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Les mouvements sociaux en Amérique latine : résistants et producteurs , par Sergio Ferrari et Benito Perez.



Les mouvements sociaux : résistants et producteurs


Le Courrier, samedi 8 Octobre 2005.


L’Amérique latine à la recherche d’’alternatives économiques et sociales.


Du sud de l’Argentine jusqu’aux confins du Mexique, mouvements de base, paysans et ouvriers, redonnent ses lettres de noblesse à l’économie solidaire. Des initiatives complémentaires au rejet des politiques néolibérales par les urnes.


Le continent latino-américain vit une période inédite. Aujourd’hui, 280 millions de ses habitants (sur un total de 513 millions) vivent dans des pays avec des gouvernements révolutionnaires, progressistes ou relativement « ouverts » aux problématiques posées par les mouvements sociaux. Parallèlement, ceux-ci mettent en oeuvre de plus en plus des projets économiques créatifs.

Le développement de ces alternatives, conçues depuis la base, ne semble plus connaître de frontières : depuis la toujours rénovée expérience zapatiste au Chiapas (Mexique) jusqu’au mouvement piquetero en Argentine, en passant par le Mouvement des travailleurs ruraux sans terre (MST) au Brésil, peut-être aujourd’hui le plus structuré et l’une des références essentielles pour les mouvements sociaux du continent. Sans oublier l’organisation des peuples indigènes en Equateur et en Bolivie (dans ce dernier cas, il faut y ajouter les cultivateurs de la coca) ; les mouvements de jeunes apparus dans des pays aussi marginalisés que le Paraguay ; les mobilisations sociales contre les privatisations, pour ne citer que quelques exemples.


Limites des Etats

A divers degrés d’organisation et de force, ces mouvements développent de nouvelles pratiques sociales, ils inventent quotidiennement de nouvelles définitions politiques, ils redéfinissent leur stratégies (comme l’a fait le zapatisme, avec sa récente sixième Déclaration de la forêt Lacandona), ils se positionnent de manière critique par rapport aux gouvernements (y compris progressistes) et, dans la majeure partie des cas, revendiquent leur autonomie face à ces gouvernements et aux partis.

Ces acteurs sociaux partent du constat que l’actuelle démocratie représentative a de grandes limites et que la logique économique dominante ne permet pas de satisfaire les besoins minimaux de la population, ni ne garantit la dignité des peuples.

De manière variable, tous ces mouvements se confrontent au modèle dominant, le combattent et le dénoncent. Dans de nombreux cas, ils développent des formes de production très diverses (à petite ou grande échelle), qui se profilent comme des embryons d’alternative [1]. En clair, ce sont des acteurs sociaux qui comprennent la nécessité de se consolider aussi comme acteurs productifs.


Economie au service des gens

L’usine de céramique FaSinPat (Fabrique sans patron), l’ancienne société Zanón, à Neuquén (au sud de l’Argentine), est gérée par les travailleurs depuis 2001. Cette année-là , le patron Luis Zanón tenta de fermer cette entreprise qui occupait 380 ouvriers. Deux cent septante d’entre eux décidèrent de continuer à produire et empêchèrent la fermeture. Aujourd’hui, il y a plus de 450 travailleurs en activité, qui ont augmenté la production, de 15 000 mètres de céramique à 300 000 mètres par mois. La sécurité et les conditions de travail ont été sensiblement améliorées. Si jusqu’en 2001 on dénombrait 300 accidents par an - la moitié d’une certaine gravité et au moins un mort par année - ce chiffre se monte aujourd’hui à 33 accidents légers. Une part des bénéfices est donnée à la communauté. Depuis la fin des années 1990, près de deux cents entreprises ont été récupérées par leurs travailleurs.

De même, de nombreuses organisations piqueteras utilisent une part de l’allocation individuelle versée mensuellement par le gouvernement aux chômeurs pour développer des microentreprises collectives, dont l’impact économique est réel [2].


