Un salaire minimum mondial specifique à l’exportation
Le thème du salaire minimum mondial n’est certes pas nouveau mais en l’absence de projet pragmatique, celui-ci n’a jamais vraiment progressé. Le salaire médian selon le niveau de vie ou la rémunération moyenne de chaque pays est l’hypothèse la plus souvent évoquée mais la mise en place d’un tel dispositif nécessiterait plusieurs décennies.
En effet, la dernière Convention concerning the Creation of Minimum Wage-Fixing Machinery, qui a eu lieu en 1928, laissait champ libre aux États signataires mais s’est révélée être un échec : “Chaque Membre qui ratifie la présente convention a la liberté de déterminer les méthodes de fixation des salaires minima ainsi que les modalités de leur application“. 99 pays ont ratifié la convention dont la Chine en 1930 ou l’Inde en 1955 avec les résultats que nous connaissons. Certains pays ont adhéré en 2006 et 2007 soit prés de 80 ans après.
Aussi, cette expérience nous enseigne, que, pour être efficace et ratifiée rapidement par le plus grand nombre d’États, une nouvelle convention internationale devrait impérativement définir un cadre d’application commun plus précis.
Il conviendrait en outre que le processus ne soit financièrement, guère contraignant pour les États.
Le salaire minimum mondial préconisé s’adresserait donc d’abord aux personnels dont le travail serait lié aux produits et services exportés vers les grands marchés de consommation.
Les Chefs d’États des pays émergents pourraient appréhender l’intérêt d’un salaire décent, source de nouvelles recettes fiscales et de développement financé par une plus juste contribution des donneurs d’ordres principalement occidentaux. A terme, ce salaire pourrait générer un effet macroéconomique positif certain sur le niveau de vie de populations entières.
Aujourd’hui, avec des salaires horaires variant le plus souvent, d’une à quelques dizaines de cents d’euros, la part salariale de la production d’un bien de consommation fabriqué dans un pays à bas coûts, n’avoisine le plus souvent qu’1 à 5 % du prix acquitté par l’acheteur final.
Un salaire minimum mondial spécifique de 300 ou 400 € augmenterait les coûts de production mais ne devrait néanmoins, que modérément impacter les prix à la consommation.
Sous l’effet d’une crise qui ampute le pouvoir d’achat et l’accroissement d’une concurrence qui voit l’arrivée ininterrompue de nouveaux acteurs, notamment dans le secteur de l’habillement, l’offre s’adapte habituellement à la demande et les étiquettes des biens de consommation bas/moyen de gamme affichent une tendance à la rétractation.
En effet, les grandes entreprises qui ont recours aux pays à bas coûts disposent généralement de marges considérables qu’ils peuvent réduire sans affecter dangereusement leurs résultats.
Pour exemple, Apple a totalisé en 2013 et 2014 prés de 80 milliards de dollars de bénéfices et des enseignes comme ZARA et H&M réinvestissent chaque année dans l’ouverture de 400 nouveaux mégastores luxueux situés sur les plus belles avenues du monde.
Penser une mutation des modes de production
L’intégration dans les coûts, d’un salaire minimum décent et du réel impact écologique, de la fabrication à la commercialisation, nous orienterait vers un ralentissement du consumérisme et à terme, ferait diminuer le réchauffement climatique.
La revalorisation des salaires industriels dans les pays émergents ou en développement, atténuerait l’écart de productivité entre industrie et artisanat.
Cela pourrait favoriser l’apparition de modes de fabrication ou de culture locaux et artisanaux, plus respectueux de l’environnement, qui désormais, pourraient plus souvent assurer un revenu vital à des travailleurs indépendants ou à des petites structures, notamment dans les pays émergents.
Progressivement la production muterait vers une offre de meilleure qualité, moins jetable, moins obsolète et subséquemment, plus économique pour le consommateur.
Au moment où le modèle économique basé sur une course à la croissance à l’infini dévoile ses limites mais continue néanmoins à détruire notre planète, il conviendrait d’attribuer aux plus grandes entreprises, un coefficient de responsabilité sociale et écologique.
Il pourrait être calculé sur la base de la réelle empreinte écologique des services ou produits vendus.
Il tiendrait compte de la qualité ou durabilité et des conditions de travail lors des prestations ou de la production réalisée chez les sous-traitants mais aussi de tous les éléments de commercialisation et de l’ensemble des moyens publicitaires.
La contribution pourrait financer, à travers une agence mondiale dédiée, des actions en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique notamment l’aide au développement d’économies locales et artisanales ou de toutes actions conduisant à un allégement de l’empreinte écologique mondiale. Le chantier serait moins titanesque qu’il n’y parait car moins de 400 groupes internationaux seulement, se partagent la quasi-totalité de l’économie mondiale. Il serait juste que les entreprises qui tirent immodérément parti de la planète, contribuent au financement d’actions tendant à réduire leurs dégâts.
