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Entretien avec le docteur Haidar Eid

"La lutte palestinienne n’est pas une lutte d’indépendance, mais de libération" (Mondoweiss)

Le dr. Haidar Eid est professeur agrégé en Littérature anglaise à l’Université Al-Aqsa, à Gaza (Palestine occupée).

Il milite pour la société d’un seul État et est membre de la Campagne palestinienne pour le boycott académique et culturel d’Israël (PACBI).

Il est interviewé par David Letwin, membre du mouvement des Juifs pour le droit au retour palestinien.

David Letwin : Beaucoup de militants solidaires de la Palestine dans ce pays concentrent leurs efforts sur l’opposition à l’occupation de 1967 et plus récemment au siège de Gaza par Israël. Mais vous et d’autres Palestiniens argumentez que le droit au retour des réfugiés palestiniens est au cœur de la lutte pour la justice. Pourquoi ?

Haidar Eid : La dépossession et l’oppression des Palestiniens n’ont pas commencé en 1967. Elles remontent à 1948, lorsque plus de 750.000 Palestiniens ont été ethniquement nettoyés des villages et villes de Palestine, et déportés vers des pays voisins : Jordanie, Liban, Syrie, Gaza et Cisjordanie, pour faire place à un "État juif" d’apartheid.

Puis, en 1967, Israël a occupé la Bande de Gaza, la Cisjordanie et l’est de Jérusalem, ce qui représente les 22 pour cent restants de la Palestine historique.
En conséquence de ce nettoyage ethnique systématique et permanent, les deux-tiers de la population palestinienne sont des réfugiés dont le droit au retour dans leur patrie d’origine est entériné par la résolution 194 des Nations Unies. C’est la racine de la question palestinienne.

Les soutiens qui ne font remonter la cause qu’à 1967 ignorent la source du problème, et renvoient à la gauche sioniste en Israël, qui veut une séparation entre les Palestiniens et les juifs israéliens.

Ce droit au retour central peut-il se réaliser s’il y a un État juif quelque part en Palestine historique ?

Non, c’est impossible. Le sionisme, par nature, est une idéologie d’exclusion qui n’accepte pas "l’autre". Et "l’autre", dans l’idéologie sioniste, c’est le Palestinien - l’arabe sur la terre historique de Palestine. Aussi un État juif implique le déni des droits des non-juifs. Je viens d’une famille de réfugiés, mais parce que je ne suis pas né d’une mère juive, je n’ai pas droit à la citoyenneté dans l’État d’Israël ; je n’ai pas droit à mon droit au retour.

Comment cela s’inscrit-il dans votre analyse des deux-États par rapport à la solution d’un seul État ?

La solution de deux États est une solution raciste qui appelle à un "État juif pur" et à un "État palestinien pur", les deux basés sur des identités ethno-religieuses. Elle ne prend pas en compte les droits des deux-tiers du peuple palestinien. Pas plus qu’elle ne prend en considération les droits nationaux et culturels de 1,2 million de citoyens palestiniens d’Israël, qui vivent comme des citoyens de deuxième -sinon de troisième- zone de l’État. C’est extrêmement important.

En outre, la lutte palestinienne n’est pas une lutte d’indépendance, c’est une lutte de libération. La libération est très différente de l’indépendance, parce que notre droit à l’auto-détermination doit conduire au droit au retour et à une pleine égalité de tous les habitants de l’État de Palestine.

La solution de deux-États est un dogme raciste qui ne peut pas garantir tous les droits exigés par l’appel BDS de 2005, autour duquel nous avons un consensus palestinien : retrait des troupes israéliennes de toutes les terres arabes occupées en 1967 ; mise en œuvre de la résolution 194 des Nations-Unies, qui reconnaît le droit au retour de tous les réfugiés palestiniens et leurs descendants ; et la fin de la politique israélienne d’apartheid contre les citoyens palestiniens de l’État d’Israël. Je suis désolé que des activistes de la solidarité soient tombés dans le piège du soutien à cette soi-disant solution. Des supporters des États-Unis d’Amérique accepteraient-ils un État qui discrimine officiellement les Afro-Américains ? Les supporters sud-africains ont-ils accepté la "solution bantoustan" ? Non, bien sûr. Alors pourquoi l’accepter pour les Palestiniens ?

