J’ai sangloté à l’annonce de la mort de Herman Wallace [1] le 4 octobre.
J’ai pleuré parce que cet homme de 71 ans venait juste d’être libéré sous caution du centre pénitentiaire Elayn Hunt de St. Gabriel, La., quand un juge fédéral a annulé sa condamnation et ordonné un nouveau procès.
J’ai pleuré aussi à cause de la conduite méprisable, mais hélas courante et sans surprise, d’un État contrôlé par les grandes entreprises.
J’ai pleuré aussi de voir jusqu’où l’État peut aller pour maintenir le statu quo et combien il craint et méprise des militants courageux comme Herman Wallace.
“Aucune preuve ADN ne le reliait au crime”
Herman Wallace a passé 43 ans dans les prisons de Louisiane — dont plus de 41 à l’isolement. Cet extrait du New York Times explique comment cette peine de prison, la plus longue de toute l’histoire des États-Unis, a été possible :
“En 1971, à 30 ans, M. Wallace a été déclaré coupable d’avoir participé à un hold up à main armée et envoyé à la prison d’Angola qui avait à l’époque la réputation d’être la "prison la plus dangereuse du Sud". Des prisonniers armés secondaient les gardiens de prison. La violence physique et sexuelle généralisée, la prostitution, l’esclavage sexuel régnaient dans la prison et les conditions sanitaires y étaient déplorables... M. Wallace, avec l’aide de son ami de toujours (Albert) Woodfox, a constitué un groupe de Black Panthers dans la prison et a voulu faire des réformes. Leur premier objectif était de réduire le nombre des viols. En 1972, un garde a été tué et M. Wallace et M. Woodfox ont été déclarés coupables du meurtre.”
Steven Hawkins, le directeur d’Amnesty International USA, donne des précisions importantes sur le contexte : “Un afro-Americain, (Wallace) a été condamné en 1974 pour le meurtre d’un gardien de prison, Brent Miller, par un jury intégralement constitué d’hommes blancs. Aucune preuve ADN ne le reliait au crime, ni même le couteau ou les empreintes digitales sanglantes retrouvés sur la scène du crime. Il a été révélé plus tard que le témoignage du principal témoin avait été obtenu par l’Etat en échange de divers avantages, dont sa grâce.”
On s’est mis peu à peu à désigner Wallace, Woodfox et un troisième prisonnier (lui aussi membre des Black Panthers) nommé Robert King sous le vocable "les 3 d’Angola". Après 29 ans passés à l’isolement, King a été libéré en 2001. Woodfox, quant à lui, est toujours à l’isolement assorti d’une fouille corporelle quotidienne à nu.
A la lumière de tous ces éléments, on pourrait penser que la Louisiane aurait peut-être manifesté un tout petit peu de remord. Eh bien pas vraiment. Tout de suite après qu’il ait été relâché, Wallace a été de nouveau inculpé par l’état.
Déchaînés !
En dehors de Herman Wallacen, Lynne Stewart, une autre personne ignoblement maltraitée par un État sous contrôle des grands groupes, mérite aussi mes larmes. Connue comme "l’avocate du peuple", Stewart a été ciblée précisément parce qu’elle œuvrait si efficacement pour la justice. Elle végète, elle aussi, en prison, bien qu’elle soit atteinte d’un cancer du sein en phase terminale.
Les élites - ceux qu’on appelle le 1% - haïssent ouvertement les personnes radicales et tentent de décourager les gens de faire le choix de la dissidence en persécutant de leur mieux les dissidents. Après tout, si l’État policier est capable de traiter de la sorte des personnalités comme Wallace et Stewart - ainsi que Mumia, Peltier, Manning et tant d’autres - quelles chances ont les militants ordinaires et sans le sou d’échapper à ce sort atroce ?
En d’autres termes, quelle personne sensée choisirait une vie de dissidence dans un pays aussi vindicatif et répressif que les États-Unis ?
Avant que vous ne hochiez la tête en approbation, je vous prie de réfléchir à l’alternative.
Herman Wallace a subi l’épreuve cruelle et hors du commun de l’isolement pendant des décennies, mais tous ceux d’entre nous qui font semblant de ne pas se rendre compte que les injustices abondent dans notre culture, s’enferment dans un autre genre d’isolement. Renoncer à notre devoir de soutenir et de défendre tous les terriens c’est nous condamner nous-mêmes à une vie inutile dans une cellule invisible. C’est préférer l’illusion de la sécurité à la quête de justice.
Wallace et Stewart ont tous les deux eu à se battre contre le cancer dans leur corps mais on peut être certain qu’ils n’ont jamais succombé à l’épidémie de cancer de la complaisance et de la complicité.
Au Pays de la Liberté [2], nous avons, tous autant que nous sommes, une laisse autour du cou. Mais il n’y a que ceux qui essaient de s’écarter des idées toutes faites qui se sentent retenus par la laisse. Herman Wallace a passé sa vie à tirer sur sa laisse. Il mérite notre admiration - comme beaucoup d’autres - non seulement pour avoir rendu la laisse plus visible mais aussi pour avoir brisé ses chaînes une fois pour toutes.
Choisir cette voie, vous vaudra sans aucun doute le qualificatif de "radical", mais comme l’a dit une fois une personne connue sous l’acronyme MLK : "Quand on a raison, on ne peut jamais être trop radical."
Herman Wallace : Presente !
#shifthappens
Mickey Z., Oct. 7, 2013
Mickey Z. a écrit 11 livres dont le dernier est le roman Darker Shade of Green. Tant que les lois n’auront pas changé et que le pouvoir est ce qu’il est, on peut le trouver sur une paire de sites obscurs comme Facebook et Twitter.
Traduction : Dominique Muselet