Le 29 avril 2004
Hier soir il y avait près de mille personnes dans la salle des fêtes de Rodez. C’ était le plus grand meeting de gauche qui ai jamais été tenu dans ce département.
Ouvert par notre jeune camarade Guillem Séryies, conseiller régional, qui s’impose localement comme le porte parole du non, la parole est passée à José Bové puis Jean-Claude Gayssot et à moi pour finir. L’homogénéisation des discours était frappante. En particulier, l’accord sur la Constituante comme perspective était extrêmement réconfortant.Cependant c’est sur l’ambiance en général que j’éprouve le besoin de dire quelques mots alors que j’achève la première partie de ma tournée de réunions..
Je relève en résumé ce que je retiens de mon passage à Rodez qui me parait emblématique sous une forme condensée de ce que j’ai vu ailleurs.
La ferveur de la mobilisation pour réussir l’évènement. Tous les villages (jusqu’au plus isolés) et villes ont été affichés par la centaine de membres que compte dorénavant PRS. Des co-voiturages ont été organisés ainsi que des convois auto bus et voitures. Des centaines d’euros (ça finit par faire des milliers..) ont été récoltés pour assurer les frais. Appuyé sur un réseau de deuxième cercle, au total, aucune force militante n’atteint cette dimension localement
La composition populaire des réseaux qui se sont mobilisés et de la foule dans la salle. Au contraire des salles socialistes traditionnelles (le oui de gauche a réuni 80 personnes) ce sont ici non seulement les ouvriers du bassin minier et de la vallée de la mécanique mais aussi les paysans qui ont fait la salle et les militants de la préparation de ce meeting. Les fonctionnaires, nombreux également ainsi que les employés appartiennent à l’élite cultivée de la gauche locale et non à la chair à voter qui fait les « majorités de militants » que nous connaissons dans tant d’endroits.
La mutation de PRS : de réseau militant interne au PS, PRS est devenu une organisation à part entière, (ses adhérents sont autant à adhérer au PS qu’à ne pas y être) avec ses présidents de circonscription législative, ses trésorier, responsable à l’organisation, webmestre et ainsi de suite. Une direction politique se réunit tous les quinze jours et formes ses plans d’action pour l’action et l’implantation. Évidemment le PS ne peut en aucun cas soutenir la comparaison ni en nombre de militants actifs, ni en cadres syndicaux fonctionnaires, ouvriers ou paysans. Réduit à la portion congrue des notables, ceux-ci ont multiplié les signes discrets « à titre personnel » auprès de moi avant mon arrivée. Pendant ce temps sur place l’énergumène de Premier secrétaire fédéral retire leur délégation à ses adjoints qui ont voté « non » ?..Comme l’a dit Hollande « il ne perd rien pour attendre ».
Le fond quasi insurrectionnel de l’ambiance locale est à noter depuis quatre mois. Le ras le bol déborde. Des actes de désobéissance civique nombreux sont posés autant en ville qu’à la campagne. Partout des actions de luttes dures, parfois très dures se multiplient. Ce que nous avons connu à Guéret, nous le retrouvons ici, radicalisé. Ce tableau est sommaire, et il comporte sa part de simplification dans la mesure ou je n’ai été de passage que très peu de temps. Je pense que notre ami Jacques Serieys va rédiger de quoi nous faire une compréhension plus documentée et construite de la situation. Mais ce que j’ai vu et ressenti m’a confirmé dans l’idée que nous devons nous identifier absolument à ce processus quelque soit l’intensité de son expression, même quand nous nous abstenons fort justement de participer ou d’encourager les actes les plus radicaux. Ce qui compte c’est le sens et le contenu du mouvement. Dans la France rurbaine profonde, c’est une sorte de 1789 qui s’engage à propos de l’Europe. La finalité social-républicaine des luttes est ici l’évidence. Leur lien avec le contenu de la Constitution européenne est évident et raisonné pour tous. Il s’agit d’une réalité incontournable. Ceux qui croient qu’il suffira de faire le coup du vote utile pour contraindre tout le monde à voter pour les « belles personnes satisfaites » du « oui de gauche » se trompent lourdement. Je suis très impressionné par la profondeur du fossé qui s’est creusé dans la gauche sur la base des injures d’Hollande et du déferlement des mensonges des vieilles gloires du PS. Si notre objectif est d’empêcher que cela condamne toute la gauche à l’impuissance nous ne devons pas perdre de vue que nous visons cependant tout aussi clairement à obtenir la condition décisive pour cela : la défaite de la deuxième gauche et du projet européen qu’elle défend avec la démocratie chrétienne. Sans la deuxième gauche confiscant le PS, la Constitution n’aurait absolument aucune chance de l’emporter. Tout le monde a gauche le sait et le dit. Ce constat est lourd d’une colère que nous devons absolument canaliser en perspective politique positive en dépit des provocations incendiaires de la direction du PS.
Ce que j’ai vu me confirme aussi dans le sentiment que PRS doit être impérativement dégagé de l’ornière de la diplomatie groupusculaire des « débats » avec les « autres gauches » du PS qui dans ces contextes n’ont aucune réalité politique ni militante ni même humaine. C’est ce que confirme le développement spectaculaire de tous nos groupes qui ont adopté cette orientation conquérante et refusé le nombrilisme ordinaire du cocon des poisons et dentelles socialo-socialistes. Autant dire que les autres pratiques n’ont aucun intérêt concret dans le moment. Il est peu probable qu’elles en aient pour l’avenir.
Amitié fraternité
Jean Luc Mélenchon, membre du PS, ancien ministre, en campagne pour le NON.
PRS www.pourmoicestnon.com
L’Europe malTRAITEe : une vidéo en ligne. A voir absolument.
Constitution Européenne et la Guerre - NON à l’ OTAN, par Diana Johnstone.
Constitution : Dix mensonges et cinq boniments.
Constitution : sept questions, sept réponses négatives, par Jean Gadrey.
Élite du « Oui », peur du peuple. Réponse à Alain Lipietz - non publiée par Libération - G. Filoche.