Et la solution d’un-État ?

Le solution d’un-État est la seule qui permette d’obtenir les droits palestiniens revendiqués par le mouvement BDS. De plus, c’est un compromis très généreux de la part des colonisés opprimés aux colonialistes, qui leur offrent la citoyenneté dans un État avec une pleine égalité, exactement comme ce qui s’est passé en Afrique du Sud, où la population indigène a offert aux colons blancs le même compromis généreux.

Nous sommes au 21ème siècle, après tout ! Nous offrons une solution humaine, inclusive, qui n’est pas fondée sur l’identité ethno-religieuse : un État laïque pour TOUS les citoyens, sans distinction de religion, origine ethnique, sexe, etc.

Si vous êtes réellement un supporter de la Palestine, vous êtes censé soutenir notre droit à l’auto-détermination, ce qui conduit finalement à un État démocratique laïque sur toute la Palestine historique. Sinon, vous soutenez une solution raciste ! Je ne pense pas qu’un soutien véritable à la Palestine exclut le droit au retour. Si c’est le cas, alors où sont supposés revenir les réfugiés palestiniens ? Dans un État d’apartheid qui se définit lui-même en terme ethno-religieux ? Un État qui n’est pas leur État puisque c’est l’État des juifs seulement ?!

Dans un entretien de 2009, le dirigeant BDS Omar Barghouti a dit, "Je suis complètement contre le bi-nationalisme. Un État laïque, démocratique, oui, mais pas bi-national. Il y a une grande différence." Êtes-vous d’accord ? Et quelle est la différence, à votre avis ?

Oui, je suis entièrement d’accord. Un État bi-national, par définition, est un État composé de deux nations. Ces deux nations ont droit à la terre d’un point de vue historique. Mais les juifs ne constituent pas une nation. Les juifs israéliens constituent une communauté coloniale de peuplement, comme les blancs d’Afrique du Sud ou les Français en Algérie. Les colons n’ont pas droit à l’auto-détermination. Par contre, les musulmans, les chrétiens et les juifs qui constituent le peuple indigène de Palestine ont tous droit à l’auto-détermination et ils constituent une nation.

En fait, le bi-nationalisme est une solution sioniste puisqu’il considère TOUS les juifs comme une nation qui a droit à la terre.

Que dites-vous aux gens qui disent, "Ok, je suis d’accord avec vous. Mais soyons honnêtes. Deux-États est la seule solution réaliste, et si vous voulez vraiment aider les Palestiniens, vous devriez vous concentrer sur la fin du problème immédiat de l’occupation et soutenir la solution de deux-États" ?

Je dirais que la solution d’un-État est plus pratique/réaliste que la solution de deux-États. L’Afrique du Sud a prouvé que la démocratie civique pour tous les habitants d’Afrique du Sud était la voie à suivre ; la terre d’Afrique du Sud, selon la Charte de la Liberté, appartient à TOUS ceux qui y vivent. C’est une leçon que nous devons apprendre de l’histoire.

Israël a tué la solution de deux-États en créant de nouveaux faits accomplis : en annexant Jérusalem, en voulant un "Grand Jérusalem", en augmentant le nombre de colons et en étendant les colonies illégales (toutes les colonies sont illégales). En 1993, lorsque les Accords d’Oslo ont été signés, l’illusion de paix a prévalu malheureusement. Les gens ont cru qu’il était possible d’avoir deux États : un État palestinien sur 22 pour cent de la Palestine historique.

Cette année-là, en 1993, le nombre de colons juifs dans la Bande de Gaza et en Cisjordanie , l’est de Jérusalem compris, était de 193.000. 20 ans après, le nombre de colons en Cisjordanie est de 600.000. Les colonies israéliennes -ou plutôt les colonies exclusivement juives puisque les Palestiniens ne sont pas autorisés à y habiter- sont devenues des villes et des cités. Ce qui signifie qu’Israël n’est pas du tout en train d’envisager de quitter la Cisjordanie . Et pendant ces 20 ans, Israël a érigé un mur d’apartheid monstrueux qui sépare les Palestiniens des Israéliens, et les Palestiniens des Palestiniens.