« Bon gouvernement » productif

De l’Argentine au Mexique, malgré les milliers de kilomètres et le vécu différent qui séparent ces pays, existe une même aspiration à la recherche d’alternatives. Par exemple, les expériences productives des « juntes de bon gouvernement » au Chiapas, qui administrent les différentes municipalités autonomes, impulsées par les zapatistes. Les principaux défis sont d’’atteindre une meilleure autosuffisance économique, en produisant et en consommant à partir des communautés. Le semis collectif des haricots, du riz et du café représente le pilier de cette expérience, y compris pour l’exportation dans certains cas. Conscients de l’épuisement de la terre dans certaines zones, comme Los Altos, en raison de l’utilisation d’engrais chimiques, les communautés recourent aujourd’hui aux engrais naturels.

Différents projets sont en cours : des coopératives pour l’exportation de café, des ateliers de cordonnerie, des coopératives d’artisanat, des magasins pour la vente de nourriture, de café et de miel. Dans certaines zones, les coopératives disposent de camions utilisés pour les transports publics et pour commercialiser la marchandise dans d’autres régions, évitant ainsi les coûts très élevés des intermédiaires.


Foire du mouvement social

Durant la seconde semaine de septembre, à Maceio - Etat de Alagoas (Brésil) - s’est ouverte la sixième foire de la réforme agraire. Une nouvelle qui pourrait passer inaperçue, si l’on ne connaissait certains éléments : en moins de deux jours, ont été vendus plus de 200 tonnes de produits, à des prix moitié moins chers que ceux du marché [3]. A cette foire, organisée par le Mouvement des travailleurs ruraux sans terre (MST) du Brésil, participent aussi la Centrale des mouvements populaires, la Centrale unique des travailleurs et la Commission de la Pastorale de la Terre (conférence des évêques catholiques du Brésil). Cette initiative, déjà pratiquée dans d’autres Etats et municipalités, pourrait se tenir mensuellement à l’avenir.


Réussite économique

Les expériences productives florissantes mises en oeuvre dans de nombreux sites du MST sont déjà monnaie courante. Sur la base de la production coopérative, l’augmentation de la récolte est considérable. Dans quelques régions, le MST a créé de véritables supermarchés pour approvisionner bien au-delà de ses sphères d’influence. Les bénéfices sont redistribués solidairement entre les travailleurs, et partagés avec d’autres campements encore privés de terre. Dans les unités de production les plus développées travaillent par rotation des paysans qui vivent sur des sites occupés temporairement et qui n’ont pas encore de parcelles propres. Un solide organigramme productif, qui se profile comme exemple, accompagné toujours de la formation politique, d’une identité culturelle et de l’éducation primaire, secondaire et parfois universitaire pour les occupants.

La nouvelle logique de l’économie solidaire - dont les exemples se multiplient sur le continent - et la lutte pour la souveraineté alimentaire, défendues par des réseaux internationaux comme Via Campesina [4], sont des concepts alternatifs de poids. Ils transcendent le simple cadre idéologique pour se concrétiser dans des réalités quotidiennes, qui prouvent la viabilité des mouvements sociaux comme acteurs productifs.


Les jardins de Caracas

A un autre niveau, les jardins collectifs de Caracas, qui produisent des légumes, représentent un premier pas alternatif à l’importation de 70% des aliments consommés au Venezuela. Plus de 4000 micro-jardins ont surgi dans la capitale durant ces derniers mois. Avec l’appui gouvernemental et celui de la FAO, ils parsèment les quartiers populaires de leurs petites terrasses. Les vingt jardins les plus grands, organisés comme coopératives urbaines, produisent et vendent des tonnes de légumes frais. Ce sont des parcelles d’un demi-hectare, souvent entourées de bureaux dans des zones commerciales ou financières.

La majeure partie des habitants du continent souffrent aujourd’hui du système d’exclusion. Il n’est donc pas surprenant qu’une « nouvelle » logique imprègne chaque mouvement social (urbain, rural, indigène, ouvrier). Aujourd’hui, il est pratiquement inimaginable de trouver des mouvements axés exclusivement sur la lutte. Il est clair que la résistance passe aussi par la viabilité, c’est-à -dire la capacité de s’organiser au niveau de la production, démontrant ainsi sa capacité en tant qu’acteur de résistance... et sujet initiateur d’une économie alternative.

Sergio Ferrari
Collaboration : E-CHANGER .


Remède à la crise, l’entreprise sans patron fleurit en Argentine


Samedi 8 Octobre 2005.


