Serge Halimi souhaite que la presse s’émancipe : « La presse française nourrit-elle d’autres projets que ceux de réduire ses effectifs et de chercher son salut loin du journalisme ? Une telle orientation paraît sans issue, alors que l’ambition éditoriale continue de représenter une destination d’avenir. Le 20 août 2013, Libération chercha à relancer sa diffusion flageolante grâce au slogan promotionnel suivant : « Quand tout va vite, une seule solution : aller plus vite encore. » Une mauvaise solution, apparemment. Un an plus tard, les ventes du journal poursuivaient leur dégringolade, et ses dirigeants annonçaient la suppression de plus du tiers des effectifs du quotidien. Dans le même temps, ils exigeaient que les rescapés produisent davantage de « contenus » avec moins de journalistes. Les rebelles éventuels étaient mis en garde par le nouveau directeur général Pierre Fraidenraich : « C’est ça ou la mort. Ce sera sans doute l’un et l’autre. »
Lamia Oualalou voit les évangélistes à la conquête du Brésil : « En 2002, l’élection d’un représentant du Parti des travailleurs à la présidence du Brésil avait provoqué un séisme politique. En octobre 2014, une défaite de cette formation en déclencherait un second. Or la candidature inattendue de Mme Marina Silva parvient à rassembler les opposants à l’actuelle présidente Dilma Rousseff : une partie des classes moyennes, le patronat et les Eglises évangéliques, particulièrement puissantes dans le pays. »
Le vote à droite est une réponse à la colère sociale (Owen Jones) : « Tandis qu’en Ecosse le référendum sur l’indépendance a cristallisé le rejet de la politique austéritaire imposée par Londres, plus au sud le même sentiment gonfle les voiles de la formation antieuropéenne de M. Nigel Farage. Un nom sème l’effroi au sein de l’élite politique britannique : celui de l’UKIP (United Kingdom Independence Party, Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni). Lors des élections européennes de mai 2014, ce parti contestataire emblématique d’un populisme de droite a infligé une humiliante défaite aux trois formations dominantes : non seulement aux partis conservateur et libéral-démocrate, au pouvoir, mais également au Parti travailliste, dans l’opposition. C’est la première fois depuis un siècle qu’une formation détrône travaillistes et conservateurs lors d’un scrutin national. M. Nigel Farage, le dirigeant de l’UKIP – qui cultive soigneusement une image d’homme du peuple au verbe haut et amateur de bière –, avait prédit un « tremblement de terre politique » ; sa prophétie s’est réalisée. »
Jean-Luc Racine décrit les tribulations du couple indo-afghan : « Parmi tous les acteurs régionaux en Afghanistan– du Pakistan à l’Iran en passant par la Chine –, l’Inde est le moins visible. Pourtant, les relations entre les deux pays sont anciennes. Et même si elles n’ont pas toujours été au beau fixe, elles sont devenues plus étroites après la chute du régime des talibans en 2001. New Delhi a considérablement investi, politiquement et économiquement, dans ce territoire. L’arrivée d’un nouveau président à Kaboul pour remplacer M. Hamid Karzaï ne devrait pas changer la donne. »
Sanjay Basu et David Stuckler pensent que l’austérité tue : « Rigueur ou relance ? Si, depuis le début de la crise financière de 2007, les gouvernements européens ont choisi, les experts poursuivent leurs délibérations… avec d’autant plus de prudence qu’ils font rarement partie des premières victimes des coupes budgétaires. Soumettre les politiques économiques aux critères d’évaluation de la recherche médicale permettrait toutefois de trancher la question.
Adieu aux armes en Corse (Pierre Poggioli) ? : « Le 24 juin 2014, le Front de libération nationale corse (FLNC) annonçait sa décision unilatérale d’enclencher un processus de démilitarisation et de normalisation progressive. Après le démantèlement des mouvements irlandais et basque, cette annonce signe la fin de la lutte armée en Europe occidentale. Mais pour Pierre Poggioli, responsable clandestin dans les années 1980, les solutions politiques restent bien incertaines. »
Pour Olivier Pironet, en Cisjordanie l’Intifada n’est pas loin : « En bombardant Gaza durant cinquante jours, les Israéliens ont provoqué des dégâts sans équivalent depuis 1967, avec plus de deux mille morts, dont cinq cents enfants. Dans le même temps, en Cisjordanie, l’Autorité palestinienne maintient sa coopération sécuritaire avec l’armée d’occupation, malgré l’absence de progrès dans la construction d’un véritable Etat. »
Jean-Marie Chauvier rappelle qu’en octobre 1993 le libéralisme russe est apparu au son du canon : « Dans la genèse d’un nouveau pouvoir autoritaire en Russie, on occulte trop souvent un épisode-clé. Dès 1993, la population mesure les effets de la « thérapie de choc » imposée après l’effondrement de l’URSS par les idéologues du marché. Une majorité de députés tente d’imposer une autre voie. Mais, fort du soutien des gouvernements occidentaux, le président Boris Eltsine lance l’assaut contre le Congrès. »
Pour Mark Weisbrot, en Argentine, les fonds vautours ont été tenus en échec : « Doit-on autoriser une poignée de spéculateurs à prendre en otage quarante millions d’Argentins ? A cette question la justice américaine vient de répondre « oui », semant le trouble jusque dans les rangs des investisseurs. En fragilisant les mécanismes qui permettent aux Etats d’alléger le fardeau de la dette, cette prise de position menace de déséquilibrer l’ensemble du système financier. »