Israël a également transformé la Bande de Gaza en un camp de concentration (ces deux mots peuvent déranger certains qui prétendent avoir le monopole du statut de victime), une prison à ciel ouvert. Il n’y a aucune communication entre la Bande de Gaza et la Cisjordanie . La question toute entière est pour moi personnelle ; elle est personnelle pour tous les Palestiniens. Par exemple, ma sœur vit à Bethléem, à une heure de route de Gaza. Mais cela fait 15 ans que je n’ai pas pu la voir. Quand nos deux parents sont morts en 2005, elle n’a pas pu venir à leurs funérailles. Cette expérience personnelle vous en dit long sur l’impossibilité d’avoir deux États.

Donc, juste pour clarifier, ce n’est pas parce que la solution de deux États a "échoué" que vous soutenez la solution à un État ; vous la soutenez parce qu’elle est la seule solution juste, c’est exact ?

Absolument. Même si vous mettez en œuvre la solution de deux États -qui est une impossibilité- elle ne satisfait pas le droit à l’autodétermination, qui est le droit au retour, à l’égalité et à la liberté. La solution de deux États ne remplit pas cela.

Lors du Forum de Gauche de 2013, à New-York, Steven Shalom a argumenté que même injuste, la "solution de deux États" ouvre néanmoins la voie à un État démocratique et qu’elle doit être soutenue sur cette base. Êtes-vous d’accord ?

Non, pas du tout ! Pense-t-il aussi que le mouvement anti-apartheid aurait dû accepter la solution bantoustan fondée sur la même logique ? J’ai déjà précisé dans mes réponses précédentes et mes articles pourquoi c’est une erreur. Une solution raciste ne peut pas mener à une solution juste.

L’archevêque Desmund Tutu a dit que “[ils] voulaient la totalité des droits.” Pourquoi attend-on que nous nous contentions de moins que cela ? Je n’arrive pas à comprendre.

Est-il présomptueux pour les juifs et les autres non-Palestiniens d’adhérer à l’appel pour un État démocratique ?

Je crois fermement que tous les soutiens solidaires doivent répondre à l’appel des Palestiniens opprimés pour un-État. Leur soutien doit être basé sur les principes des droits de l’homme et de la démocratie, comme exprimés dans la Déclaration universelle des Droits de l’Homme. La solution de deux-États souscrit-elle à cette déclaration ? Non. Alors la logique et les principes exigent qu’ils soutiennent l’appel à la solution qui le fait, la solution qui appelle à une démocratie civique et à l’égalité dans toute la Palestine historique.

Après tout, les activistes n’ont pas considéré comme présomptueux de soutenir un État unique démocratique en Afrique du Sud, si ? Et lorsque le "président" du Transkei a demandé à la communauté internationale de soutenir et de reconnaître sa "patrie indépendante" -sa version de la "solution de Deux-États", les militants anti-apartheid internationaux ne l’ont pas suivi !

Et, de fait, la plupart des militants anti-apartheid sud-africains qui ont visité la Palestine soutiennent maintenant la solution d’Un-État. Certains de mes amis et camarades sud-africains le disent très clairement : "La solution d’Un-État est la seule solution, parce que nous ne pouvons pas soutenir une solution raciste." C’est la raison pour laquelle la ligne officielle sud-africaine de soutien à la solution de deux-États n’est pas très populaire parmi les soutiens sud-africains solidaires avec la Palestine -sans même parler des membres du gouvernement ! Ils s’y connaissent en matière de racisme ! La solution de cinq-États en Afrique du Sud était née de l’imagination des architectes de l’apartheid : l’Afrique du Sud blanche sur 88 pour cent des terres, et 4 "patries indépendantes"/bantoustans pour les indigènes ! En fait, le projet originel était d’avoir 11 bantoustans, s’ils n’avaient pas assez avec 4 !