Dans votre message communiqué le 10 décembre 2014 titré « Non plus esclaves, mais frères » Vous soulignez la « responsabilité sociale du consommateur » : « Chaque personne devrait avoir conscience qu’acheter est non seulement un acte économique mais toujours aussi un acte moral ».
Certes, le consommateur peut et doit réduire sa consommation. Cependant, il convient de pointer du doigt la politique de libre-échange qui a favorisé l’explosion de la consommation et qui, en quelques années a fait bondir les émissions de C02. L’achat a longtemps été un acte réfléchi reposant sur la recherche du meilleur rapport qualité/prix parmi une offre diversifiée de qualité mais aujourd’hui les repères ont disparu. Le consommateur, toujours plus sollicité par une publicité invasive, consomme l’offre imposée par quelques grands groupes qui règnent sur les marchés de la consommation. Il est maintenant quasiment contraint de renouveler sans cesse des équipements jetables ou obsolescents majoritairement fabriqués dans des pays émergents à bas coûts dans des conditions souvent peu respectueuses de l’homme et de la nature.
Sauver des enfants
Selon un rapport de l’UNICEF en 2012, 322 millions d’enfants (23 % de la population mondiale âgée de 5 à 17 ans) sont engagés dans une activité économique.
Parmi eux, 215 millions travaillent dans des conditions inacceptables et plus de 110 millions d’entre eux, sont soumis aux pires conditions de travail.
Aussi, si l’on admet que lorsque les parents sont payés décemment les enfants sont moins souvent contraints de travailler et peuvent ainsi aller à l’école, l’existence d’un salaire décent se révèle cruciale.
De même, nous assistons impuissants à la noyade de milliers d’enfants et adultes migrants dont bon nombre fuient des pays où les salaires des ouvriers fabricant des produits pourtant destinés aux grands marches de la consommation, permettent à peine de survivre.
Nous devons œuvrer à la régulation d’un marché mondial du travail qui, tout au long de l’histoire de l’humanité, n’a jamais compté autant de personnes travaillant dans des conditions proches de l’esclavage dans les pays émergents ou en développement mais aussi un nombre de chômeurs et de pauvres jamais atteint auparavant dans les pays développés.
Un accord pour mettre fin à l’esclavage avant 2020
Le 2 décembre 2014, journée internationale pour l’abolition de l’esclavage, une réunion co-organisée par le Vatican et le mouvement global freedom network, initié par le milliardaire et magnat des mines australiennes Andrew Forrest, a permis de recueillir la signature des 16 principaux chefs de communautés religieuses, en faveur d’une déclaration commune « pour mettre fin à l’esclavage avant 2020 ». Cependant, la déclaration ne semble pas s’être dotée de stratégie commune. Aussi, il est à redouter, qu’à l’instar des dizaines de conférences ou conventions organisées depuis la déclaration des droits de l’homme en 1948, que les résolutions ne soient suivies d’effets. Par ailleurs, le site du mouvement, destiné au recueil du soutien d’une part significative de la population mondiale stagne depuis sa création à 11 000 signatures sur le réseau social Facebook et un peu plus de 2 400 sur Twitter. Alors on peut déjà craindre que la mobilisation planétaire escomptée ne soit guère au rendez-vous.
Apaiser un monde au bord de l’implosion sociale
Publié en septembre 2013, le projet Global minimum wage to abolish slavery a été remarqué par des économistes de renom. Certains parmi eux, enseignent dans les plus prestigieuses universités américaines et nous ont fait part de leur intérêt.
Bien qu’il faille admettre qu’il soit de nature différente et n’ait finalement guère vu le jour, le projet de salaire minimum aux USA avait cependant, recueilli en janvier 2014 le soutien de 600 économistes.
Les chefs religieux que vous avez réuni et de nombreux économistes à travers le monde, sont susceptibles de soutenir la « convention internationale pour un salaire minimum » que nous proposons. Certains parmi eux pourraient intervenir lors de celle-ci.
Pays en développement ou développés pourraient s’accorder à voir en cette convention, une opportunité d’apaiser un monde au bord de l’implosion sociale.
Alors peut-être parviendrons-nous à convaincre les deux principaux marchés de consommation USA et UE, l’Organisation Internationale du Travail (OIT) et l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) de considérer la nécessité et l’inéluctabilité d’un salaire minimum mondial.
Francis JOURNOT
Global minimum wage to abolish slavery
http://www.international-convention-for-minimum-wage.org