Qu’auraient pu faire les Etats-Unis pour se donner une image plus noire, que d’envahir l’Irak et de massacrer ses habitant-e-s ? Selon le Manufacturing & Technology News du 1er septembre, les services statistiques du gouvernement ont rapporté, qu’au cours de cette « guerre qui aurait dû être une promenade », la consommation de munitions de petit calibre par l’armée US s’est montée à 1,8 milliard de cartouches. Considérez ce chiffre... S’il y a 20’000 insurgé-e-s, cela signifie que les troupes US ont tiré 90’000 fois sur chaque insurgé-e.
900’000 coups de feu pour un insurgé ?
Bien peu ont été touchés. Nous ne savons pas combien. Afin d’éviter toute analogie avec le Vietnam, jusqu’à la semaine dernière, les autorités US évitaient scrupuleusement le body count (dénombrement des morts). Si 2000 insurgé-e-s ont été tués, chaque mort a nécessité 900’000 cartouches.
Le cumul des fabriques de munitions du gouvernement et de l’industrie privée ne peuvent pas produire de cartouches aussi vite que les troupes les tirent. C’est pourquoi l’administration Bush a dû se tourner vers des producteurs étrangers, comme les industries militaires israéliennes. Réfléchissons à cela : débordée, l’industrie US ne peut produire assez de munitions pour venir à bout de 20’000 insurgés.
Les analystes militaires US commencent à se demander si les Etats-Unis n’ont pas perdu la guerre contre le soulèvement. De plus en plus, les porte-parole de l’administration parlent à la façon du Ministre de l’information de Bagdad. Le 19 septembre, le Washington Post rapportait ainsi que le responsable de la communication de l’armée US, le Major Général Rich Lynch, avait annoncé de « grands succès » contre l’insurrection, alors que cette dernière venait juste de causer les pires pertes de la guerre, dont une attaque de trois jours au mortier contre la Zone Verte, présumée sûre.
L’armée US frappe à l’aveuglette.
Anthony Cordesman, un expert militaire au Center for Strategic and International Studies de Washington DC, déclare : « Nous ne pouvons sécuriser la route de l’aéroport, ni empêcher les tirs de mortier sur la Zone Verte, ni arrêter les tueries et les kidnappings ». Le soulèvement contrôle l’essentiel de Bagdad et des provinces sunnites.
En raison d’une capacité de jugement réduite par la frustration, l’armée US maintient 40’000 Irakiens en détention, soit deux fois le nombre estimé des insurgé-e-s. Qui sont ces détenus ? Selon le Washington Post , « la plupart des hommes incarcérés à Tall Afar, la semaine dernière, avaient été arrêtés sur la base d’informations fournies par des adolescents, transformés en informateurs, parfois pour ce que les soldats US suspectent de n’être rien de plus que des petits trafics locaux ». De toute évidence, les Etats-Unis ne sachant pas qui et où sont les insurgés, frappent aveuglément, créant eux-mêmes un plus large soulèvement.
Le gouvernement irakien, bien qu’il soit soutenu par l’armée US, est incapable de contrôler les mouvements au travers de la frontière syro-irakienne. C’est pourquoi l’administration Bush incrimine la Syrie. La fragile Syrie est déclarée coupable de ne pas faire ce que l’armée US n’arrive pas à faire elle-même. Adam Ereli, le porte-parole complètement allumé du Département d’Etat US, à accusé la Syrie de « permettre » aux insurgés de traverser la frontière. Le gouvernement US ne parvient pas à prévenir le flux régulier d’un million de Mexicains qui traversent chaque année la frontière, mais la Syrie est supposée pouvoir empêcher quelques centaines de combattants étrangers de traverser illégalement sa frontière chaque année.
La Syrie et l’Iran en ligne de mire
Ereli présente fallacieusement l’incapacité de la Syrie comme de la « mauvaise volonté », qui démontrerait les liens entre la Syrie et les terroristes, non seulement en Irak, mais aussi au Liban et en Palestine. Cela n’annonce-t-il pas qu’une invasion de la Syrie se prépare ? Selon les dépêches de presse du week-end dernier, l’ambassadeur US en Irak, Zalmay Khalilzad, a prédit que les troupes US entreraient bientôt en Syrie. En même temps, l’administration Bush tente désespérément d’orchestrer une affaire, qu’elle puisse utiliser pour attaquer l’Iran. Dans l’impasse en Irak, les abrutis de la Maison Blanche ont l’intention d’attaquer deux pays de plus.
A la Conférence sur les droits humains du 9 septembre, l’ancien Premier ministre de Malaisie, Mahathir Mohamad, a décrit les Américains comme des gens « qui ont du sang sur les mains ». « Qui sont les terroristes », demandait Mahathir, les Irakiens ou les Américains ? Le monde entier se pose cette question...
Paul Craig Roberts
Paul Craig Roberts, ex-secrétaire-assistant au Trésor sous l’administration Reagan, est co-auteur de The Tyranny of Good Intentions. Notre traduction d’après la version anglaise, publiée le 20 septembre par Counterpunch.
– Source : solidaritéS N° 74 www.solidarites.ch