J’ai simplement cliqué dans le premier message sur le thème "Palestine" pour soumettre ce commentaire à la réflexion de tous, au sujet de la réécriture de l’histoire et de la censure. (Ne pas y voir de réponse à l’internaute auteur du message.. sans doute aurais-je pu procéder autrement .. pas le temps.)
Contexte : il y a quelques années, un texte a circulé sur Internet : "Le Manifeste Judéo-Nazi d’Ariel Sharon". Il a été disqualifié et censuré comme "faux antisémite".
Le titre n’est effectivement pas le titre original, qui est le suivant :
The Tender among you and Very Delicate.
"Le Manifeste" est apparu, pendant un temps, sur des sites allant de l’extrême droite à la gauche, et a fini par disparaître totalement des sites de gauche.
Or, ce texte existe bel et bien, n’a pas été rédigé par un judéophobe, bien au contraire.
Il l’a été par un des plus grands artistes israeliens, et n’a en rien été modifié, dans les sites d’extrème droite, hormis l’ajout de quelques notes contextuelles.
Le texte fait partie d’un recueil publié par l’écrivain Amos Oz, en 1982, dans une version en hébreu, intitulée
Poh-va-sham be Erets-Yisra’el bi-setav,
qui a été traduite en plusieurs langues, notamment en français et en anglais.
Je n’ai pas lu la version française, mais le recueil réédité en anglais (chez Harvest In Translation - 1993, s’intitule
In the Land Of Israel.
Le texte en question figure à la
page 87 et porte le titre de The Tender among you... et il a connu une histoire étrange et mouvementée.
Dans son recueil, le document est présenté par l’auteur, Amos Oz, l’un des plus grands écrivains israeliens (sans doute le plus connu à l’étranger), comme une entrevue, menée avec un haut dirigeant israelien, après l’invasion du Liban, au moment où Sharon était menacé d’être traduit devant le tribunal pénal international, pour crimes contre l’humanité.
Dans ce texte, le haut dirigeant israélien, interviewé par A. Oz, affirme que si les juifs étaient venus en masse avant le carnage nazi, et que les juifs d’Israel avaient tué 5 ou 6 millions d’Arabes, en dehors de quelques lignes désagréables dans les livres d’histoire, les juifs seraient vingt millions en Israel. Qu’Israel serait une puissance pétrolière à laquelle les Occidentaux feraient la cour. Que s’il le fallait, il (l’"interviewé") serait prêt à faire sauter quelques synagogues pour faire accourir en hurlant les juifs de la diaspora en Israel. Le personnage est décrit comme portant une balafre au cou. Il revendique une participation directe aux décisions politiques et militaires et compare à plusieurs reprises sa situation de dirigeant d’un État à celles d’autre chefs d’État mais pas n’importe lesquels : les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne. Stop. L’idée de comparer Israel à la Suisse ou au Portugal ne l’effleure pas une seconde.
Amos Oz a précisé que le personnage qui tenait ces propos voulait garder l’anonymat (l’interviewé est caché derrière l’initiale T.) et qu’il (A. Oz) s’est engagé à respecter cet anonymat.
Des militants islamistes et d’extrême-droite se sont évidemment précipités sur ce texte, se faisant une joie de le faire circuler, mais il est loin d’être sûr qu’ils l’aient fait les premiers. Amos Oz est un auteur connu, de la mouvance travailliste, et il a, bien entendu, de nombreux lecteurs parmi les juifs (et les non-juifs).
Toujours est-il qu’à la lecture du texte, attribuer les propos du dirigeant "T" à Sharon ne paraît nullement aberrant.
Mais, dès la publication, Sharon a été réélu en Israel. Tout permet de croire que les manoeuvres et pressions du courant sioniste majoritaire français ont fini par épuiser Amos Oz (dont le livre n’est nullement censuré en Israel, où l’on ne prend aucun gant ou du moins par sur les mêmes thèmes qu’en France). Il se peut aussi qu’on ait demandé, en haut lieu, à Amos Oz de tout faire pour régler cette affaire qui prenait une ampleur incroyable, puisqu’elle mettait en cause directement un chef d’État, une fois Sharon réélu. A. Oz a donc confirmé que l’interviewé n’était pas Sharon, sans préciser de qui il s’agissait, ce qui se comprend, puisqu’il s’y était engagé. Cela pourrait signifier également que les travaillistes ne s’attendaient pas à leur défaite.
