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Syrie : Réponse aux chantres sectaires des massacres commandités par les impérialistes (Dissident Voice)

AFP Photo / Daniel Leal-Olivas

Selon le récent article de Michael Karadjis, publié le 17 février dernier, et intitulé "le régime d’Assad Responsable de la montée du sectarisme religieux" [NB : la réponse de J. Tharapel est publiée en dessous de ce texte, NDT], c’est le gouvernement laïque syrien qui serait responsable de l’ascension des groupes sectaires et non pas les rebelles assoiffés de sang de toutes les factions qui ont acquis une notoriété internationale grâce à leurs violences sectaires.

L’article de Karadjis tourne autour de l’idée que la haine sectaire endémique qui règne chez la plupart des factions rebelles, si ce n’est la totalité d’entre elles, est essentiellement la conséquence prévisible de la surreprésentation des alaouites au gouvernement syrien. Il qualifie l’Etat syrien de "régime alaouite" "géré par une famille", ce qui n’est rien de moins qu’un cliché paresseux qui sert à transformer l’histoire d’un pays complexe et de son passé politique en une caricature générique qui, au bout du compte, sert les intérêts impériaux.

Un grand nombre de ceux qui soutiennent la prétendue révolution ne s’avanceraient pas autant, ou, du moins, pondéreraient cette position en soulignant l’énorme financement dont bénéficient les rebelles de la part des régimes saoudien et qatari, ou la propagande acharnée des religieux salafistes financés avec l’argent du pétrole qui réclament que Bilad el-Sham [la "grande Syrie" ] soit purgée des minorités religieuses.

D’après Karadjis, ces explications sont marginales dans la mesure où c’est le régime "dominé par les alaouites" qui constituerait la source initiale du sectarisme.
Karadjis commence son article en citant Gilbert Achcar, qui prétend que si les coptes détenaient le pouvoir en Egypte, il serait logique que l’extrémisme musulman prospère [voir citation complète en fr ].

Cette hypothèse est totalement irréaliste car, non seulement la communauté copte n’est PAS au pouvoir en Egypte, mais elle subit depuis des dizaines d’années le terrorisme islamiste, sous la forme, entre autres, de pogroms, d’enlèvements, et de destructions d’églises.

Une erreur d’analyse aussi énorme de la part d’Achcar n’est pas étonnante étant donné ses opinions politiques réactionnaires, comme l’illustre son soutien en 2011 aux bombardements de l’OTAN en Libye et aux racistes escadrons de la mort anti-Kadhafi.

Karadjis explique que la campagne de haine et de violence menée par les rebelles contre les alaouites est la faute du gouvernement parce qu’il est dominé par des alaouites sectaires, même si les preuves qu’il donne de ses affirmations sont pathétiquement immatérielles.

D’abord, il affirme que les alaouites sont surreprésentés au gouvernement. Et il appuie son propos sur un tableau publié par le Washington Institute for Near East policy – un "laboratoire d’idées" US dont le Comité Consultatif regroupe, entre autres, le sioniste notoire Joseph Lieberman, et des criminels de guerre comme Richard Perle, Condoleeza Rice, et Henry Kissinger.

Ce tableau, dans l’esprit de Karadjis, est une "carte du régime", bien que celle-ci ne spécifie pas vraiment ce qu’elle veut montrer exactement. Est-ce la composition sectaire du cabinet syrien, ou de l’armée, ou des grands entrepreneurs, ou de toute autre institution ?

Non, elle ne fournit aucun renseignement sur une catégorie particulière, elle ne fait qu’y faire figurer un certain nombre, mais pas tous, de militaires de haut rang, de membres du cabinet ministériel et d’industriels.

En se fondant sur ce document incomplet, Karadjis parvient à la conclusion grotesque que les alaouites, qui "représentent quelque 10 à 15% de la population, constituent 72% du régime”, tandis que les sunnites, "qui représentent quelque 75-80 % de la population, constituent moins de 16% du régime" (voir note en bas de page, NDT).

