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Continuité

Le suspense aura été modérément insoutenable. Le 29 avril, moyennant quelques aménagements cosmétiques, l’Assemblée nationale a finalement adoubé ledit « plan de stabilité » triennal que chaque pays est dans l’obligation de transmettre annuellement à Bruxelles.

Les honorables parlementaires étaient du reste simplement consultés ; il appartiendra en revanche à la Commission puis au Conseil européens de corriger la copie, d’ici fin juin.

Des députés de l’opposition n’ont pas caché qu’ils approuveraient la feuille de route soumise par Manuel Valls. Et pour cause : le seul regret que la droite puisse manifester est de ne pas avoir osé aller aussi loin en matière d’austérité lorsqu’elle était aux manettes – 50 milliards de coupes budgétaires, c’est littéralement sans précédent. Quant aux élus socialistes récalcitrants, on comprend mal leurs états d’âme sur un programme qui avait été précisément exposé trois semaines auparavant, lorsque le chef du gouvernement avait obtenu sans anicroche la confiance. Ledit programme était du reste directement issu des orientations énoncées le 14 janvier par le chef de l’Etat. Qui n’avait fait, alors, que se situer dans la continuité de son action depuis mai 2012 – certes en l’accélérant. Cette action n’était elle-même que le prolongement des orientations mises en œuvre par son prédécesseur à l’Elysée. Qui, lui-même, avait poursuivi...

Cette continuité ne doit rien au hasard. Dès lors que l’on accepte le principe de l’intégration, il faut bien en accepter les bases – les traités et toutes les conséquences. Cela vaut tout particulièrement pour les pays de l’union monétaire. L’euro s’effondrerait sans délais si ne lui étaient pas offerts toujours plus de sacrifices en matière de dépenses et d’investissements publics, de protection sociale, de pouvoir d’achat. Car, faute de pouvoir s’adapter par les taux de change, la seule variable d’ajustement est le niveau de vie populaire.

Oh, mais ça n’a rien à voir avec l’Europe, protestent les bonnes âmes, il faut juste « faire le ménage chez nous », réduire nos déficits, créer les conditions pour que les entreprises « regagnent en compétitivité » et « reconstituent leurs marges » (leurs profits) ; celles-ci pourront alors mieux exporter, et investir. Les embauches ne manqueront pas de suivre, et l’on dynamisera ainsi la croissance.

Or non seulement ces dogmes, codifiés notamment dans le traité européen de 2012 sur « la stabilité, la coordination et la gouvernance », ne « réussissent » pas, mais ils enfoncent le pays. Car, quand on paye moins un fonctionnaire, quand on supprime un lit d’hôpital (et les emplois qui vont avec), quand on rogne la pension d’un retraité, c’est autant d’argent non pas « économisé », mais qui manque dans l’économie. L’OFCE a souligné ce paradoxe : c’est quand l’austérité s’est accentuée que le déficit a été le moins réduit : de 0,9% entre 2011 et 2013, alors que la diminution avait été de 2,3% lors de la (petite) relance de 2009-2010.

Même le très austéritaire Haut conseil de finances publiques (HCFP) estime que « les mesures d’économies, concentrées sur le début de la période 2015-2017, pourraient peser davantage que prévu par le gouvernement sur la croissance à court terme ». Quant aux 40 milliards promis aux entreprises, le HCFP doute que leur « impact sur la compétitivité suffise à compenser les baisses de coûts observées dans d’autres pays européens ». Bref, la surenchère dans « l’allègement du coût du travail » piloté par Bruxelles est sans fin...

« La croissance, c’est ce qui nous manque. (...) Nous sortons de cinq ans de croissance zéro. Les dégâts économiques et sociaux sont terribles », notait le ministre des finances (Le Monde du 24/04/14) pour justifier l’accélération des orientations pilotées par Bruxelles. Pourtant, « le traité de Maëstricht se traduira par plus de croissance, plus d’emplois, plus de solidarité » assurait en août 1992 son prédécesseur à ce poste.

Qui s’appelait déjà Michel Sapin.

PIERRE LÉVY

Éditorial paru dans l’édition du 29/04/14 du mensuel Bastille-République-Nations
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Pierre Lévy est par ailleurs l’auteur d’un roman politique d’anticipation dont une deuxième édition est parue avec une préface de Jacques Sapir : L’Insurrection

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