défaut de paiement. Il ne peut faire face à son échéance et Shylock, qui veut se venger des humiliations que lui ont fait subir les chrétiens, insiste pour que le contrat soit appliqué à la lettre. Le marchant de Venise
On a tous voté pour Shylock. Et si l’on change de gouvernance, ce sera toujours Shylock. Il a le droit de se déguiser, mais pas nous...
Bonne marche !
Gaëtan Pelletier
Juillet 2015