C’est probablement l’analyse de statistiques sur la Syrie la plus incompétente et la plus paresseuse qui ait jamais été faite, et on peut simplement en contester le sérieux en disant que ce tableau, fourni par ce groupe de réflexion US (contrôlé par des criminels de guerre), ne précise pas ce qu’il veut établir.

Il est toutefois possible d’aller un peu plus loin dans la réflexion et de fournir des données concernant la composition du cabinet ministériel selon sa secte religieuse.

D’abord, en précisant ce qu’on veut établir – en l’occurrence, la composition du cabinet ministériel.

Selon les données publiées dans le livre de Nikolaos Van Dam, The Struggle for Power in Syria (1995), la composition totale en pourcentage des différentes sectes des cabinets successifs entre 1970 (année où Hafez Al Assad accédait au pouvoir) et 1995 (année où était écrit le livre) est :

Sunnites : 68.37 %
Chrétiens : 7.14 %
Alaouites : 20.41 %
Druzes : 4.08 %

Alors, certes, les alaouites semblent surreprésentés jusqu’à 8 points de plus que leur pourcentage par rapport à l’ensemble de la population (12%), mais il y a une énorme différence entre le fait que les alaouites constituent 20,41 % des cabinets ministériels (sur une période de 25 ans) et celui de dire, comme l’affirme Karadjis, que les alaouites occupent 72% des postes du régime en se référant à des données complètement faussées.

En outre, si on ne prend que les chiffres pour la période de 1970-1976, on constate que les Sunnites ont constitué 81.18% de l’ensemble des membres des cabinets ministériels, ce qui implique qu’il y a eu d’importantes fluctuations pour des raisons qui pourraient être complètement aléatoires.

En effet, il ne serait pas raisonnable de penser qu’un parlement serait représentatif de la proportion des communautés confessionnelles de façon constante, surtout quand les sièges à l’Assemblée ne sont pas répartis selon l’étiquette confessionnelle, comme c’est le cas au Liban.

Malheureusement, il n’existe plus de statistiques après 1995, mais il n’y a pas de raison de penser que la situation serait différente sous le gouvernement du président Bachar Al-Assad.

En tout cas, si les statistiques sont difficiles à obtenir, c’est parce qu’en Syrie, la religion étant considérée comme une affaire privée, il est, par conséquent, peu probable que des responsables politiques se réclament de la religion à laquelle ils appartiennent.

Cette règle culturelle avait d’ailleurs été un obstacle qu’avait rencontré Van Dam quand il réunissait des données sur la composition confessionnelle du cabinet ministériel syrien (il me l’a dit lors d’une conversation en privé).

Les affirmations absurdes de Karadjis sur la surreprésentation alaouite ayant été démontées, il ne lui reste plus que ce qu’il veut bien concéder, à savoir qu’"un certain nombre de postes à responsabilité sont occupés par des sunnites".

C’est exact : le premier ministre Wael Al Halqi, le ministre des Affaires étrangères, Walid Muallem, le ministre de la Défense, Fahad Jasem Al Freij, et le ministre de l’Intérieur, Ibrahim Al Shaar, sont tous sunnites.

Ensuite, Karadjis affirme que "les éléments alaouites sont absolument dominants au sein de l’armée et des services de sécurité du régime”, et à partir de cette affirmation, il conclut que "la nomination de quelques sunnites loyaux à des postes de haut rang – les ministres de la Défense et de l’Intérieur– est de nature largement ornementale et d’apparat ".

Comment Karadjis sait-il que les postes des ministres de la Défense et de l’Intérieur sont "ornementaux" et d’"apparat" ? Insinue-t-il, en fait, que l’armée prime sur les autorités civiles, et si c’est le cas, sur quoi se base-t-il pour en arriver à cette conclusion ? Très franchement, ce qui peut être affirmé sans preuves peut être rejeté sans preuves.

C’est à partir des affirmations de Karadjis sur la surreprésentation des alaouites (qui sont exagérées au point d’en être fausses sur le plan qualitatif) qu’il en conclut que le "régime" est "sectaire".

Or, ce n’est pas simplement parce qu’une confession spécifique est surreprésentée dans les institutions d’un pays que l’état pratique la discrimination confessionnelle, ce que le qualificatif de "sectaire" insinuerait au minimum.

