[L’agressivité des USA s’explique par la peur de voir émerger un pôle indépendant pouvant contrer leurs ambitions au Moyen-Orient. L’Iran a les moyens et l’intention de devenir ce pôle.
Notamment avec son projet d’une bourse pétrolière, avec des échanges en euros, qui pourra concurrencer les autres bourses pétrolières (la britannique IPE, l’américaine NYMEX) et mettre en question la domination du dollar sur le marché pétrolier international.]
www.ptb.be, 24 août 2005.
Bush a déclaré, le samedi 13 août, que la solution pour la « crise iranienne » pourrait bien être militaire. En effet, il semble qu’une crise « nucléaire » apparaisse en Iran. Les Iraniens risquent-ils de provoquer une nouvelle guerre au Moyen-Orient ?
Le 24 juin, après des élections présidentielles en deux tours, la population iranienne a élu son nouveau président : Ahmadinejad. Cet « inconnu » conservateur a battu avec 61,69% des voix l’illustre « modéré » Hachémi-Rafsanjani. Rafsanjani est surtout un homme d’affaires richissime lié économiquement à l’Occident, Ahmadinejad (ancien maire de Téhéran) est connu pour son style de vie modeste et sa lutte contre la corruption. Les classes populaires et moyennes inférieures ont donc choisi celui qui était socialement plus proche d’eux. En outre, pour la première fois depuis 1981, le président iranien ne fait pas partie du clergé et son discours d’investiture était caractérisé par la promotion de la justice, l’action en faveur des défavorisés et un appel à la « suppression de toutes les armes de destruction massive (ADM) ». [1]
La presse occidentale a pourtant mis l’accent sur autre chose. AFP (Agence France Presse) a osé prétendre que le nouveau président avait été élu pour « sa réputation de bon musulman et son discours populiste ». Des rumeurs ont été lancées afin de démontrer qu’Ahmadinejad était un homme « à craindre ». On a ainsi affirmé sans la moindre preuve qu’il était un des preneurs d’otages à l’ambassade américaine en Iran en 1979. Un terroriste comme président ? Ce n’était que le début. Un peu plus tard resurgit le « problème nucléaire iranien ». L’Iran aurait refusé la proposition « généreuse » (dixit le ministre français des affaires étrangères) de l’Union Européenne ; l’Iran a brisé les scellés de l’usine nucléaire à Ispahan ; l’Iran préparerait la bombe atomique Qu’en est-il véritablement ?
Les gouvernements européens proposaient que l’Iran arrête l’enrichissement d’uranium, en retour l’UE livrerait gentiment cet uranium à l’Iran. L’Iran a dénoncé cette proposition paternaliste, affirmant son droit souverain, nullement mis en question par le Traité de Non-Prolifération (TNP), de produire lui-même son énergie nucléaire à des fins civiles et de pérenniser ainsi son indépendance et ses ressources énergétiques, même après l’épuisement du pétrole. L’usine à Ispahan, qui ne sert qu’à des fins civiles et pacifiques, n’a été rouverte qu’après l’installation des caméras de l’Agence atomique (IAEA). L’Iran n’a donc violé aucune règle internationale. [2]
Les origines de « la crise »
Mais d’où vient alors cette « crise » ? Les origines de la crise et de sa nucléarisation ne se trouvent pas à Téhéran, mais à Washington. On aura remarqué la prudence des USA dans ce dossier. Ils semblent laisser l’initiative à l’UE. La secrétaire d’Etat des USA Rice explique pourquoi : « D’une manière ou d’une autre, nous nous étions mis dans une position où les Etats-Unis étaient le problème ». [3] En effet, grâce à la politique de Washington, dénonçant à tout bout de champ les « états voyous » et « l’Axe du Mal », la population mondiale avait bien compris d’où vient le danger belliqueux. La campagne de propagande anti-iranienne a maintenant pour but de convaincre le monde qu’il y a un « problème iranien », que les USA s’empresseront de résoudre, bien entendu. Cette solutiondu « problème iranien » pourrait alors bien prendre une forme militaire. Le vice-président américain Cheney évoquait en 2004 la possibilité de bombarder l’Iran et ce, en collaboration avec Israël. [4] Déjà en 2002, le Pentagone affirma son droit d’effectuer, même en temps de paix, une attaque préventive nucléaire ! [5] Si l’on y ajoute l’agression contre l’Irak et la protection américaine accordée à Israël, seul pays dans la région, avec le Pakistan, à avoir la bombe, on comprend aisément la méfiance iranienne envers les « propositions » occidentales.