Ibrahim Warde explique que leplan Marshall pour les « printemps arabes » aura été sans lendemain : « En élisant une nouvelle Assemblée nationale le 26 octobre, les Tunisiens porteront les espoirs du « printemps arabe ». Confrontées au chaos libyen, à la guerre syrienne ou à l’autoritarisme égyptien, les populations ne se font plus d’illusions quant aux promesses des Occidentaux. Annoncée main sur le cœur dans une cité balnéaire française en 2011, l’aide économique internationale n’est jamais arrivée. »
Pour Alain Gresh, la voix de la France est désormais enfouie sous les bombes : « Il était une fois un pays. Ce n’était pas une superpuissance mais, dans un monde coupé en deux, il proclamait à la fois son attachement au camp occidental et son refus de la vassalisation. A Phnom Penh, en 1965, le président Charles de Gaulle dénonçait l’intervention américaine sans issue au Vietnam ; à Paris, en juin 1967, il condamnait l’attaque israélienne contre ses voisins arabes. Longtemps après, l’écho de cette voix résonnait encore. Chacun se souvient du discours flamboyant du ministre des affaires étrangères français Dominique de Villepin au Conseil de sécurité des Nations unies, le 14 février 2003. La France, prévenait-il, opposerait son veto à une résolution autorisant une action militaire contre l’Irak. Avec plus d’une décennie de recul, des dizaines de milliers de morts, un Etat irakien à la dérive, cette harangue sonne toujours juste. »
Jean Gadrey se demande s’il fautvraiment payer toute la dette : « Impossible d’échapper à l’annonce d’une hausse de la dette publique : unanimes, les médias détaillent alors les sacrifices qui « s’imposent ». Toutefois, lorsqu’un collectif démontre que plus de la moitié de ces créances n’ont pas à être remboursées, le silence est total... »
Aux Etats-Unis, le discrimination électorale est de retour (Brentin Mock) : « Les élections de mi-mandat du 4 novembre 2014 se joueront, comme souvent aux Etats-Unis, dans une poignée de circonscriptions où les deux grands partis sont au coude-à-coude. Afin de mettre toutes les chances de leur côté, les républicains cherchent à écarter les « mauvais » électeurs des urnes. Ils usent pour cela de multiples astuces, parfois à la frontière de la légalité. »
Pendant ce temps, au Kenya, les habitants de la côte sont exclus du banquet démocratique (Gérard Prunier) : « Prisée des touristes pour ses plages et ses safaris, la côte kényane subit depuis plusieurs mois une vague d’attentats meurtriers. Ces crimes, demeurés impunis, commencent à faire fuir investisseurs et agences de voyages. La recrudescence des violences serait due au terrorisme islamiste venu de la Somalie voisine. Mais cette explication, trop aisée, masque les fractures politiques et sociales qui déchirent le pays. »
L’été de la révolte se prolonge à Hongkong (Nahan Siby) : « Comment Pékin peut-il se sortir de l’impasse démocratique à Hongkong ? Les manifestations – les plus importantes depuis la rétrocession de cette ex-colonie britannique à la Chine – ne faiblissent pas, malgré la répression. Les Hongkongais réclament l’élection au suffrage universel du chef de l’exécutif. Les dirigeants chinois en acceptent le principe… à condition de pouvoir sélectionner les candidats. »
Pour Carlos Pardo, le système de production cinématographique involue : « Même des réalisateurs remarqués en sont victimes... Avec l’arrivée de producteurs venus des affaires, le conformisme des sociétés de financement ne laisse guère de place à l’épanouissement de cinéastes originaux. Les nouveaux auteurs doivent oublier l’idée de vivre de leur création et apprendre la débrouille. »
Au niveau international, Stephen F. Cohen ne voit que des hérétiques et des faucons : « Nous assistons à la plus dangereuse confrontation entre la Russie et les Etats-Unis de ces dernières décennies, la pire sans doute depuis la crise des missiles de 1962. La guerre civile en Ukraine, précipitée par le changement illégal de gouvernement à Kiev en février, pourrait en effet conduire à une bataille frontale opposant l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) et la Russie. Longtemps impensable, un tel scénario devient concevable. Et plusieurs éléments indiquent que cette nouvelle guerre froide serait encore plus grave que la première – à laquelle la planète n’a survécu que de justesse. L’épicentre de la tension ne se situe plus à Berlin, mais à la frontière même de la Russie. En Ukraine, une région vitale pour Moscou, les mauvais calculs, les accidents et les provocations pèseront plus lourd que ceux dont le monde a été témoin il y a quelques décennies en Allemagne. »
À noter, un très intéressant supplément “ Supplément Secours populaire français ”
Pas plus que d’autres, les jeunes n’échappent aux préjugés ; dans beaucoup de discours politiques ou médiatiques, ils sont ainsi caractérisés comme consuméristes et égoïstes. La simple observation du terrain montre pourtant que nombre d’entre eux manifestent un grand sens de la solidarité. C’est le cas jusque dans les camps de réfugiés syriens du Liban ou parmi les étudiants précarisés en France. Notion relativement récente, la jeunesse fait l’objet d’appropriations déformantes qui en brouillent l’image.