La vérité c’est que, même si les alaouites sont surreprésentés au gouvernement, leur pouvoir ne résulte pas de leur origine alaouite - leur courant religieux ne bénéficie d’aucun privilège officiel et ils ne s’en sortent pas mieux sur le plan économique que les autres Syriens.

Si quelqu’un affirmait que c’est parce que les Juifs sont surreprésentés au gouvernement américain qu’ils contrôlent le gouvernement, je ferais à Karadjis l’honneur de penser qu’il jugerait (à juste titre) que ce sont des propos antisémites.

Pour autant, il semble qu’il soit prêt à débiter les mêmes inepties pour légitimer ce qui est essentiellement une guerre impérialiste par procuration contre un pays post-colonial indépendant.

Karadjis semble complètement ignorer l’ensemble de facteurs historiques qui expliquent pourquoi les alaouites sont surreprésentés à l’armée.

Avant que la Syrie n’obtienne son indépendance en 1946, les familles qui souhaitaient que leurs fils soient exemptés de conscription (sous mandat français) devaient verser une certaine somme d’argent que beaucoup d’alaouites, qui faisaient souvent partie des catégories les plus pauvres, n’avaient pas les moyens de payer.

En outre, beaucoup d’entre eux considéraient que c’était un choix de carrière rémunérateur parce que l’armée était, à leurs yeux, une des rares institutions fondées sur le mérite auxquelles ils pouvaient avoir accès pour monter en grade, et une institution où ils ne subiraient pas de discrimination à cause de leurs croyances.

Selon Patrick Seale (Asad : The Struggle for the Middle East, 1995), le biographe de l’ancien président Hafez Al Assad, "les jeunes gens issus de minorités étaient nombreux à choisir l’armée plutôt que d’autres carrières parce que leurs familles n’avaient pas les moyens de les envoyer à l’université".

Ce qui frappe le plus en ce qui concerne les origines des soldats de l’armée syrienne après l’indépendance, ce n’est pas la surreprésentation d’un quelconque courant religieux, mais leur appartenance à une même classe sociale. Après l’indépendance, les jeunes gens pauvres issus de milieux ruraux ont commencé à gonfler les rangs de l’armée alors que ceux des villes étaient davantage susceptibles d’accomplir leur service militaire de deux ans pour ensuite se tourner vers des carrières plus lucratives en ville.

Cela, selon Seale, a été "l’erreur historique des familles dirigeantes et de la classe des marchands et des propriétaires terriens à laquelle elles appartenaient : à mépriser l’armée en tant que métier, elles s’étaient laissé capturer par leurs ennemis de classe qui avait fini par conquérir le pouvoir-même".

Pour quelqu’un qui se complait à parler de classes, Karadjis est incapable de reconnaitre, ou refuse de le faire, les origines élitistes du sectarisme anti-alaouite.

Karadjis, avec ses tentatives pathétiques d’accuser le "régime alaouite" de sectarisme ignore l’énorme éléphant wahhabite dans la salle, qui fait que pendant près d’un siècle, les formes les plus sectaires et puritaines de l’islam politique ont servi d’instrument de la politique étrangère américaine et britannique.

Ces forces avaient été à l’origine mobilisées pour neutraliser les forces du nationalisme arabe laïque de gauche, qui étaient dans l’air du temps et dominaient à l’époque postcoloniale, frappant l’imagination des populations arabes, plus attirées par le nassérisme, le baassisme, et le communisme que par les métarécits religieux.

En 1921, Winston Churchill, dans un discours à la Chambre des Communes avait décrit ainsi les Wahhabites du Golfe : "ils considèrent que c’est un devoir, de même qu’un acte de foi, de tuer tous ceux qui ne partagent pas leurs opinions et de faire des esclaves de leurs femmes et de leurs enfants".

Mais, tout en s’indignant de leurs pratiques culturelles, Churchill reconnaissait la nécessité de cultiver des liens étroits avec la Maison des Saoud, écrivant en 1953, "j’avais une profonde admiration pour [Ibn Saoud], à cause de sa loyauté sans faille à notre égard".

