L’escalade verbale devant la détermination de l’État syrien à tenir les élections présidentielles à la date prévue et en conformité avec les dispositions de la Constitution syrienne, avec tout ce que cela comporte comme chiffres, analyses, comparaisons, et approches [1], cherche à suggérer que l’État syrien n’est qu’une entité virtuelle impuissante et incapable de diriger le processus répondant à une échéance présidentielle. Ce qui est censé appeler à une intervention extérieure :
- Soit pour arriver à un accord politique qui modifierait fondamentalement la structure de l’Etat en faveur de l’intrusion d’une composante issue de la « Coalition de l’opposition », à laquelle serait accordée un rôle central, comme le voudrait la formule adoptée par Lakhdar Brahimi à la Conférence de Genève II ; formule qui a échoué, car en contradiction avec les dispositions de la Convention de Genève I d’une part, et fondamentalement incompatible avec la souveraineté syrienne d’autre part.
- Soit pour présenter la Syrie comme un état défaillant, ce qui justifierait la mainmise du Conseil de sécurité de l’ONU sous forme de mandat et de tutelle ; une « déclaration constitutionnelle provisoire » [2] autorisant ceux qui seraient chargés de l’élaboration d’une nouvelle constitution à superviser les processus électoraux qui en résulteraient.
Cette approche occidentale - menée par les États-Unis et sur laquelle insistent tous les intervenants onusiens en charge de la Syrie, aussi bien le Secrétaire général, son émissaire et tous les intermédiaires - néglige le fait que la Syrie est actuellement confrontée au terrorisme !
C’est ce même terrorisme qui trouve encore ceux qui le justifient, lui inventent des excuses en le rangeant dans la catégorie des réactions compréhensibles et légitimes, le couvent, le financent, l’équipent, lui ouvrent des couloirs pour envahir la terre syrienne… c’est ce même terrorisme qui ouvre le feu sur la plus importante des échéances présidentielles de l’Histoire syrienne et de ses institutions politiques.
À ce stade, certaines questions méritent d’être posées :
- Est ce que les gouvernements occidentaux, parfaitement conscients des véritables capacités de l’État syrien, persistent à faire semblant de les ignorer ?
- Est-ce que ceux qui poussent au doute quant à la compétence de l’Etat syrien, face à cette échéance présidentielle constitutionnelle, se rendent compte qu’il est capable de la mener à bien et plus encore, mais ressassent leur scepticisme dans un contexte de guerre psychologique visant à extorquer de meilleures cartes pour négocier ?
- Est-ce que les États, organes et organismes, chargés d’évaluer les responsabilités de l’État syrien, ont noté dans leurs dossiers respectifs des éléments contredisant le contenu de leurs déclarations, ce qui confirmerait qu’ils pratiquent l’hypocrisie, la tromperie, les deux poids et deux mesures, dans l’évaluation de la force, de la persévérance, de la cohésion, et de l’efficacité des institutions étatiques en Syrie ?
En effet, deux dossiers dominent toute approche occidentale de la scène syrienne : celui de la guerre contre le terrorisme et celui du démantèlement des armes chimiques.
La guerre contre le terrorisme
L’Occident qui a peur du retour de seulement quelques centaines de combattants parmi les dizaines de milliers qu’il a entrainés, armés, leur facilitant l’accès au territoire syrien, leur offrant une couverture politique, médiatique, et morale, jusqu’à les présenter comme des révolutionnaires « pour la liberté » [3] comme l’a déclaré à maintes reprises le président français… sait parfaitement que la Syrie fait face, seule, à une guerre menée sur plusieurs fronts.
De l’avis même des médias et rapports officiels occidentaux, sa guerre contre le terrorisme, qui dure depuis deux années, a réuni deux fois plus de terroristes qu’en Afghanistan ! Autrement dit, cette guerre a recruté plus de la moitié des organisations et formations terroristes du monde entier et la Syrie a pu résister et absorber, à elle seule, des forces destructrices que les États-Unis et nombre de pays européens ont échoué à repousser. Et ceci, grâce à ses institutions, à son Armée, à ses services de sécurité, à ses engagés volontaires des comités de défense populaires, et à la cohésion de son État sur l’ensemble de son territoire.
Par conséquent, il est très étrange que ce scepticisme, sans cesse réitéré, quant à la capacité de l’Etat syrien d’assumer et de réussir les défis de l’échéance présidentielle, intervienne encore et toujours alors même que les rapports occidentaux débordent d’informations sur les réalisations remarquables et ininterrompues des Forces armées syriennes contre les groupes terroristes ; lesquels groupes se désagrègent et perdent petit à petit leurs prétendues places fortes sous les frappes de cette Armée et devant la ferme résistance du peuple syrien, et voient leurs dirigeants tomber par dizaines, voire par centaines, quotidiennement. Tant et si bien que les observateurs du monde entier concernés par la lutte contre le terrorisme international en sont stupéfaits, la Syrie étant devenue le modèle unique qui réussit là où d’autres ont échoué.
