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Samir Aïta : « Il est clair maintenant que les dossiers iranien et syrien sont liés »

Économiste et membre du Forum démocratique syrien, Samir Aïta fait le point sur l’opposition, l’attitude des puissances régionales et internationales.

Que faut-il entendre aujourd’hui par "opposition syrienne" ?

Samir Aïta : La question peut effectivement se poser. D’abord parce que, ce qu’on appelle 
la Coalition nationale syrienne, rencontre beaucoup de problèmes 
en son sein. Par ailleurs, au moment où cette Coalition accepte de se rendre à Genève, elle forme 
un gouvernement. Comme si elle représentait une autre légalité dans le pays et n’était plus une opposition dans les parties du pays dites libérées, mais un pouvoir.
Il existe également la Coordination nationale pour 
le changement démocratique. 
Elle a été affaiblie mais continue 
à avoir une certaine aura intérieure, dans la partie de cette société syrienne qui refuse et la Coalition nationale, 
et Bachar Al Assad.

Il y a d’autres groupes comme le Forum démocratique, auquel j’appartiens, qui s’est placé entre 
les deux. Enfin, il y a le Haut Comité kurde dont une partie a rejoint 
la coalition nationale quand une autre demeure avec la Coordination nationale pour le changement démocratique. L’environnement 
est donc devenu très complexe. 
Au point que Qadri Jamil, qui avait formé le parti Volonté du peuple 
et avait participé aux manifestations pacifiques en mars 2011, était devenu vice-premier ministre avant d’être limogé très récemment par Bachar Al Assad.
Qadri Jamil voulait participer aux négociations, en tant qu’opposant.

Qu’est-ce qui bloque aujourd’hui 
la tenue de la conférence dite 
de Genève 2 ?

Samir Aïta : Ces divisions de l’opposition résultent beaucoup des divisions parmi les pays qui les soutiennent. Même si on parle de la Coalition nationale syrienne comme d’une seule entité, certains pays comme l’Arabie saoudite et la France, favorables à une solution militaire, n’acceptent qu’à contrecœur d’aller à Genève 2. D’autres se sont prononcés pour une réunion préparatoire visant à unifier la délégation de l’opposition. 
Cela a été le cas de l’Espagne. 
Mais Paris et Ryad ont signifié à Madrid que cette conférence préparatoire ne se tiendrait pas.

Quand on voit l’attitude de la France, qui refuse une participation de l’Iran 
à la conférence de Genève 2 et qui, dans le même temps, empêche 
la conclusion d’un accord sur le dossier nucléaire, on peut se demander 
où est la solution ? Faut-il juste laisser faire les États-Unis et la Russie ?

Samir Aïta : Les acteurs régionaux et internationaux, hors Russes et Américains, ont un rôle très important. Ce sont eux qui bloquent le processus. Car en fait la guerre en Syrie est devenue une guerre par procuration pour ces pays-là 
et parfois avec des compétitions 
entre pays du même groupe. 
C’est ce que l’on observe par exemple au sein des Amis de la Syrie sur 
le dossier iranien. Il est clair maintenant que les dossiers iranien 
et syrien sont liés. L’accord sur 
les armes chimiques syriennes ouvre, il est vrai, la possibilité d’un accord sur le nucléaire iranien. 
Et donc certains pays font de 
la surenchère pour empêcher cette éventualité. D’autre part, on peut penser à l’inverse que les Iraniens veulent obtenir la reconnaissance 
de leurs intérêts en Syrie et donc 
une participation à Genève 2.

Le voyage de François Hollande en Israël et la poursuite du rapprochement avec Israël auront-ils des répercussions sur le dossier syrien ?

Samir Aïta : Il y a un rapprochement très poussé depuis longtemps entre 
la France et Israël, y compris 
au niveau militaire. Il n’est qu’à considérer la mollesse des autorités françaises en ce qui concerne les produits venant des colonies israéliennes, malgré les décisions européennes sur le sujet. En dehors de ça, la France a choisi comme alliés, dans ce jeu régional, Israël et l’Arabie saoudite. La confrontation de ces deux pays se fait directement avec l’Iran et la France s’aligne sur eux 
au lieu d’être un pays qui joue un rôle modéré. Il est très difficile de faire 
la paix en Syrie sans un accord entre l’Iran et l’Arabie saoudite. 
Or Israël n’en veut pas car cela ramènerait la focalisation de la région sur le conflit israélo-palestinien. 
Les Palestiniens font les frais du fait que le conflit majeur dans la région soit devenu un conflit sunnites-chiites ou saoudo-iranien.

Entretien réalisé par Pierre Barbancey, publié sur l’Humanité.fr le 19 Novembre 2013.

»» L’Humanité.fr
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