RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Les élites de Detroit déclarent que « l’eau n’est pas un droit social »

Les coupures d’eau à des dizaines de milliers d’habitants de Detroit ont attiré l’attention nationale et internationale. Les scènes de jeunes mères, d’enfants, de personnes âgées, de travailleurs malades et à faible revenu privés d’eau potable, pour se laver et cuisiner – dans ce qui est censé être le pays le plus riche au monde – ont provoqué étonnement et répulsion.

Cette politique barbare est devenue une question politique majeure à Detroit. La semaine dernière, un juge fédéral supervisant la procédure de faillite de la ville s’est plaint que les coupures d’eau produisaient « beaucoup de colère » et donnaient à Detroit « toute une réputation, non seulement dans le pays, mais dans le monde entier ».

L’opposition produite par les coupures d’eau, a-t-il prévenu, pourrait menacer le plan de la ville d’imposer des réductions profondément impopulaires sur les pensions des employés municipaux et dans les prestations de soins de santé.

La condamnation quasi universelle, accompagnée d’accusations de l’ONU selon lesquelles les coupures d’eau sont une violation des droits de l’homme internationaux, n’a pas entraîné de changement dans la politique. Dans une interview publiée jeudi dernier dans le Detroit News, le gestionnaire non élu de la ville, Kevyn Orr, a défendu les coupures d’eau.

« J’appuie tout à fait la décision des commissaires du Conseil du service d’aqueduc municipal de faire comme tous les autres services publics réglementés font aux États-Unis. Si vous consommez de l’eau, vous devez la payer », a déclaré Orr au Detroit News.

Orr se moque de l’« hystérie selon laquelle nous coupons l’eau à des dizaines de milliers de personnes », soutenant que « moins de cinq pour cent » de ceux qui voient leur eau coupée « avaient des besoins légitimes ». Il calomnie les victimes de cette politique inhumaine en les qualifiant de « toxicomanes, de squatters, de fraudeurs et de profiteurs du système ». Ces personnes, insiste-t-il, n’ont pas droit à « des services gratuits ».

Orr répète le mensonge que les « fraudeurs » sont à l’origine de la hausse des taux des clients payants. En fait, le service d’aqueduc municipal a admis que la hausse des taux – qui ont bondi de 120 pour cent au cours de la dernière décennie – est principalement due à la disparition du financement fédéral pour réparer le réseau d’aqueduc vétuste et au coût élevé du service de la dette. Cinquante cents sur chaque dollar de revenus vont en effet directement aux banques de Wall Street et aux riches obligataires qui utilisent le système d’aqueduc de la municipalité comme une vache à lait.

Derrière tous ces mensonges et ce cynisme, le message est clair : les gens n’ont pas le droit à l’eau, pas plus qu’ils ne l’ont pour la nourriture, le logement, les soins de santé ou tout autre besoin vital. Aux États-Unis capitalistes, si vous ne payez pas pour quelque chose, même quelque chose d’aussi essentiel que l’eau, vous devez vous en passer.

Cette perspective brutale de la classe dirigeante américaine a été explicitée par Nolan Finley, le chroniqueur de droite du Detroit News, dont la chronique jeudi dernier était intitulée : « There is no right to free water » (L’eau gratuite n’est pas un droit).

Finley est depuis longtemps un porte-parole sans vergogne des intérêts corporatifs et financiers qui dominent Detroit. Il a déjà appelé à la destruction de la « mentalité des ayants droit » dans la ville – c’est-à-dire le point de vue selon lequel les travailleurs ont droit à des salaires, des pensions et des soins de santé décents. Il y a deux ans, il a déclaré que « la démocratie a échoué » à Detroit et a appelé à l’intervention d’un « dictateur à court terme » (incarné plus tard en la personne de Kevyn Orr) pour « créer un modèle d’exploitation durable ».