Il était toutefois inévitable qu’on cherche à savoir qui se cachait derrière la lettre T.
Bref, qui a demandé quoi à qui dans les journaux français et en Israel ? Nul ne le sait.
De l’affirmation d’Amos Oz - "ce n’est pas Sharon" - on a abouti, par un étrange court-circuit politique et médiatique, à un démenti dans le Monde, qualifiant définitivement le texte comme un faux antisémite. Et Amos Oz s’est tenu coi.
Et c’est ainsi que, depuis, tout ce qui tient plume, ou presque, s’est mis à répéter qu’il s’agit d’un faux : c’est aujourd’hui la version officielle.
Impossible pourtant de nier l’existence du recueil, ni la signature d’Amos Oz. D’ailleurs, dans plusieurs sites américains, "la qualification" du texte n’est pas la même que la française. En effet, "là -bas", le texte est parfois cité, non comme un faux, mais comme un récit fictif élaboré par un artiste israelien sur un personnage fictif.
Amos Oz, qui écrit aussi de la fiction et sait faire la différence, ne présente nullement In the Land of Israel comme une série de récits fictifs mais bien comme une série d’entrevues avec des gens en chair et en os (il y en a plusieurs, dans le même recueil, notamment avec les colons extrémistes).
Le même genre de problème de censure s’est posé avec la "sortie" de Dieudonné sur la "pornographie mémorielle". Le livre d’Idith Zertal en hébreu et en anglais contenait bien l’expression, mais l’éditeur, semble-t-il, a conseillé de "purger" la version française. Le malheureux traducteur n’a de toutes évidences, pas du tout inventé l’expression. Mais après qu’I. Zertal et son éditeur se soient mis d’accord sur la "stratégie", à cause de la sortie de Dieudonné, le traducteur a accepté de porter le chapeau et déclaré que l’expression était "une note personnelle".
Mais le problème est que même s’il s’agissait d’une note, ... ce serait "pire" ... il ne faudrait pas parler de "note", mais de "surinterprétation" ou d’"extrapolation" qui serait l’expression de l"inconscient antisémite" du traducteur. Alors, on arriverait au point où il faudrait se demander comnbien d’antisémites inconscients circulent dans le monde, y compris parmi les gens, juifs ou non juifs, qui sont connus pour avoir lutté contre l’antisémitisme. Nous n’avons pas fini, puisque cela exige de censurer les textes des dissidents israeliens qui assurent le passage d’une "autre" information. Et c’est effectivement ce qui se passe dans tous les journaux officiels.
Le plus stupide, dans tout cela, est qu’Idith Zertal a reconnu s’être inspirée de textes d’autres historiens (notamment ses profs) qui travaillent depuis longtemps sur les répercussions, sur le rapport que les juifs entretiennent avec eux-mêmes et avec les autres, leur psychisme et leur bien-être, de vivre dans un État ou/et dans une culture qui éduque et ritualise constamment sur le thème de l’Holocauste, et sur l’exploitation politique tout à fait consciente du thème par certains dirigeants israeliens et dirigeants sionistes (entre autres, parmi de nombreux exemples, biographie et analyses de la carrière d’Abba Eban).
Le terme "pornographie mémorielle" a fait scandale en France. En Israel, s’il provoque des discussions houleuses, il n’a pas fait l’objet de censure. Il faut savoir qu’en Israel, certaines revues porno ont même été jusqu’à placer leurs personnages dans un soi-disant décor concentrationnaire, ce qui est, dans l’univers sado-maso d’une certaine pornographie, plus ou moins prévisible et qu’on se traite de "nazis" avec une certaine facilité dans le monde politique.
Pour revenir au "Manifeste judéo-nazi" ou plutôt au texte d’A. Oz, The Tender among you, et en admettant même qu’il s’agisse d’une fiction, Amos Oz a bel et bien publié ce texte librement et volontairement, il en a souhaité la publication à l’étranger, y compris en français. Ce livre était un avertissement ... .ou non ?
Toujours est-il qu’à partir du moment où Le Monde a qualifié le texte de "faux antisémite", il a été censuré dans toute la presse française, sans autre forme de procès : il n’existe plus.
Sarabé.