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Aides à la presse, un scandale qui dure

Le poids des euros, le choc des critères

Fin 2013, les chiffres publiés par le ministère de la culture et de la communication ont signalé que le magazine Closer avait, l’année précédente, reçu une aide publique trois fois supérieure à celle du Monde diplomatique (1). La publication qui se consacre aux potins sur les célébrités se hissait ainsi au 91e rang des titres aidés par le contribuable, tandis que ce mensuel n’accédait alors qu’à la 178e place. L’injustice parut sans doute insoutenable puisque l’année suivante, tandis que Closer progressait de trois places… Le Monde diplomatique disparut du classement (2).

D’autres modifications étaient intervenues entre-temps. Avec 16,2 millions d’euros de subsides divers, Le Figaro raflait d’une très courte tête au Monde la médaille d’or des publications assistées par ce que, dans d’autres circonstances, les libéraux appellent la « mamma étatique ». Même lorsqu’ils sont détenus par des industriels et des financiers, les journaux et les magazines les plus gavés de publicité et les plus éloignés de toute mission d’information publique se taillent en effet la part du lion des aides publiques. Les quatre magazines de télévision Télé 7 Jours, Télé Star, Télé Loisirs et Télé Z se sont ainsi adjugé près de 20 millions d’euros en 2013. Moisson moins abondante pour Le Monde diplomatique et Manière de voir : 108 600 euros.

Dans une question écrite adressée à Mme la ministre de la culture et de la communication et publiée au Journal officiel le 27 mai dernier, le député socialiste d’Ille-et-Vilaine Marcel Rougemont s’est étonné que Closer ait reçu «  une aide publique en 2012 d’un montant de 558 619 euros, contre seulement 188 339 euros pour Le Monde diplomatique ». Et il a estimé qu’il convenait d’« interroger la cohérence d’une telle disparité ». Enfin, il a relevé que « la situation semble s’être aggravée puisque Le Monde diplomatique a tout simplement disparu du tableau des deux cents titres les plus aidés selon les chiffres 2013 publiés en avril 2014. Ce constat renforce la nécessité d’une véritable réforme des aides à la presse, aujourd’hui trop dispersées. Les aides publiques doivent servir, selon la volonté du législateur, à soutenir les publications concourant au débat public ».

Dans sa réponse, publiée le 2 septembre dernier au Journal Officiel, le ministère de la culture et de la communication s’est abrité derrière les grands principes : « Le respect de l’indépendance éditoriale et économique a pour corollaire que les aides de l’Etat sont instituées et accordées de façon impartiale, sur la base de règles connues à l’avance, élaborées en concertation avec l’ensemble des familles de presse dans leur diversité et mises en œuvre en s’appuyant sur des organismes paritaires. L’Etat ne privilégie pas tel ou tel titre de presse au regard de son contenu éditorial. » Le Monde diplomatique et Manière de voir profitent ainsi, au même titre que les autres publications, indépendamment de leurs contenus, de la fortune de leurs propriétaires et de leurs volumes publicitaires, « des tarifs postaux de presse et de leur compensation partielle par l’Etat ». Toutefois, « ces deux publications ne bénéficient pas des tarifs dits d’information politique et générale ». Motif de cette discrimination ? « Les accords de 2008 ont restreint ces tarifs, entre autres critères, aux titres au plus hebdomadaires. » Mais, ajoute le ministère, « une réflexion est en cours [qui] permettra, le cas échéant, de faire évoluer les critères et les modalités d’attribution du soutien public à la distribution de la presse ». En d’autres termes, le ministère juge attentatoire au pluralisme de réserver les aides publiques à des publications qui concourent au débat démocratique plutôt qu’à des magazines de tricot ou de ragots. Mais il continue de « réfléchir » à la légitimité de continuer à en priver celles qui n’ont pas opté pour la « bonne » périodicité, quotidienne ou hebdomadaire.

Au total, la logique est somptueuse : plus une publication compte d’abonnés, en général grâce à des tarifs de dumping, plus sa pagination est étoffée par des encarts commerciaux, des suppléments publicitaires ou le catalogue des Galeries Lafayette, et plus le contribuable se porte à son secours. En revanche, plus le journal est pauvre et maigre, moins on s’en soucie. Il y a bien cependant une aide réservée aux publications à faibles recettes publicitaires ; mais décidément nous jouons de malchance, puisqu’elle ne vaut que pour les quotidiens…

Tout cela est pédagogique et il faut savoir gré au ministère de la culture et de la communication d’avoir enfin publié la liste des deux cents publications les plus aidées. Mais cette transparence risque de ne pas durer. Car dorénavant, a-t-on appris, les montants (substantiels) qui subventionnent la distribution de la presse ne figureront plus dans le tableau du ministère de la culture, « mais dans celui du ministère de l’économie et des finances, qui assure la tutelle de La Poste ». Histoire de rendre à nouveau un peu plus opaque ce qui commençait à devenir dangereusement clair ?

»» http://www.monde-diplomatique.fr/2014/11/HALIMI/50948

(1) Lire « “Closer” écrase “Le Monde diplomatique” », La valise diplomatique, 19 décembre 2013. http://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2013-12-19-aides

(2) Lire « “Le Monde diplomatique” disparaît… », La valise diplomatique, 9 mai 2014. http://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2014-05-09-le-diplo-disparait


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Circus politicus
Christophe Deloire, Christophe Dubois
A quelques mois de l’élection présidentielle de 2012, les Français sont saisis d’angoisse à l’idée que la fête électorale débouchera sur une gueule de bois. La crise aidant, la politique se révèle un théâtre d’ombres où les signes du pouvoir servent surtout à masquer l’impuissance. Qui gouverne ? Qui décide ? Circus politicus révèle les dessous d’un véritable « putsch démocratique », une tentative de neutralisation du suffrage universel par une superclasse qui oriente la décision publique. (…)
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Rien ne fait plus de mal aux travailleurs que la collaboration de classes. Elle les désarme dans la défense de leurs intérêts et provoque la division. La lutte de classes, au contraire, est la base de l’unité, son motif le plus puissant. C’est pour la mener avec succès en rassemblant l’ensemble des travailleurs que fut fondée la CGT. Or la lutte de classes n’est pas une invention, c’est un fait. Il ne suffit pas de la nier pour qu’elle cesse :
renoncer à la mener équivaut pour la classe ouvrière à se livrer pieds et poings liés à l’exploitation et à l’écrasement.

H. Krazucki
ancien secrétaire général de la CGT

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