Pourquoi l’Iran fait peur aux USA ?
Depuis 1979, moment où la dictature pro-américaine du chah a été renversée par le peuple, les USA cherchent à tout prix à rétablir leur contrôle sur le pays. Pourquoi ?
Les raisons sont partiellement économiques : l’Iran détient plus de 10% des réserves pétrolières mondiales et 15% des réserves gazières. Mais elles sont surtout stratégiques : fin 2004, on pouvait lire dans le journal israélien Ha’aretz que : « L’Iran n’est pas le pays isolé dont rêvent les Etats-Unis. C’est un pays qui entretient des relations étroites avec la plupart des Etats dans le monde. » [6] Quelques exemples : l’Iran est membre du Mouvement des Non-Alignés (MNA), il fournit désormais plus de 13% des importations pétrolières chinoises ; il a renforcé sa collaboration avec Cuba dans les domaines de l’agriculture, de la biotechnologie et de l’industrie ; Ahmadinejad et le président vénézuélien Chavez ont réaffirmé leurs liens fraternels. [7]
On peut donc véritablement parler d’un retour de l’Iran sur la scène régionale, ce qui peut paraître paradoxal vu son encerclement par les USA. L’Iran est bien le « dernier rempart contre une mainmise durable des Etats-Unis sur l’ensemble du Proche-Orient » et le seul allié régional d’un pays comme la Syrie et de certaines organisations militantes palestiniennes. [8] L’agressivité des USA s’explique par la peur de voir émerger un pôle indépendant pouvant contrer leurs ambitions au Moyen-Orient. L’Iran a les moyens et l’intention de devenir ce pôle.
Notamment avec son projet d’une bourse pétrolière, avec des échanges en euros, qui pourra concurrencer les autres bourses pétrolières (la britannique IPE, l’américaine NYMEX) et mettre en question la domination du dollar sur le marché pétrolier international. Un premier pas dans cette direction a déjà été fait en 2003 avec l’introduction de l’euro dans les transactions pétrolières entre l’Iran et de nombreux pays (UE et MNA).
Empêcher une nouvelle campagne militaire américaine au Moyen-Orient passe par la défense de la souveraineté de l’Iran, et son droit de développer ses ressources énergétiques. Le Mouvement des Non-Alignés (MNA) et la Chine ont déjà souligné qu’ils s’opposeront à toute tentative d’isoler l’Iran. Quoi que l’on puisse penser de la nature sociopolitique du régime iranien, l’Iran montre son ouverture en respectant le TNP et en poursuivant les négociations. Mais comme l’affirmait un responsable du gouvernement iranien : si la pression prend la place des négociations, l’Iran est prêt à défendre son indépendance.
Marc Botenga
– Source : PTB www.ptb.be
La crise iranienne va déboucher sur la Troisième Guerre Mondiale, par Mike Whitney.
[Mais, par une bizarrerie qui n’est qu’apparente, les plus contents autres à l’heure actuelle sont probablement à Washington. Le Financial Times, insoupçonnable d’anti-américanisme, n’a-t-il pas écrit que les plus durs dans l’administration Bush -les Cheney, les Rumsfeld, les néo et les théo-cons- espéraient une victoire de Ahmadinejab ? ] Le cri de l’Iran, par Maurizio Matteuzzi.
[ Pour illustrer ce qui est erroné dans la tendance dominante, commençons par le slogan « ni-ni » : maintenant que Milosevic est à La Haye, les Talibans et Saddam Hussein renversés, les partisans de ce slogan peuvent-ils expliquer comment ils comptent se débarrasser de l’autre partie du « ni », Bush ou l’OTAN ?] Jean Bricmont. A LIRE
Iran : Bush et Sharon préparent une opération conjointe, par Michel Chossudovsky.
A Londres, la guerre contre l’Iran a commencé, par Michel Collon.
Les barbares et les civilisés : Comment peut-on être Chiite ? par Danielle Bleitrach.