...Et c’est précisément l’attitude du gouvernement colombien : intransigeant.
L’élite colombienne a monté un film triomphant, pensant qu’elle avait « forcé » la guérilla à s’asseoir à la table des négociations, et que ce serait une question de mois, de quelques vagues promesses de lois transitoires et - espérons-le - de quelques tirs bien ciblés pour atteindre la capitulation finale.
Les « non » du gouvernement font écho dans le Palais des Conventions [1] et résonnent dans tous les coins de la Colombie et du monde.
- Non, à la présence de Simon Trinidad à la table des négociations...
- Non, au cessez-le-feu bilatéral...
- Non, à des changements du système économique...
- Non, à une assemblée constituante...
- Non, à la participation des citoyens dans toutes les étapes du processus...
Maintenant, quelques mois plus tard, l’intransigeance gouvernementale se dresse comme un mur épais, blindé, autour des paysans et des secteurs populaires sur les routes et les places publiques de Colombie. Un mur construit de briques « il n’y a pas d’argent » et « ils demandent l’impossible », soudées avec le ciment de la criminalisation et de la répression violente.
Les Colombiens ordinaires appellent à investir dans la santé, l’éducation, le logement, la révision des ALE [2], pour des politiques équitables pour les mineurs de petites et moyennes entreprises, pour l’exercice effectif de leurs droits politiques...
À la table des dialogues, certaines de ces questions sont dans les prétendues « réserves » et ont été reportées pour être en mesure de donner une continuité à la recherche de la paix.
Cependant, le peuple sur les routes envoie un message d’urgence au pays et au monde. "Nous ne partirons pas d’ici tant que notre situation ne sera pas résolue". C’est aussi simple. La misère, la faim et l’abandon ne donnent pas de trêve.
Il n’y a pas d’échappatoire, Président Santos. Où que vous irez, où que vous regarderez, vous trouverez la même clameur, les mêmes exigences : des politiques économiques souveraines, basées sur le bien-être des colombiens, la participation politique réelle et effective des citoyens dans tous les espaces, la démocratisation des structures étatiques...
Non pas parce que les FARC-EP [3] « utilisent » les pauvres et naïfs paysans colombiens ; pourquoi chercher à noyer le poisson ?
Si vous êtes inquiet par le fait que les propositions des FARC-EP à la Havane se préoccupent beaucoup des réclamations des agriculteurs, des mineurs, des cultivateurs de riz, de café et d’autres secteurs, en voici l’explication : les FARC-EP essaient d’être un canal d’expression pour les colombiens.
Nous avons accueilli leurs propositions, qui nous sont parvenues par le biais de divers forums, et nous les avons faites nôtres, pour les présenter à la table des dialogues. Mais cela reste entre nous.
L’intransigeance ne résout rien, et les promesses ne convainquent pas.
Prétendre que tout ira mieux, que les colombiens seront entendus, que les problèmes seront résolus, que les programmes seront appliqués, dans un scénario de « fin du conflit », c’est-à-dire après l’abandon des armes, c’est comme le fumeur incorrigible qui prétend qu’il va arrêter de fumer tandis qu’il prend, oui maintenant, la dernière cigarette.
Si nous voulons faire germer le bien et sortir du sillon de la douleur, il faut commencer dès à présent.
Alexandra Nariño
Notes et traduction : Béatrice Portinari