– Alors que vous receviez 1000 dollars par mois pour écrire les affaires civiles de (Nicolás) Zambrano, saviez-vous que vous étiez en train de violer la loi équatorienne ?
Guerra murmurait doucement : "Oui, monsieur".
– En recevant 1000 $ par mois pour écrire pour Zambrano des ordonnances dans l’affaire Chevron, vous saviez que vous violiez les lois de l’Equateur ?
– Oui, monsieur.
– Quand vous demandiez des pots de vin aux avocats de Chevron, vous saviez que vous violiez les lois de l’Equateur ?
– Oui, monsieur.
– Lorsque vous demandiez un pot de vin de 500 000 dollars en échange de la sentence écrite par les demandeurs eux-mêmes en leur faveur, vous compreniez que vous étiez en train de violer les lois équatoriennes ?
– Oui, monsieur.
– Lorsque vous avez modifié la sentence, que vous saviez avoir été écrite par les plaignants de Lago Agrio, saviez-vous que vous étiez en train de violer les lois équatoriennes ?
– Oui, monsieur
Ce dialogue, décrit par l’avocat américain Michael D. Goldhaber, de The Litigation Daily, a montré que Guerra lui-même admettait sa corruption et ses actions répréhensibles, et l’a fait tomber en disgrâce. A tel point que le juge Lewis Kaplan lui-même, qui mène l’affaire, et a la réputation d’être favorable aux multinationales, l’a regardé droit dans les yeux et lui a demandé :
– Avez-vous dit la vérité dans ce tribunal ?"
– Oui, monsieur, a-t-il répondu timidement.
– Comprenez-vous que vous pouvez être poursuivi pour parjure et passer quelque temps en prison ?
– Je le sais, monsieur.
Cela est arrivé lors de la prise de parole des avocats défenseurs des habitants de l’Amazonie, accusés devant un tribunal fédéral à New York d’être des criminels cherchant à extorquer de l’argent à Chevron. Les audiences ont lieu depuis le 15 octobre et sans jury.
L’ancien juge équatorien Alberto Guerra, qui profite aux États-Unis d’un programme privé de protection des témoins sans précédent, reçoit une rémunération de Chevron pour sa collaboration, fait interdit par la loi aux Etats-Unis.
"J’ai dit beaucoup de choses aux représentants de Chevron", a déclaré Guerra, "Et beaucoup d’entre elles sont exagérées parce que j’ai voulu améliorer ma position pour pouvoir négocier".
"Et voilà, encore", a déclaré le juge de district des États-Unis, Lewis Kaplan, juge qui au cours de son historique de litiges avec des multinationales, a toujours statué en faveur des empires.
L’avocat Julio Gomez, de Gomez LLC, autre défenseur des Equatoriens à New York, a à son tour fait face à l’ancien juge Guerra.
Gomez a rapidement souligné que Chevron paie Guerra 48 000 dollars pour son témoignage. Il a dit que la compagnie pétrolière devait être consciente du fait d’avoir accepté de déplacer sa famille aux États-Unis pour sa sécurité et d’avoir appuyé sa demande d’asile, de plus, elle le paie 12 000 dollars par mois avec des prestations généreuses pour les deux prochaines années au moins, dans le but de l’avoir à sa disposition pour témoigner.
Guerra a estimé avoir donné entre 10 et 20 fois dans sa carrière d’avocat des pots de vin, et a reçu entre 10 et 20 fois des pots de vin dans sa carrière en tant que juge, cela incluant un pot de vin d’à peine 200 dollars.
– Il ne faut pas beaucoup, n’est-ce pas ?, a demandé Gomez.
En comparaison, Guerra avait demandé à Chevron d’augmenter quelques zéros aux 18 000 $ que Chevron lui avait offert pour sa première série de preuves.
Initialement, Guerra avait soutenu avoir modifié la sentence à Quito sur son propre ordinateur, et non sur celui de Pablo Fajardo à Lago Agrio. Avant le procès, il a affirmé avoir reçu de Pablo Fajardo un aide-mémoire par courrier électronique (dans un cybercafé) et non pas en personne.
"Ce que Guerra voulait, était donner à son disque dur autant de valeur que possible au moment de l’offrir à Chevron", a analysé l’avocat Michael D. Goldhaber devant la Cour du district de New York.
Récemment, devant les demandeurs (Chevron) qui l’ont amené en tant que témoin, Guerra a dit qu’il avait demandé un pot de vin à la compagnie pétrolière pour se prononcer en sa faveur ; il a rapporté avoir ensuite demandé un pot de vin aux Amazoniens pour faire les choses correctement et que finalement la sentence de Lago Agrio, qui demande à Chevron de payer 19 milliards de dollars, a été rédigée sur l’ordinateur de l’avocat des Amazoniens, Pablo Fajardo. Il a témoigné, jeudi dernier, que son ancien collègue à la cour, le juge Nicolas Zambrano, tenait à présider le procès contre Chevron, cherchant à obtenir le maximum d’argent possible.