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Elue présidente du Chili avec 23,79% de l’électorat

Cette information n’a pas fait la UNE de nos journaux ni des bulletins de nouvelles de nos réseaux nationaux et internationaux d’information. Ces derniers nous ont plutôt parlé d’une victoire éclatante de Michelle Bachelet, saluée avec enthousiasme par les principaux chefs d’État d’Amérique et d’Europe.

La version officielle d’AFP a été reprise par l’ensemble de nos médias :

« La socialiste Michelle Bachelet a largement remporté dimanche l’élection présidentielle au Chili devant la conservatrice Evelyn Matthei. »

Il est frappant qu’ils insistent pour la présenter comme « socialiste » et préciser qu’elle est « largement victorieuse ». On vante ses vertus et son charisme et surtout l’amour indéfectible du peuple chilien à son endroit.

« Grande favorite, Michelle Bachelet, 62 ans, médecin de formation et première femme élue à la tête d’un pays sud-américain en 2006, ont confirmé les pronostics qui lui promettaient une victoire très confortable. »

Il est intéressant de noter que son socialisme ne la rend pas suspecte ni dangereuse pour l’avenir du régime en place. Elle n’est ni un Chavez, ni un Correa, ni un Evo Morales. Tout au contraire, son socialisme est comme quelque chose de rassurant et, à n’en pas douter, ce qui en fait une présidente si aimée par son peuple, Washington et ses alliés.

Que faut-il donc penser de ce socialisme dont s’étiquette Michelle Bachelet ? Est-il de même nature que celui dont se drape François Hollande, président de France ? Nous savons que le socialisme de ce dernier fait la joie de Washington et d’Israël. Par contre, les Français, si on se fie aux derniers sondages, ne semblent pas trop s’en accommoder avec 74 % d’insatisfaits.

Je pense que le socialisme de Michelle Bachelet s’inspire plutôt de cel’ui de Ricardo Lagos, président socialiste du Chili, de 2000 à 2006. C’est ce dernier qui l‘initia aux fonctions ministérielles et qui en fut, pour ainsi dire, son mentor.

Je tire cette conclusion de deux faits qui illustrent le type de socialisme dont s’enveloppe Ricardo Lagos. Le premier se réfère à ses six années de présidence durant lesquelles il a maintenu, pour l’essentiel, les mêmes politiques néolibérales du dictateur Pinochet. Il n’y a eu aucune initiative de nature à modifier le régime hérité de Pinochet. Le deuxième fait vient des sympathies de Ricardo Lagos pour le Forum 2000, créé à la fin des années 1990 pour lutter contre le communisme et promouvoir la démocratie telle qu’incarnée en Amérique et en Europe par les gouvernements néolibéraux. Une initiative prise en l’honneur de Václav Havel, farouche adversaire du communisme de l’époque et promoteur de la démocratie néolibérale. Lors du Forum 2000, tenu à Prague en octobre 2007, Ricardo Lagos figure sur la liste des membres participants. D’ailleurs, les participants qui figurent sur cette liste donnent une idée des orientations de ce Forum.

Je vous invite à consulter cette liste ici. Vous y noterez, entre autres, la présence de Madeleine Albright, Secrétaire d’État des É.-U. et de Paul Wolfowitz, président de la Banque des États-Unis.

Comme anecdote, je me permets de rappeler qu’à cette occasion, il y eut une rencontre secrète d’un comité restreint, formé, entre autres, par les deux personnages plus haut cités ainsi que par Michaël Jean, alors Gouverneure générale du Canada et de deux représentants de l’opposition vénézuélienne.
Le but recherché de cette rencontre n’était rien de moins que la coordination du sabotage planifié du référendum qu’Hugo Chavez avait convoqué pour le 2 décembre 2007. Il s’agissait, entre autres, d’éliminer la clause limitant à deux mandats l’élection d’un même candidat à la présidentielle. Pour des promoteurs de la démocratie, ce n’était pas ce qu’il y avait de mieux à faire.

Pour revenir au point central de notre réflexion, je pense que cette influence de Ricardo Lagos sur Michelle Bachelet peut se mesurer à la lumière de son premier mandat à la présidence du Chili. Tout comme Lagos, elle s’en est tenue à des politiques néolibérales et elle a pris bien garde d’innover dans le sens d’un authentique socialisme comme le firent Chavez, Morales, Correa.

Il faut bien se rappeler que dans son premier mandat, elle n’a jamais été une alliée convaincue d’Hugo Chavez. Je me souviens, qu’à cette époque, la presse nationale chilienne était ouvertement anti-Chavez et le canal telesurtv.net du Venezuela n’était pas accessible depuis le Chili. Il y avait un mur du silence et une désinformation qui n’avaient pas leurs contreparties. Pourtant le Chili vivait sous le régime d’une Présidente qui se disait socialiste.

À ceci s’ajoute cet autre fait. En tant que présidente pro temporelle d’UNASUR, elle avait reçu, en mars 2009, le vice-président des États-Unis en compagnie de quelques membres d’UNASUR, sans y inviter certains autres qui auraient souhaité y participer. Ainsi, Hugo Chavez, Evo Morales et Rafael Correa, fer de lance du socialisme du XXIe siècle et membres importants d’UNASUR, n’eurent pas cette opportunité de participer à cette rencontre.