Cherchant une autorité supérieure pour justifier la politique inhumaine des coupures d’eau, Finley se tourne vers l’Ancien Testament, écrivant dans sa chronique la plus récente : « Depuis qu’Adam et Ève ont été chassés du paradis, les gens ont consacré l’essentiel de leur énergie et de leur labeur à satisfaire leurs besoins de base en nourriture, en eau, en vêtements et en abri. C’est là l’origine du travail – vous êtes affamé, vous avez soif, vous avez besoin de vêtements décents et d’un toit sur votre tête ? Vous devez donc vous lever le matin et faire quelque chose de constructif. »

Avec une arrogance et un mépris éhontés pour la population, Finley accuse les résidents de gaspiller leur argent pour des téléphones cellulaires et la télévision par câble. Après que l’eau leur ait été coupée, affirme-t-il, de nombreux ménages ont payé leurs factures », suggérant du coup qu’ils auraient pu les payer s’ils avaient voulu. Ce qui se passe à Detroit, a-t-il déclaré, ce n’est pas une crise humanitaire, mais bien une réorganisation forcée des priorités. »

Or il ne fait aucun doute que de nombreux résidents ont dû cesser d’acheter de la nourriture, des médicaments et d’autres nécessités quotidiennes pour obtenir le rétablissement de leur eau courante. Des milliers d’autres personnes cependant continuent de vivre sans eau, transportant des seaux depuis les maisons de leurs voisins ou les bouches d’incendie, ou sont dépendantes de bouteilles d’eau distribuées par des bénévoles.

Selon l’élite patronale et financière et leurs sbires politiques et médiatiques comme Orr et Finley, les travailleurs n’ont pas de droits sociaux. Les pensions, les soins de santé, l’éducation publique, l’accès à la culture ne doivent être disponibles qu’à ceux qui peuvent se le permettre. Si les capitalistes pouvaient privatiser l’air que les gens respirent, l’air ne serait pas un droit selon eux.

Les coupures d’eau à Detroit font partie d’un processus national et international dans lequel les gains obtenus par plus d’un siècle de lutte par la classe ouvrière sont détruits. Ce processus s’inscrit dans le vaste transfert des richesses entre les mains des super-riches. Que ce soit à Detroit, à Athènes ou à Madrid, des centaines de milliers d’enseignants, de pompiers, de travailleurs des transports en commun et autres du secteur public sont en train de perdre leurs emplois et de se faire voler leurs pensions pour rembourser les banques responsables de la crise financière de 2008.

La faillite de Detroit est utilisée pour mener cette attaque aux États-Unis. Le dictateur financier Orr et le tribunal fédéral des faillites ont créé un précédent pour l’éviscération des prestations de retraite garanties par la Constitution, tout en vendant et en privatisant l’eau, l’éclairage des rues, les musées d’art, les parcs et autres biens appartenant à l’État.

Les résidents à faible revenu sont chassés de la ville, alors que Orr met en œuvre un plan pour essentiellement fermer des pans entiers de Detroit qui sont considérés comme trop pauvres pour être attrayants pour les investissements. Pendant ce temps, des centaines de millions de dollars sont remis en subventions à des promoteurs immobiliers qui accaparent les terrains et les immeubles pour quelques cents. C’est çà la « réorganisation des priorités » que préconise Finley.

Finley dirigeait ses plaintes contre une manifestation prévue par Netroots vendredi. La manifestation coïncidait avec une conférence organisée en fin de semaine dernière à Detroit par une coalition de membres du Parti démocrate, de permanents syndicaux, de publications comme le magazine The Nation et d’autres organisations orientées vers les démocrates. Netroots cherche à détourner l’attention de la responsabilité des démocrates qui dirigent Detroit, dont Orr même qui est démocrate. Les coupures d’eau sont en fait une politique bipartite, et la restructuration de Detroit bénéficie du plein soutien tant d’Obama que des deux partis bourgeois.

De façon significative cependant, la cible réelle de la chronique de Finley est une position qu’aucune section de l’establishment politique, y compris les groupes organisateurs du rassemblement de vendredi, ne soulève, à savoir que l’eau est un droit social, librement accessible à tous. Ce que Finley et la classe dirigeante dans son ensemble craignent, c’est que la réclamation de ces droits devienne un cri de ralliement d’un mouvement de masse, et que les travailleurs en viennent à comprendre que ces droits sont incompatibles avec le système capitaliste.