Le mouvement de solidarité a apporté son soutien à l’appel pour une démocratie civique et un État laïque démocratique en Afrique du Sud, parce que c’était la seule solution. Il ne pouvait y avoir aucun compromis, aucune négociation avec l’apartheid. La même chose doit s’appliquer au mouvement de solidarité avec la Palestine. Pourquoi est-ce si difficile à comprendre ?!

Dans un entretien récent, Noam Chomsky a dit que la solution d’un-État était une "illusion" parce qu’elle n’avait "aucun soutien international". Que lui répondez-vous ?

A-t-il également ajouté que la solution de deux-États est devenue une façade, un fantasme dans la tête de ceux qui croient aux fantasmes ? N’a-t-il pas également écrit dans son dernier article sur Mondoweiss qu’Israël et les États-Unis avaient tué la solution de deux-États ?

Personnellement, cela me brise le cœur de voir qu’un penseur aussi intelligent que Chomsky se fourvoie et décide d’adopter la position sioniste-douce ! Avec des gens comme Chomsky et Finkelstein, on a tendance à être d’accord sur tout sauf sur la Palestine. C’est pourquoi, à juste titre, certains militants BDS et partisans de la solution d’un-État aux États-Unis les appellent les PEP (progressistes sauf sur la Palestine !)

Il existe un soutien international écrasant pour notre droit à l’auto-détermination, et ceci comprend notre droit au retour et à l’égalité. Comment la solution de deux-États va-t-elle gérer ces deux droits internationalement reconnus ? Chomsky ne fournit pas de réponse, à moins qu’il pense que nous n’avons pas droit à nos droits au retour et à l’égalité ! Il est assez fin pour savoir que la solution de deux-États est une solution raciste. Ne l’a-t-il pas pensé pour les bantoustans d’Afrique du Sud ?!

Vous avez dit récemment "À un moment donné, on demandera au mouvement BDS de prendre position" en faveur d’un seul État démocratique. Pourquoi la campagne BDS a-t-elle été réticente à prendre position jusqu’à maintenant, et devrait-elle le faire maintenant ?

Chaque militant sait très bien maintenant que le mouvement BDS se fonde sur les droits, des droits qui sont garantis à TOUS les êtres humains quels que soient leur origine ethnique, leur sexe, leur nationalité, leur religion, etc. BDS s’ancre dans la Déclaration universelle des Droits de l’Homme. C’est pourquoi la plupart, sinon tous les activistes BDS sont des défenseurs intransigeants des droits de l’homme.

Je suis néanmoins conscient des tensions qui ont découlé du manque de programme politique du Comité national sur le Boycott et de sa focalisation sur une approche basée sur les droits. Cette question mérite certainement d’être discutée au sein du secrétariat du BNC.

Mais il nous faut également prendre en considération que le BNC est une coalition, avec tous les compromis que les coalitions doivent faire pour pouvoir travailler ensemble. C’est pourquoi le BNC est devenu le cadre de référence des mouvements internationaux de boycott. Je crois qu’on peut faire une bonne comparaison avec l’expérience sud-africaine, dans ce contexte, qui ne doit pas négliger le rôle du Front Démocratique Uni (FDU) qui a fonctionné avec une représentation du Parti du Congrès national, ainsi que d’autres partis politiques et organisations de la société civile exactement de la même manière que le BNC.
Le FDU a adopté deux de ce que les Sud-Africains ont appelé les "quatre piliers de la lutte", à savoir la mobilisation de masse et la campagne de boycott.
L’histoire est témoin que cette approche a énormément contribué à venir à bout de l’apartheid. A mon avis, le BNC a retenu cette leçon historique de l’Afrique du Sud. Mais il a fallu près de 30 ans pour que le communauté internationale reprenne l’appel lancé par le mouvement anti-apartheid, et l’appel palestinien BDS n’a été lancé qu’en 2005.

