Ces questions sont de nouveau sous les feux de la rampe depuis la naissance et le développement des « révolutions de couleur » dans d’autres parties du monde. On pense particulièrement aux événements qui ont dernièrement marqué l’Ukraine. Les analystes sont particulièrement perplexes sur l’action des hommes politiques européens et étasuniens, l’opposition ukrainienne appelant à des réactions extrêmement virulentes contre le gouvernement légalement élu du pays. La question ne se limite pas seulement aux appels lancés par les États-Unis et par le sénateur John McCain pour faire tomber le régime ukrainien actuel, mais s’étend aussi au soutien financier dont bénéficient les leaders de l’opposition qui ont bien souvent un point d’ancrage à l’ouest. Le cas de l’ex-boxeur et candidat à la présidentielle Vitali Klitschko parle de lui-même : il dispose d’un permis de séjour en Allemagne et y paie ses impôts.
Dans ce contexte, les conclusions tirées par les experts du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R) sont particulièrement intéressantes : les révolutions de couleur « spontanées » pourraient être le résultat d’opérations coordonnées. Selon ces experts, les militants révolutionnaires d’Europe de l’est mais également du monde arabe (en particulier ceux du Mouvement de la jeunesse du 6 avril qui a contribué au renversement d’Hosni Moubarak) et même d’Amérique du sud, ont participé à des séminaires axés sur la non-violence organisés en Serbie par CANVAS (Centre for applied nonviolent action and strategies). Fondé en 2001, ce centre n’est qu’une émanation du mouvement serbe OTPOR ! (résistance) qui a été un acteur majeur dans la chute de Slobodan Milosevic. Son rôle discret dans les révolutions arabes a soulevé nombre de questions.
Les experts du CF2R ont ainsi retracé les activités des « conseillers » qui ont contribué à la révolution orange en Ukraine. Ils mirent à jour des liens très étroits qui les unissaient avec l’organisation biélorusse Zubr (bison), créée en 2001 dans le but de renverser le régime du président Loukachenko. Bien évidemment, de telles activités nécessitent un financement substantiel. Srđa Popović, le directeur de CANVAS, affirme que l’association ne reçoit que des subventions privées. Les auteurs de l’étude brossent cependant un tout autre tableau. Selon des sources généralement bien informées, deux organisations étasuniennes contribueraient à son financement : l’IRI (International republican institute) et la Freedom house.
L’IRI est une organisation politique associée au Parti républicain. Fondée en 1983, elle travaille également avec d’autres think tanks néolibéraux. Sa source principale de financement est le gouvernement fédéral des États-Unis. Sa mission officielle est de « soutenir la croissance des libertés économiques et politiques, de la bonne gouvernance et des droits humains autour du monde par l’éducation des gens, des partis politiques et des gouvernements sur les valeurs et la pratique de la démocratie ». Dans les faits, l’IRI est directement impliquée dans le coup d’État de 2004 à Haïti tout en finançant des groupes d’opposition dans le pays. L’organisation aurait également tenu une place non négligeable dans la déstabilisation du Honduras en 2009. L’IRI n’est en réalité que le bras masqué de la CIA.
Freedom house a quant à elle été fondée en 1941. Cette organisation non gouvernementale aide officiellement au développement des libertés dans le monde. Cette organisation se déclare indépendante bien qu’elle reçoive un financement du gouvernement des États-Unis par l’intermédiaire du National endowment for democracy, de l’USAID et du département d’État américain. Environ 75 % de ses ressources proviennent d’allocations fédérales étasuniennes. Freedom house a eu pour président jusqu’en 2005… James Woolsey, qui a été directeur de la CIA de 1993 à 1995. Rien d’étonnant à ce que la blogueuse égyptienne Israa Abdel Fattah, cofondatrice du mouvement du 6 avril, ait fait partie d’un groupe d’activistes invités par Freedom house, le tout financé par l’USAID (United States agency for international development).
La participation financière de l’IRI et de Freedom house, tout comme celle des forces spéciales qui utilisent le paravent d’associations soi-disant indépendantes, a contribué à développer des « activités révolutionnaires » non seulement en Égypte, mais aussi en Tunisie, en Libye, en Syrie et dans quantité d’autres pays du Proche-Orient. Dans ces conditions, difficile de ne pas voir là une action (voire une manipulation) étasunienne, même si elle n’est pas du seul fait de l’administration Obama.
Quand on connaît un peu mieux les activités et les moyens déployés par ces organisations et l’utilisation qui en est faite par les États-Unis, on a peine à croire que la déstabilisation du Proche-Orient, de l’Ukraine et demain d’ailleurs puisse connaître un jour un répit.
Capitaine Martin
http://www.resistance-politique.fr/article-les-revolutions-de-couleur-sont-elles-si-spontanees-que-a-122277275.html