De la même façon, l’Association des Frères Musulmans, est apparue en Egypte en 1928, avec le slogan : "le coran est notre Constitution” et pour objectif le retour à la prétendue pureté des origines historiques de l’islam.

Son fondateur, Hassan Al Banna, collaborait étroitement avec le roi Farouk qui utilisait souvent la branche paramilitaire des Frères Musulmans pour terroriser les ennemis politiques de la monarchie égyptienne, avant tout la gauche laïque, les nationalistes, les communistes, mais aussi la bourgeoisie libérale du parti Wafd.

D’ailleurs, pourquoi ne l’auraient-ils pas fait ? Les Frères Musulmans représentaient finalement les intérêts des classes marchandes et des riches propriétaires terriens, et, pour autant qu’ils prêchaient pour la justice sociale, leur politique n’allait pas plus loin que de demander aux riches de subvenir aux besoins des pauvres, une position très éloignée de celle de leurs opposants de la gauche laïque qui luttaient pour la démocratie, la redistribution des richesses et le socialisme.

Parallèlement, les homologues des Frères Musulmans en Syrie étaient constamment en conflit avec le gouvernement post-baasiste pour des motifs totalement réactionnaires.

En 1964, un an après la prise de pouvoir du parti Baass, et six ans avant qu’arrive au pouvoir le premier président alaouite syrien, Hafez Al Assad (certes, c’est Salah Jedid, un alaouite, qui était devenu, de facto le dirigeant en 1966), les Frères Musulmans déclenchaient leur première insurrection, et pour quelle raison ?

D’après Seale, elle avait commencé dans les souks (les bazars ou les marchés) où "les imams prononçaient des sermons incendiaires contre le parti Baas socialiste et laïque", que "c’étaient les marchands qui exprimaient leur colère car ils craignaient l’expansion du radicalisme baasiste" et que "les notables ne supportaient pas l’ascension d’arrivistes issus de minorités et de leurs modestes alliés sunnites".

La bourgeoisie de Hama, qui soutenait les Frères Musulmans, rendait les baasistes responsables des révoltes des paysans, surtout qu’avant les réformes agraires qui ont suivi le coup d’état de 1963, quatre familles (sunnites) immensément riches possédaient 91 des 113 villages de la région de Hama.

Pour les nouveaux dirigeants baasistes, toujours d’après Seale, "la ville [de Hama] avait depuis très longtemps été un symbole d’oppression pour la population rurale pauvre – dont beaucoup étaient issus – et le bastion du conservatisme sunnite, mais maintenant, ils en étaient venus à la détester pour ce qu’elle représentait : le centre de réactions malveillantes, un ennemi impardonnable de tout ce qu’ils défendaient".

En 1973, quand la constitution syrienne avait été modifiée pour supprimer une clause qui exigeait que la fonction de président devait être exercée par un musulman, les Frères Musulmans avaient réagi par de violentes manifestations.

Le complot anti-alaouite de Karadjis comprend également l’affirmation selon laquelle les Makhlouf (qui sont les cousins du président Assad) "contrôlent entre 40 et 60% de l’économie syrienne".

Cette affirmation était parue à l’origine dans le Telegraph de mai 2011, "le cousin germain du président [Rami Makhlouf] aurait le contrôle de plus de 60% de l’économie syrienne".

Cependant, l’absurdité de cette affirmation est démontrée par son ambigüité même. Qu’est ce que cela signifie "contrôler" un certain pourcentage d’une économie ? Comment quantifie-t-on cela ? Cela veut-il dire que Rami Makhlouf (ou la famille Makhlouf, comme le prétend Karadjis) a un patrimoine net qui s’élèverait à une somme entre 40 et 60% du PIB de la Syrie ?

Eh bien, non, cela ne tient pas debout mathématiquement, parce que la fortune de Makhlouf serait de 5 milliards de dollars, ce qui correspond à, grosso modo, 6 % du PIB de la Syrie.

Cela veut-il dire que Makhlouf possède des actions dans un grand nombre d’entreprises ? Et si c’est le cas, comment peut-on quantifier ces 40 à 60% ?

