Pierre Bénouville était-il le chef de la Cagoule ?
C’est lui qui le revendiquera devant la journaliste Laure Adler, en 2002, peu de temps avant sa mort, tout en rappelant son rôle dès les émeutes du 6 février 1934 :
"Moi, j’étais pour que le coup d’Etat réussisse, je n’étais pas le seul, mais de cet échec de l’Action Française est venue une autre révolte plus profonde, et qui a été la Cagoule."
Il est de notoriété publique que c’est Pierre Bénouville qui a donné l’ordre à René Hardy d’aller à la réunion de Caluire alors qu’il n’y était pas invité, à un René Hardy dont il savait pertinemment – pour l’avoir vu, de ses yeux vu – qu’il venait d’être arrêté, puis libéré par Klaus Barbie, dans des conditions plus que douteuses et sans avoir été torturé le moins du monde.
Or, en 2002, il y avait déjà cinquante-six que Pierre Bénouville avait décrit - dans "Le Sacrifice du matin" (Laffont, 1946) - certains paradoxes de sa vie de "résistant", et notamment lors de ce voyage vers la Suisse :
"Je m’étais muni, avant de quitter Lyon, d’un excellent passe-partout officiel délivré par la Maison du Maréchal et dont la belle présentation tricolore était d’un effet magique sur les policiers, qui croyaient, en la voyant, avoir affaire à un de ces fameux "Commissaires du Pouvoir" qui parcouraient la France en enquêtant. Les Allemands qui gardaient la sortie de la gare se mirent au garde-à-vous pendant que je passais devant eux."
Voici la suite de ce qu’aura été pour lui le printemps de 1943, telle qu’il la rapporte en 2002 :
"J’avais loué un appartement à Genève, qui s’est transformé en bureau central. Sont venus y travailler toutes sortes de gens. Tout ce qui comptait, qui touchait à la Suisse, passait par là. Y compris l’envoyé particulier de François Mitterrand, Bettencourt, qui ne savait pas que cela aboutissait à moi."
Mais qui était derrière Bénouville ? Pourquoi ses fréquents voyages et ce bureau en Suisse où venait le rejoindre André Bettencourt, futur époux de Liliane, mais déjà envoyé spécial de François Mitterrand ?
Voici ce que Bénouville lui-même en écrivait, dès 1946, dans "Le Sacrifice du matin" :
"À chaque voyage, je rapportais le plus d’argent possible. Je me souviens d’un jour où je quittai la Suisse, emportant, distribués dans mes différentes poches de veston, quatre ou cinq millions en billets de cinq mille francs."
D’où Bénouville tenait-il cet argent ? Des Américains de l’OSS – l’ancêtre de la CIA -, et tout particulièrement de son ami, Allen Dulles… Ce sont donc les services secrets américains qui, à travers Pierre Bénouville, ont eu la peau de Jean Moulin. Et d’une !