Tout cela, pendant que la Syrie subit des sanctions économiques injustes qui la privent de l’usage de ses ressources et de ses investissements pour assurer une vie décente à son peuple, et alors que nombre de services de renseignement occidentaux et arabes montent les pires complots contre sa sécurité, et que des centaines de médias financés sans limites, par des occidentaux et des arabes, travaillent à défigurer son image et à falsifier ce qui s’y passe réellement.
Le démantèlement des armes chimiques
Tout aussi important que la guerre contre le terrorisme, l’évacuation de l’arsenal chimique syrien suit son cours sous les objectifs des services de renseignement et des médias du monde entier. Et, il est clair que l’État syrien s’acquitte, au plus près, de ses obligations quant au transport sécurisé en vue de la destruction de son important arsenal chimique, telles que stipulées par les conditions de son adhésion à l’OIAC [Organisation pour l’Interdiction des Armes Chimiques].
Cette adhésion de la Syrie à l’OIAC, qui a fait qu’elle s’est séparée d’un arsenal considéré comme dissuasif face à l’arsenal nucléaire israélien, suffit à elle seule pour démontrer qu’une telle décision, assumée dans des conditions aussi critiques, ne peut être prise que par une direction sûre d’elle-même, parce que hautement confiante dans son peuple, ses institutions et son Armée. Quoiqu’elle soit de la plus haute importance, il n’est pas exagéré de la comparer à la décision historique du Président Bachar al-Assad de retirer les troupes syriennes du Liban en 2005, alors que beaucoup pensaient que l’Etat syrien en était incapable, et que rien que d’y penser pouvaient mener à la désintégration de l’État et de l’Armée à la fois. Imaginez donc ce que ceux-là attendaient du démantèlement de l’arsenal chimique syrien !
Il n’est pas exagéré, non plus, de dire que n’importe quel autre état stable et dirigé dans des conditions normales à l’abri de toute sorte de guerre ou de terrorisme, aurait sans doute été incapable de prendre une telle décision avec un tel degré de courage, de cohérence et de discipline. Et ce, pour la simple raison qu’il aurait refusé de prendre le risque d’une rébellion ou d’une déstabilisation vu le clivage interne sur ce sujet sensible.
Là aussi, il est étrange de constater que ceux qui se déclarent les plus sceptiques quant à la prochaine échéance présidentielle syrienne reconnaissent, avec satisfaction, que la Syrie a évacué 90% de ses armes chimiques [4] conformément à l’accord conclu avec les Nations Unies ; et ce, pendant que son Armée et toutes ses institutions se battent sur plusieurs fronts à la fois et font face aux projets subversifs des uns et des autres, notamment à celui qui a tenté de saboter le programme prévu pour l’évacuation des armes chimiques pour mettre en cause le sérieux de l’État syrien et son respect des accords internationaux.
Plus étrange encore est la fabrication de rapports accusant la Syrie d’attaques au « chlore », nécessitant des commissions d’enquête [5], pour détourner l’attention de ses victoires contre les terroristes et le respect de tous ses accords.
Mais la Syrie qui nie absolument ces accusations, fabriquées de toutes pièces, sait parfaitement que cette nouvelle campagne accusatoire vient couvrir les rapports prouvant indiscutablement le rôle du gouvernement d’Erdogan dans les massacres du peuple syrien par, justement, des armes chimiques !
Dès lors, d’autres questions méritent réponses :
- Est-ce possible qu’un État capable de mener une guerre contre le terrorisme international à la place de toutes les autres nations du monde en remportant autant de victoires malgré ses faibles moyens, là où d’autres ont échoué malgré l’abondance des leurs, soit l’objet de débats quant à la capacité de ses institutions à préparer des élections présidentielles ?
- Est-ce possible qu’un État dont le monde reconnaît la capacité à prendre des décisions courageuses concernant une arme de dissuasion dont dépend sa sécurité, puis à respecter toutes ses obligations, abstraction faite des efforts et des moyens que cela nécessite, soit l’objet d’un tel scepticisme lorsqu’il s’agit de gérer un événement moins dangereux et extrêmement plus populaire ?
- Est-il possible que tous ceux qui sont parfaitement au courant de la situation savent qu’ils ne font que mentir sur leurs doutes, dans le but de continuer à poignarder la Syrie déterminée à respecter la date de ses élections présidentielles ?
La réponse est que la Syrie, qui se bat contre le terrorisme en partant de sa souveraineté et qui respecte toutes ses obligations internationales en tant qu’État souverain, assumera ses pleines responsabilités face à la prochaine échéance présidentielle en se fondant sur cette même souveraineté.
Les doubles standards ne pourront pas la dissuader de mener, à son terme, la mission qui attend son peuple et ses institutions, car c’est avec l’État souverain en Syrie qu’a été conclu l’accord sur les armes chimiques. Comment se peut-il que cet État soit digne de confiance sur ce sujet et ne le soit plus sur d’autres ?
Pour conclure, les Syriens tournent le dos à tous les discours émanant d’un complexe d’infériorité chez certains ou d’un complexe de culpabilité chez d’autres. Ils gagneront là où d’autres les auront trahis ou auront perdu !
Fayçal Miqdad
Vice-ministre syrien des Affaires étrangères
26/04/2014
Source : Al-Binaa http://al-binaa.com/albinaa/?article=2974
Traduit de l’arabe par Mouna Alno-Nakhal