Que dire maintenant du comportement qu’elle eut, en tant que présidente du XVIIe Sommet ibéro-américain, réalisé au Chili en novembre 2007, lorsque le roi Juan Carlos d’Espagne interrompit Chavez en lui disant de se la fermer. Michelle Bachelet, en tant que présidente de cette rencontre qui réunissait 22 représentants de pays de l’Amérique latine, se garda bien de le rappeler à l’ordre le roi d’Espagne en lui rappelant que les les pays de l’Amérique latine ne sont plus des colonies d’Espagne et qu’ils doivent être respectés ainsi que leurs présidents. Il n’en fut rien.

Il faut lire le commentaire qu’en a fait Salim Lamrani sur le Réseau Voltaire.

Cette amitié qu’elle déclare pour Hugo Chavez s’est faite bien discrète lors de son décès. À ce que je sache, elle maintint un mutisme complet. Pourtant, n’avaient-ils pas collaboré pendant quatre ans à l’intégration de l’Amérique du sud et là la promotion d’une société plus juste et plus indépendante ? Mes recherches sur google n’ont donné aucun signe de sa part au moment du décès d’Hugo Chavez.

C’est cette même Michelle Bachelet, avec en plus quelques années passées dans les milieux politiques de New York et de Washington, qui est revenue au Chili pour y être élue présidente. Sa candidature avait été annoncée longtemps à l’avance par les médias internationaux. Elle était devenue la candidate incontournable, aimée de son peuple et bien soutenue par Washington et ses nombreux conseillers.

D’ailleurs, elle put compter sur la présence de personnalités hautement qualifiées pour la conseiller dans l’élaboration de son programme électorale. Dans un article ( en espagnol) fort intéressant que m’avait refilé mon ami Serge Charbonneau, Ernesto Camona, nous présentent les personnes qui formèrent son commando de campagne électorale. Ils ont tous en commun une adhésion ferme au dogme de l’idéologie néo-libérale.

Pas surprenant, qu’à peine connus les résultats de son élection, qu’elle donne une conférence de presse pour parler, cette fois, de ses priorités internationales. Ce thème n’avait été qu’effleuré lors de la campagne électorale. Elle le remet tout d’un coup à la première place de ses préoccupations. Elle aura attendu les résultats confirmant sa victoire pour s’ouvrir sur ce sujet, dont celui auquel elle va accorder une importance de premier plan, à savoir Alliance du Pacifique. Nous savons que cette Alliance du Pacifique est soutenue et encouragée par Washington pour contrer l’ALBA, cette autre alliance, créée comme alternative au Traité de libre-échange des Amériques, qui fut rejeté par les pays de l’Amérique latine, en 2005, lors du Sommet des Amériques à Mar de Plata, Argentine.

Il n’y a pas de doute dans mon esprit que Michelle Bachelet, la nouvelle présidente du Chili avec 23,79 % de l’électorat chilien saura représenter les intérêts du néo-libéralisme et qu’elle aura ses entrées assurées à la Maison Blanche. Elle les avait déjà avec Bush et Obama lors de son premier mandat. Une alliée inconditionnelle de Washington pour contrer les politiques des pays émergents de l’Amérique latine et contrer la montée des pays de l’ALBA.

Si le club des pays qui font du néolibéralisme le fondement de leurs politiques se réjouit autant de l’arrivée au pouvoir de la « socialiste » Michelle Bachelet, c’est qu’il y a anguille sous roche. La variété des partis politiques intégrant la Nouvelle concertation lui sera d’un secours précieux pour justifier qu’elle ne peut donner suite à telle ou telle promesse, les dissensions au sein de la Concertation ne lui permettant pas d’aller plus loin. Il suffit de voir l’éventail idéologique de cette nouvelle majorité de centre-gauche, composée du Parti Démocrate Chrétien (PDC), du Parti Pour la Démocratie (PPD), du Parti Socialiste (PS), du Parti Radical Social Démocrate (PRSD), du Parti Communiste du Chili (PCCh), du Mouvement vers le Socialisme (MAS) et de la Gauche Citoyenne (IC).

Avec ces 23,79 % de l’électorat chilien qui ont voté pour elle, ce système démocratique, tel que l’aime Washington, lui permettra de diriger le pays avec toute l’autorité de la charge. Les 76,21 % qui n’ont pas voté pour elle devront accepter qu’elle dispose de l’autorité voulue pour parler et agir en leur nom. N’a-t-elle pas été élue avec une forte majorité ? Un peu plus, c’eut été, selon certains commentateurs, un véritable plébiscite.

Deux dossiers importants donneront l’heure juste de ses véritables orientations politiques : la mise en place d’une constituante pour une véritable constitution du peuple pour le peuple et le financement universel de l’éducation pour tous et pour toutes. Deux promesses incontournables de sa campagne électorale. Encore là, les diverses composantes de la Nouvelle concertation n’arriveront pas à s’entendre et le tout se ramènera à quelques modification cosmétiques. Il en sera de même pour l’Éducation où les conditions économiques ne peuvent permettent d’y donner suite , si ce n’est que par étape...

Je souhaiterais me tromper sur toute la ligne, mais....

Oscar Fortin, Québec, le 23 décembre 2013

»» http://humanisme.blogspot.ca/2013/12/elue-presidente-du-chili-avec-2379-de.html
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La télécratie contre la démocratie, de Bernard Stiegler.
Bernard GENSANE
Bernard Stiegler est un penseur original (voir son parcours personnel atypique). Ses opinions politiques personnelles sont parfois un peu déroutantes, comme lorsqu’il montre sa sympathie pour Christian Blanc, un personnage qui, quels qu’aient été ses ralliements successifs, s’est toujours fort bien accommodé du système dénoncé par lui. J’ajoute qu’il y a un grand absent dans ce livre : le capitalisme financier. Cet ouvrage a pour but de montrer comment et pourquoi la relation politique (…)
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