L’idée ici, n’est pas de défendre Makhlouf, qui, est probablement coupable de corruption et de népotisme, mais plutôt de montrer comment des affirmations peu convaincantes comme celles-ci sont utilisées par des gens comme Karadjis et le reste de la gauche pro-impériale pour faire des généralisations abusives et simplistes sur l’économie de la Syrie.

Par souci d’exactitude, précisons que si la Syrie a le quatrième plus faible PIB par habitant par rapport aux autres pays arabes, elle se place au troisième rang pour l’espérance de vie (autour de 74 ans), seulement dépassée par les émirats producteurs de pétrole, le Qatar et les Émirats arabes unis (chiffres provenant des banques de données publiques de Google, et dont la source est la BM).

Un exploit plutôt impressionnant pour un pays sous le coup de sanctions qui possède peu de pétrole, un pays qui, malgré un niveau de revenus faible parvient à se placer dans les premiers selon les évaluations objectives de l’indice de développement humain, comme les soins de santé et l’éducation.

Il suffit de lire le rapport du Département d’état US sur les investissements qu’a engagés la Syrie en 2011, et qui n’est qu’un chapelet de récriminations contre l’économie en Syrie, qui ne serait pas assez conciliante envers les intérêts capitalistes, pour se rendre compte que le portrait simpliste que font Karadjis et ses semblables de l’économie syrienne, qui la décrivent comme étant une sorte de terrain en friche néolibéral, est largement mensonger.

Ce rapport indique que "malgré des tentatives législatives récentes de procéder à des réformes, l’économie reste largement centralisée", que "le code du travail en Syrie est en général considéré comme un obstacle aux investissements étrangers", et que "les hauts responsables du gouvernement rejettent publiquement, par idéologie, l’idée de privatiser des entreprises publiques".

Sur ce dernier point, selon un rapport de Bassam Haddad publié en 2011, et intitulé : ‘The Political Economy Of Syria : Realities And Challenges" ("l’économie politique de la Syrie ; réalités et défis"), le secteur public contribue encore à environ 40% du PIB de la Syrie.

Karadjis prétend que "le régime avait créé des milices alaouites sectaires (les Shabiha) pour terroriser les populations sunnites, précisément". Cela, malgré le fait que les trois exemples de massacres qu’il cite pour étayer son raisonnement, c.à.d. Houla, Baïda et Banias, se sont TOUS avérés être des attaques sous fausse bannière qui avaient, en fait, été menées par les pseudo-"révolutionnaires” que la gauche pro-impériale aime tant.

L’histoire initiale du massacre de Houla qui accusait le gouvernement a été démontée par le quotidien allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung.

La version initiale des massacres de Baïda et de Banias, qui avaient d’abord été mis sur le compte du gouvernement syrien, a également été démentie.

Pour résumer brièvement : la victime du massacre de Baïda la plus connue, le cheikh Omar Biassi, était un membre du Comité de Réconciliation Nationale, et un défenseur du dialogue entre les diverses religions et de l’unité nationale. Il soutenait le gouvernement et avait déclaré publiquement : "nous pensons que la résolution du conflit en Syrie, qui était un pays sûr et stable, se fera par le dialogue, pour que le bateau et son capitaine Bachar al-Assad puissent se mettre à l’abri".

Un mois avant le massacre où il perdait la vie, il qualifiait les rebelles de "traitres" et disait que la "seule solution", "c’était de les tuer".

Le 2 mai, lui-même et 35 autres membres (36 au total, donc) de sa famille élargie étaient massacrés. Le gouvernement n’avait aucune raison de le tuer, mais les rebelles très certainement.

Quant au "massacre de Tremseh" qu’évoque Karadjis, des "militants" (c.à.d. des partisans de l’ASL - l’Armée Syrienne Libre) de Hama avaient prétendu que les forces syriennes avaient massacré 200 personnes, des civils pour la plupart, bien qu’après une enquête plus approfondie, il se soit avéré qu’il s’agissait de rebelles, pas de civils.

Selon les observateurs de l’ONU, "l’attaque de Tremseh semblait viser des groupes et des maisons spécifiques, principalement de déserteurs de l’armée et de militants".