Depuis cinq ans, quinze mille travailleurs argentins ont sauvé leur emploi en « récupérant » leur entreprise. Autogérées, sans actionnaires, elles prouvent que l’on peut créer et répartir des richesses autrement.


Sur le parvis, un ouvrier soude une longue barre en métal. Dans son dos, le hangar fraîchement repeint est manifestement en travaux. Sur cette large avenue passante de Rosario, rien ne permet de soupçonner l’existence d’une bruyante fabrique. Une petite porte s’ouvre, nous nous engouffrons.

A l’intérieur, une quinzaine d’ouvriers s’affèrent à la tâche. Les mains dans la pâte, ils façonnent ravioli, tagliatelles ou gnocchi. D’autres emballent ou nettoient l’atelier. Un dernier est accroché au téléphone. « Vous êtes le journaliste ? interroge Raúl, l’administrateur. Entrez, parlez à qui voulez. De toute façon, on a tous vécu la même chose ! » Bienvenue dans le monde des « entreprises récupérées » !


Merci Menem !

Depuis deux ans, Pastas Merlat fait partie de ces près de 200 sociétés argentines passées aux mains de leurs travailleurs. En faillite ou abandonnées par leurs propriétaires, elles ne doivent leur survie qu’à la mobilisation du personnel. Le plus souvent dans des conditions précaires, d’illégalité et de rapport de force avec les autorités. Mais dans une Argentine appauvrie, la réussite des pionniers Bruckman ou Zanón a suscité des vocations : plus de 15’000 travailleurs organisés en coopératives démontrent que l’on peut créer, produire et commercialiser « sans patron ».


Ouvriers bernés

A sa petite échelle, la trajectoire de Pastas Merlat est emblématique. Comme pour toutes ses soeurs récupérées, son aventure n’aurait paradoxalement pas été possible sans la fièvre néolibérale qui s’était emparée de l’Argentine il y a une quinzaine d’années. Elève modèle du FMI, le président d’alors, Carlos Menem, décrète la parité peso/dollar et ouvre grand les frontières. Incapable de résister, la petite industrie commence à péricliter.

En 2001, lorsqu’il demande - et obtient - un sursis concordataire, le patron de Pastas Merlat fait figure de survivant. Pour sauver la barque, il compresse salaires et personnel. « Nous lui faisions confiance, nous pensions qu’il cherchait des solutions », se souvient Walter, lâchant un instant ses moules à ravioli.

Rien n’y fait, le 5 décembre 2003, le propriétaire déclare la faillite et abandonne la fabrique. C’est alors que les ouvriers découvrent le pot aux roses : plusieurs centaines de milliers de pesos se sont évaporés... Entre cotisations sociales et salaires impayés, chaque travailleur a perdu plus de 10’000 pesos [5] en deux ans !
« Pendant qu’on se serrait la ceinture, il a vidé la caisse et investi dans l’élevage de chinchilla de sa femme ! » accuse Walter. Jusqu’à présent, aucun tribunal ne s’est penché sur ce singulier management...


« On n’avais pas le choix ! »

Floués, les quinze salariés refusent de quitter l’usine. Dans un pays débordant de chômeurs, l’idée de poursuivre la production s’impose d’elle-même. Les ouvriers se barricadent aussitôt par crainte d’une expulsion. Familles et voisins solidaires assurent le ravitaillement, un syndicat offre même la couverture maladie et avance les salaires.

Un mois après la naissance de son premier fils, Walter passe nuits et jours dans l’usine. « Ma famille m’a soutenu à 200%, se souvient-il. De toute façon, on n’avait pas le choix, on ne retrouve pas du travail comme ça aujourd’hui... »

Sorti de son bureau, Raúl s’empresse de confirmer : « A 54 ans, j’étais prêt à tout - absolument tout ! - pour ne pas me retrouver à nouveau au chômage ! » Entré comme vendeur à Pastas Merlat en 1983, le volubile quinqua est le mieux placé pour démarcher, entre deux nuits de garde, fournisseurs et clients. A force d’obstination, il parvient à les convaincre de faire confiance aux ouvriers. « Eux aussi s’étaient fait berner, ils étaient un peu échaudés. Mais sans nous ils n’avaient aucune chance d’éponger leurs pertes... » souligne-t-il.