C’est pourquoi je pense que viendra le temps où on demandera à BDS de prendre parti vis-à-vis de la solution à un ou deux États. Et je crois fermement qu’il appuiera la seconde.

Comment l’appel pour un seul État laïque et démocratique en Palestine historique est-il lié aux autres luttes de libération de la région ?

Quand le Printemps arabe a démarré en Tunisie et en Égypte, Israël était extrêmement inquiet parce que la lutte dans le monde arabe est une lutte pour les droits de l’homme et la démocratie. Et la démocratie est l’antithèse du sionisme, exactement comme la démocratie en Afrique du Sud était l’antithèse de l’apartheid, et qu’elle a fini par mener à la fin de l’apartheid institutionnalisé là-bas en 1994 (je continue de penser que l’apartheid économique existe en Afrique du Sud, mais c’est une question que nous pouvons aborder dans un autre contexte).

En tant que projet sioniste, Israël sait très bien qu’une véritable démocratie dans le monde arabe se propagerait jusqu’à atteindre la Palestine. La communauté internationale et le Printemps Arabe attendraient d’Israël qu’il soit réellement démocratique. Ce qui signifie une personne, un vote. Et après le droit au retour, une personne-un vote aboutirait finalement à l’effondrement de l’entreprise sioniste en Palestine.

Ceci est, à mon avis, le lien entre la lutte palestinienne pour la liberté, l’auto-détermination et la libération, et la lutte pour la démocratie et les droits de l’homme dans le monde arabe.

Parlant du BDS, Norman Finkelsteint a récemment accusé la campagne BDS d’hypocrisie parce qu’elle en appelle au droit international lorsqu’il s’agit des droits palestiniens, mais qu’elle refuse de respecter les résolutions internationales, comme celle des Nations-Unies sur la partition en 1947 qui -selon lui- légitime l’existence de l’"État juif". Que répondez-vous ?

Je suis vraiment désolé d’entendre ça d’une personne intelligente comme Norman Finkelstein. En tant que soutiens solidaires aux États-Unis, vous avez des principes. Vous ne pouvez pas concilier une partition injuste et un apartheid avec les droits de l’homme et la démocratie.
Norman Finkelstein a-t-il oublié qu’Israël se définit comme un État des juifs exclusivement ? Attendez-vous de moi que je reconnaisse quelque chose comme cela, juste parce que les Nations Unies ont déclaré que ce serait ainsi ? Nous reconnaissons les lois et résolutions, comme la 194, qui sont justes et nous refusons celles, comme celle de la partition, qui sont injustes.
C’est de cette manière que toutes les luttes pour les droits de l’homme ont opéré. En quoi est-ce hypocrite ?

C’était comme ça dans la lutte contre l’apartheid sud-africain. Que ce fut Norman Finkelstein ou son mentor Noam Chomsky, tout le monde a soutenu l’appel des Sud-Africains. Nous avons tous dit ; "Que voulez-vous, vous les opprimés, les Sud-Africains colonisés ?" Ils ont dit, "Nous voulons la fin de l’apartheid." Et en ce moment, les Palestiniens disent, "Nous voulons la fin de l’apartheid israélien."

Et j’aurais compris qu’il soutienne la solution de deux-États basée sur la résolution des Nations Unies 181 prise en 1947 ; elle proposait la partition de la Palestine en un État arabe et un État juif comme LA solution ! C’est une solution très injuste et problématique en cela qu’elle offrait à la minorité juive (660.000 personnes sur 2 millions) la partie de terre la plus importante (56%).
Ces 56% offerts aux juifs incluaient un nombre égal de juifs et de Palestiniens. Et le fait que la plupart des sionistes, doux ou non, se sont battus pour une majorité juive en Palestine a conduit à la NAKBAH, c’est-à-dire un processus orchestré d’épuration ethnique.
Les partisans de deux-États, comme Finkelstein, disent qu’un État palestinien devrait être établi sur 44% de la Palestine, sur la base des résolutions de l’ONU !

