Début janvier 2012, nous écrivions un texte intitulé "Afrique : la photographie que 2011 a renvoyée aux Africains". Il s’agissait de dresser un bilan critique de cette année-là, d’interpeller les Africains sur les défis posés à notre continent et d’indiquer quelques pistes de solutions, bien sûr, en étant très lucide.
Janvier 2014 pointe le bout de son nez. La situation, d’une manière générale, sur le continent que nous habitons – sans le maîtriser, sans le posséder effectivement – n’est pas en passe de s’améliorer. Bien au contraire, tous les indicateurs signalent - et nous l’avons toujours dit – que l’avenir s’annonce plus que redoutable. L’Afrique – à l’insu des Africains eux-mêmes – est le continent central. Elle est non seulement cartographiquement, géographiquement au coeur du monde, mais surtout au centre de grands enjeux économiques. Son contrôle est l’une des questions géopolitiques les plus importantes de tous les temps, et plus précisément depuis la fin du 14ème siècle. Il faut dire que l’Afrique est le continent-réservoir par excellence pour le bonheur d’autres peuples. Elle a été conduite à fournir gratuitement tout : des bras aux minéraux de toutes sortes aux autres civilisations qui ont réussi à la subjuguer et la vaincre par tous les moyens possibles sur tous les plans. Solidement attachée à la remorque du monde d’où elle a été expulsée, l’Afrique a ses veines ouvertes et son sang, son énergie alimente le développement des autres. Elle les nourrit, les habille, les finance, et les blanchit. Parmi les instruments les plus puissants servant à immobiliser l’Afrique dans ce rôle de fournisseur de services gratuits, il faut citer la guerre, l’école et la religion. Malheureusement, et pour le grand bonheur des autres peuples, la conscience en Afrique est nettement en retard sur les évènements et surtout sur les institutions précitées.
Lorsqu’une masse humaine ne questionne pas ou pas suffisamment les institutions qu’elle trouve dans sa société, elle les subit. Les Africains ne questionnent que trop peu le cadre africain et ses institutions qu’ils trouvent lorsqu’ils viennent dans ce bas monde. Ainsi, demeurons-nous, de la naissance à la mort, des naïfs et surtout des promoteurs zélés des instruments construits de l’extérieur et imposés sur le sol africain comme le fruit d’une réflexion et d’un consensus endogènes.
A l’heure où nous parlons, rares sont les gouvernements du monde qui n’ont pas une "politique africaine" bien construite et parfois avec la participation active des Africains qui, à la différence du projet colonial initial conçu exclusivement par les Européens, sont associés en tant qu’une "élite indigène qui collabore à l’exploitation et à la mise en valeur de l’Afrique". Ces politiques africaines présentent le continent comme le continent de l’avenir. Mais l’avenir de qui ? Ce serait une grossière erreur d’appréciation si les Africains pensent qu’on parle dans ces politiques africaines de leur avenir. Le sénat français sous les auspices de Jean-Marie Bockel a rendu public en octobre dernier un rapport dont le titre à lui seul, il faut l’espérer, a le mérite d’ouvrir les yeux à ces Africains jusque-là insensibles aux réalités : "L’Afrique est notre avenir". Voilà la réponse à notre question. L’Afrique est l’avenir des autres. Et, ils le disent clairement.
Que d’autres, depuis leur pays, puissent dire et écrire qu’un autre continent est leur avenir, voilà un cri de guerre ! Ces mots seront repris dans un autre cadre quelques semaines plus tard : le Rapport Hubert Védrine, remis à François Hollande. Pour rédiger les deux documents, des Africains appelés Experts ont été sollicités. Il s’agit là de faire croire qu’on s’intéresse au sort du peuple noir. Le piège est gros.
Reste aux Africains d’écouter le message, de le comprendre et d’y répondre en s’organisant autour d’une nouvelle génération lucide, courageux et apte à conduire l’entreprise de démolition de l’ordre colonial sans cesse renouvellé, maquillé et imposé en Afrique. Ainsi, pour une fois, les Africains montreraient qu’ils veulent reprendre effectivement la propriété de leur continent, remettre la main sur toutes ses ressources pour les réorienter vers la satisfaction de leurs propres besoins avant tout.
Komla KPOGLI
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