Autogestion ouvrière

La deuxième victoire tombe un mois plus tard. Le juge chargé de la faillite autorise - provisoirement - la poursuite des activités. Un administrateur judiciaire est nommé : l’aventure peut continuer. Pour autant que les travailleurs prouvent la viabilité de l’entreprise.

Ce sera chose faite seize mois plus tard. En mai 2005, la justice autorise la constitution d’une coopérative ouvrière et concède formellement l’usufruit des machines et le contrôle de l’entreprise.

L’étape est cruciale... d’un point de vue juridique. Dans les faits, « nous avons toujours géré nous-même l’entreprise », assure Raúl. A l’instar des autres fabriques récupérées, l’expérience de Pastas Merlat est intrinsèquement liée à l’autogestion ouvrière directe. Même l’organigramme de la coopérative adopté en mai reste largement fictif.

« Nous nous réunissons tous les quinze jours pour discuter des problèmes de l’entreprise. C’est là que se prennent toutes les grandes décisions », résume Walter. Entre deux assemblées, si un doute apparaît, « on arrête le travail et on discute ». « Mais ça n’arrive jamais, précise-t-il, car maintenant chacun sait très bien ce qu’il a à faire. »

Réorganisée en secteurs autonomes, la production engage la responsabilité de chaque ouvrier. « C’est dur, admet Walter, le soir, on ramène tous les soucis à la maison... Mais je ne regrette rien, j’apprécie ces responsabilités. » Le sourire en coin, Rubén acquiesce : « Maintenant, on sait pourquoi on bosse ! », lâche-il, avant de retourner à ses gnocchi.

Pour lier le tout, Raúl s’est formé au travail de bureau et à la comptabilité. L’administration est devenu son royaume. Consciencieux à l’extrême, l’ancien vendeur avoue avoir eu du mal à vivre ses nouvelles responsabilités. « J’ai perdu quinze kilos ! » confie-t-il. Mais jamais son énergie vitale : « Avec mon fils, je me mets à l’informatique. J’adore apprendre, c’est mon caractère. »

Pour l’heure, la formule est gagnante. L’ex-Pastas Merlat, devenue Coopérative Resurgir, flirte avec le chiffre d’affaires de 2001. Trente tonnes de pâtes sont fabriquées et vendues chaque mois à travers des restaurateurs, des supermarchés et la boutique de produits fins de la maison. L’objectif, à court terme, étant de doubler la production.

Bien qu’égalitaires, les salaires sont encore modestes (600 pesos), une part importante des recettes étant affectée aux investissements des coopérateurs. Mais pour les ouvriers, le principal est ailleurs : « On a prouvé que l’on peut très bien se passer des patrons... » sourit Raúl.


Exproprier les machines

La course d’obstacles n’est pourtant pas terminée. Expulsée de son ancien local en début d’année, la coopérative a dû investir un entrepôt peu adapté à la production alimentaire. Des travaux coûteux sont nécessaires. « Au lieu de nous aider, la bureaucratie nous harcèle. Ils ont toujours de nouvelles exigences », accuse Walter. « Ils essaient de faire respecter les lois, tempère Raúl. Comme le site est neuf, nous devons renouveler toutes les demandes d’autorisation... »

Pour franchir le cap, l’entreprise s’est adressée au gouvernement. Mais le prêt espéré se fait attendre. Seule la Municipalité de Rosario, tenue par les socialistes, a consenti deux crédits sans intérêt. A l’initiative du Mouvement national des entreprises récupérées (MNER), la Région de Santa Fe a, elle, été saisie d’une demande d’expropriation des machines, pour lesquelles la coopérative doit verser une location mensuelle aux autres débiteurs. « Nous avons été grugés de 150’000 pesos, nous avons sauvé quinze emplois... et nous devons continuer à payer les dettes de l’ancien patron. C’est absurde ! » s’insurge Raúl.

Revenu de ses gnocchi le sourire aux lèvres, Rubén console ses camarades : « On peut déjà être content qu’ils nous aient jamais envoyé les flics ! »

Benito Perez
Avec la collaboration de Sarah Scholl


Squat quatre étoiles à Buenos Aires


Les oeuvres du Che en évidence, la petite librairie s’ouvre sur un bruyant café. Attablés, des étudiants à dreadlocks conversent. A deux tables, derrière le garçon droit comme un i, un couple de retraités est plongé dans la lecture de La Nación, le quotidien conservateur par excellence. Dans le fond, près de l’expo sur le commerce équitable, on devine un petit groupe traînant des valises à roulettes. Où sommes-nous ?