Je dirais donc que l’hypocrite, c’est Norman Finkelstein, parce qu’il ne veut pas faire pour les Palestiniens ce que lui et tous les autres activistes ont fait pour les Sud Africains. Et de fait, il est sioniste et raciste lorsqu’il espère que nous Palestiniens allons écouter ce qu’il a à dire. Non, excusez-moi - c’est lui qui est supposé écouter ce que NOUS avons à dire.
À moins qu’il ait décidé d’ignorer le fait que l’appel BDS de 2005 a été signé par une majorité écrasante des forces de la société civile palestinienne, y compris les forces nationales et islamiques ! N’est-ce pas suffisant pour vous, si vous êtes un authentique supporter de la Palestine ?

Cela fait 20 ans que les Accords d’Oslo ont été signés. Quels effets ont ces accords, et le soi-disant "processus de paix" sur la lutte pour les droits palestiniens fondamentaux exigés par BDS : l’égalité, le droit au retour et la fin de l’occupation ?

Je résumerai en citant Edward Said en 1993 : les Accords d’Oslo sont une deuxième Nakba. Oslo a réduit le peuple palestinien à ceux qui ne vivent que dans la Bande de Gaza et en Cisjordanie , en excluant les réfugiés palestiniens et les citoyens palestiniens de l’État d’Israël.
Oslo n’a jamais fait allusion au droit au retour des Palestiniens dans leurs villages et villes d’où ils ont été ethniquement nettoyés en 1948, et n’a jamais fait allusion non plus à l’égalité dans les territoires de 1948. Oslo a essentiellement codifié et légitimé l’épuration ethnique -la Nakba- de 1948.

Oslo a aussi donné à la communauté internationale la fausse impression qu’il y a "deux parties égales" -les Palestiniens d’un côté, et les Israéliens de l’autre- engagés dans un "dialogue" pour résoudre leurs problèmes. Mais il n’y a pas deux partenaires égaux. Il n’y a pas de dialogue. Il y a un régime d’apartheid qui cherche à perpétuer son pouvoir d’un côté, et un peuple indigène qui lutte pour ses droits inaliénables de l’autre.

Plutôt que de reconnaître la nécessité de démanteler ce régime d’apartheid une fois pour toutes, Oslo a fétichisé les attributs de l’État, c’est-à-dire que si vous offrez aux Palestiniens un drapeau et un tapis rouge pour son président et un hymne national, vous avez résolu la question palestinienne une fois pour toutes !

Pour revenir à Norman Finkelstein : vous avez la lutte des Palestiniens colonisés contre les colons - grâce au mouvement BDS, grâce à la formation du BNC, grâce à la formation de la Campagne palestinienne pour le Boycott académique et culturel d’Israël (PACBI) et grâce à la revitalisation de l’idée d’un-État. Il y a des intellectuels et des militants comme Edward Said, Azmi Bishara, Ali Abunimah, Omar Barghouti, Ramzy Baroud, Joesph Masaad, Ilan Pappe et beaucoup d’autres qui ont décidé de dire adieu à la solution de deux-États, et de prôner la solution d’un-État.

En tant que soutiens solidaires, vous devez soutenir la démocratie et les droits de l’homme -les mêmes principes que vous avez soutenus dans les années 80 contre l’apartheid en Afrique du Sud. Vous n’avez pas perdu votre temps à discuter des modalités pratiques sur le fait d’avoir des bantoustans en Afrique du Sud. Joignez-vous à nous pour mettre la solution de deux-États sur une étagère dans un musée, parce qu’elle retarde notre libération, et apportez votre soutien à notre appel pour un-État.

Entretien d’Haidar Eid réalisé par David Letwin. Palestine- 4 décembre 2013.
Traduction : MR pour ISM

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Cet article fait partie de "Et après ? : Un forum sur la fin du paradigme de deux-États.".
Cette série a été lancée par"Voix juives pour la Paix" en tant qu’enquête sur l’état actuel de la réflexion sur les solutions d’un-État et de deux-États et la série a été élargie par Mondoweiss pour marquer 20 années depuis le processus d’Oslo. La série dans sa totalité peut être trouvée ici.

Source : Mondoweiss


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