En conclusion de son éditorial, le chroniqueur écrit : « Les bons citoyens charitables ne se sont jamais opposés à ce que l’on aide leur prochain incapable de prendre soin de lui même. Mais ils n’ont naturellement pas vraiment envie de porter sur leur dos ceux qui choisissent de céder à leurs désirs avant de pourvoir à leurs besoins. »

Ici Finley en dit peut-être plus qu’il ne le veut, car les vrais « fraudeurs », ce ne sont pas les travailleurs de Detroit, mais bien les parasites financiers pour qui il parle. C’est cette couche sociale que les travailleurs ne peuvent plus se permettre de « porter sur leur dos ». Cette politique scandaleuse, inhumaine et barbare dictée par Orr, Finley et leurs co-conspirateurs politiques, ne fait que rendre ce fait encore plus clair.

Jerry White

»» http://www.wsws.org/fr/articles/2014/jul2014/coup-j24.shtml
URL de cet article 26365
  
AGENDA

RIEN A SIGNALER

Le calme règne en ce moment
sur le front du Grand Soir.

Pour créer une agitation
CLIQUEZ-ICI

Même Thème
CUBA OU L’INTELLIGENCE POLITIQUE - Réponses à un président des États-Unis (Livre format PDF)
Jacques-François BONALDI
365 JOURS APRÈS Aujourd’hui 22 mars 2017, voilà un an jour pour jour que Barack Obama entrait de son pas caractéristique sur la scène du Grand Théâtre de La Havane pour une première : un président étasunien s’adressant en direct et en personne au peuple cubain. Trois cent soixante-cinq jours après, que reste-t-il de ce qui était le clou de sa visite de deux jours et demi à La Havane ? Pas grand-chose, je le crains… Les événements se déroulent maintenant si vite et tant de choses se sont passées depuis – (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Si j’étais un milliardaire ou un agent du renseignement, je voudrais probablement perturber la gauche au point de faire croire que quelqu’un de "gauche" est celui qui ne conteste jamais l’impérialisme US, ou qui soutient activement l’impérialisme US pour "contrebalancer les oligarques étrangers".

Primo Radical

Analyse de la culture du mensonge et de la manipulation "à la Marie-Anne Boutoleau/Ornella Guyet" sur un site alter.
Question : Est-il possible de rédiger un article accusateur qui fait un buzz sur internet en fournissant des "sources" et des "documents" qui, une fois vérifiés, prouvent... le contraire de ce qui est affirmé ? Réponse : Oui, c’est possible. Question : Qui peut tomber dans un tel panneau ? Réponse : tout le monde - vous, par exemple. Question : Qui peut faire ça et comment font-ils ? Réponse : Marie-Anne Boutoleau, Article XI et CQFD, en comptant sur un phénomène connu : "l’inertie des (...)
93 
Lorsque les psychopathes prennent le contrôle de la société
NdT - Quelques extraits (en vrac) traitant des psychopathes et de leur emprise sur les sociétés modernes où ils s’épanouissent à merveille jusqu’au point de devenir une minorité dirigeante. Des passages paraîtront étrangement familiers et feront probablement penser à des situations et/ou des personnages existants ou ayant existé. Tu me dis "psychopathe" et soudain je pense à pas mal d’hommes et de femmes politiques. (attention : ce texte comporte une traduction non professionnelle d’un jargon (...)
46 
Ces villes gérées par l’extrême-droite.
(L’article est suivi d’un « Complément » : « Le FN et les droits des travailleurs » avec une belle photo du beau château des Le Pen). LGS Des électeurs : « On va voter Front National. Ce sont les seuls qu’on n’a jamais essayés ». Faux ! Sans aller chercher dans un passé lointain, voyons comment le FN a géré les villes que les électeurs français lui ont confiées ces dernières années pour en faire ce qu’il appelait fièrement « des laboratoires du FN ». Arrêtons-nous à ce qu’il advint à Vitrolles, (...)
40 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.