Le chroniqueur du Guardian, Martin Chulov, explique que "parmi les 103 morts signalés par l’opposition, il n’y avait que des hommes".

Et selon le New York Times , "bien que ce qui s’est passé à Tremseh reste trouble, les preuves à disposition indiquent que les incidents qui se sont produits jeudi dernier sont plus proches du compte-rendu du gouvernement".

Loin d’être un massacre sectaire contre les sunnites, comme l’insinue Karadjis, la Bataille de Tremseh était essentiellement "un combat bancal entre l’armée à la poursuite des forces d’opposition et des militants, et des villageois qui tentaient de défendre le village .

Le compte-rendu de Karadjis sur ces massacres (sauf pour Tremseh) visait à étayer son argument selon lequel les pires atrocités ont été commises par le gouvernement, même si les massacres de Houla, Baïda et Banis, dont Karadjis accuse le gouvernement, ont été, effectivement, perpétrés par les rebelles-mêmes qu’il gratifie du nom de "révolutionnaires”.

Si on y ajoute le massacre de Latakia de deux cents civils commis par l’EIIL (État islamique en Irak et au Levant), ce que reconnait Karadjis, cela implique que les pires atrocités évoquées dans son article ont été commises par les rebelles, pas par le gouvernement.

Voici une différence essentielle entre les deux camps que Karadjis occulte volontairement :

Même dans des cas de crimes présumés, commis par les forces du gouvernement, tout est fait par l’état pour les minimiser ou les nier parce que ces actes sont considérés comme honteux, alors que les "révolutionnaires", non seulement commettent des atrocités sectaires, mais ils s’en vantent ouvertement.

En résumé, quand il s’agit de sectarisme, il n’y a pas d’équivalence morale entre l’état syrien et les rebelles financés par l’OTAN, le Qatar et l’Arabie Saoudite.

Les dirigeants des deux fronts de la rébellion les plus importants, à savoir l’EIIL et Jabhat al-Nosra, sont ouvertement sectaires, alors que le front présenté par l’occident comme étant "modéré" est dirigé par Zahran Alloush qui appelle publiquement à l’épuration ethnique de "Rafida” (à savoir les chiites, et par extension les alaouites).

Selon les propres termes d’Alloush :

Les moudjahidines de Sham [Al-Cham : la Syrie ou sa capitale Damas, NDT] chasseront la crasse des Rafida et les Rafida de Sham, ils les élimineront pour toujours, si Allah le veut, avant de purger Bilad el-Sham des Majous [en gros : les païens ou les non-musulmans, NDT] qui ont combattu la religion d’Allah.

Dire qu’on peut trouver des analogies du côté de l’Etat syrien, a fortiori prétendre que c’est l’Etat qui est à l’origine du sectarisme, c’est d’une absurdité phénoménale, mais Karadjis, en fidèle laquais de l’impérialisme US, parvient, grâce à des exercices incroyables de gymnastique mentale, à inventer ce genre de fiction.

Jay Tharappel est étudiant en Master d’économie politique à l’Université de Sydney, Australie

Traduction pour le Grand Soir : RR, traducteur non rémunéré

Cet article complémente celui-ci, récemment publié par le Grand Soir : http://www.legrandsoir.info/obama-erdogan-les-rebelles-syriens-et-la-ligne-rouge-london-review-of-books.html

Note complémentaire

Lecture de Karadjis du tableau du Washington Institute for Near East policy :

"Si on compte uniquement ceux qui font partie du régime, on trouve : 23 alaouites, 5 sunnites et 5 "autres". Ce qui veut dire que les alaouites, qui représentent environ 10-15 % de la population, occupent environ 72 % des postes à responsabilité. Les Sunnites, qui constituent environ 75-80 % de la population, en occupent moins de 16%. Les "autres" ["des chrétiens, des druzes ou des chiites ?" Se demande-t-il], environ 12 %, seraient légèrement, mais pas énormément, surreprésentés (en fait, sachant que le discours du régime est qu’il est le protecteur des "minorités", on peut donc en conclure que les "minorités" constituent 20-25 % de la population, mais 84% du régime, et que l’immense majorité sunnite seulement 16 % du régime).

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