Un petit saut dans la rue nous l’apprend. En levant le nez, impossible de rater la tour de verre du fameux Hôtel Bauen, de Buenos Aires. Depuis deux ans, elle héberge l’une des expériences sociales les plus surprenantes d’un pays qui n’en manque pas : l’hôtel de luxe « récupéré » et autogestionnaire.

L’affaire débute en 1997, lorsque le propriétaire du Bauen vend le prestigieux édifice situé à l’angle des avenues Callao et Corrientes, la Broadway de Buenos Aires. La nouvelle gestion, opérée par une SA chilienne, s’avère calamiteuse ; l’hôtel sombre rapidement. Peu après la révolte populaire des 19 et 20 décembre 2001, les soixante derniers employés sont licenciés, le bâtiment fermé.

En mars 2003, toujours privés d’emploi, une trentaine d’anciens du Bauen rompent les scellés et occupent le bâtiment. « Un juge a accepté que nous restions, mais il ne nous a pas autorisé à travailler », raconte Marcelo Ruarte, ancien réceptionniste devenu président de la coopérative BAUEN.

Les travailleurs n’en ont cure. Ils commencent par réaménager les salles de conférence au sous-sol, puis décident d’ouvrir un premier lot de chambres. « A trente, se souvient Maria, on était obligé de tout faire. Le matin, on préparait le petit-déjeuner. Puis on se changeait pour faire les chambres, puis à nouveau pour servir les clients... les journées étaient terriblement éprouvantes. »

L’ancienne femme de chambre peut témoigner des changements intervenus depuis. Désormais responsable des ventes, elle gère 160 chambres affichant pratiquement toujours complet. Ouvert cette année, le café Utopia ne désemplit pas.

Actuellement, le Bauen emploie 125 travailleurs, dont 95% de coopérateurs, touchant mensuellement quelque 900 pesos. Un succès économique qui s’explique, en partie, par des prix plus bas - 120 pesos la nuit. Mais aussi par l’arrivée d’une nouvelle clientèle composée de représentants de mouvements sociaux ou syndicaux de passage dans la capitale logés sur la base de conventions. Au point que le Bauen fait figure de quartier général du Mouvement national des entreprises récupérées (MNER).

Et l’ancienne clientèle ? « Elle continue à venir », assure Marcelo Ruarte. « En général, comme elle ne fait que passer, elle ne s’aperçoit même pas du changement de gestion. »

Avec des exceptions notables, comme en juillet dernier lorsque sympathisants et travailleurs ont dû barricader l’hôtel pour empêcher une « inspection » policière. « Les clients sont restés bloqués à l’intérieur, on a été obligé de leur expliquer pourquoi... »

Une pression policière qui pourrait s’accentuer tant que l’avenir juridique du bâtiment restera dans l’impasse. La vente de 1997 n’ayant été que partiellement honorée, les travailleurs du Bauen ne peuvent s’appuyer sur la faillite de 2001 pour obtenir l’expropriation de l’hôtel. Du coup, l’ancien propriétaire réclame sa restitution. « Mais il refuse de rembourser les 4 millions de pesos reçus des Chiliens », précise M. Ruarte.

Quoi qu’il en soit, les travailleurs n’entendent pas faire les frais de l’imbroglio juridique. « Nous avons prouvé que la gestion ouvrière fonctionnait et permettait de sauver des emplois, rappelle Maria. Alors pourquoi partirions nous ? »

Benito Perez

 Source : Le Courrier de Genève www.lecourrier.ch


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[1Voir, par exemple, l’expérience de Mutual Sentimiento dans Le Courrier du 20 septembre 2005.

[2Notre édition du 3 septembre 2005.

[3Selon le MST.

[4Auquel participent entre autres le MST, la Confédération paysanne (France) et Uniterre (Suisse).

[5Plus de 4500 francs au cours actuel. Mais le montant réel est plus grand, puisqu’une partie des dettes datent de 2001, alors que la parité peso/dollar n’a été abandonnée qu’en 2002. Actuellement, le salaire minimum se situe vers 300 francs.


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