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Egypte : la théorie du chaos à l’œuvre

Le général Al Sissi et les militaires égyptiens ont tôt fait de s’apercevoir que la prolongation dans le temps des gigantesques sit-in rassemblant les pro-Morsi jouait en faveur des Frères musulmans.

Leur erreur a été de s’en accommoder pour ne pas se mettre à dos Washington et les autres chancelleries occidentales qui tout en ayant approuvé la destitution de Mohamed Morsi ont fait pression sur eux pour qu’ils tolèrent les manifestations de rue « pacifiques » de ses partisans. Le statu quo qui en a résulté a permis aux Frères musulmans de transformer ces manifestations en démonstrations de force qui leur ont permis d’apparaître comme exprimant la volonté majoritaire du peuple égyptien.

A partir de là leur refus de l’ouverture d’un dialogue avec l’armée, le gouvernement de transition et les forces politiques anti-Morsi a été prévisible. Sissi aurait dû précipiter l’épreuve de force avec les Frères musulmans quand ils ont été dans le flottement et désorientés par la déposition de Mohamed Morsi. C’est ce que Washington et les autres capitales occidentales ont espéré qu’il se produise tout en prodiguant des « conseils de modération » et en donnant à croire aux partisans du président déchu qu’elles sont contre le recours à la force à leur encontre.

L’armée et le gouvernement se devaient d’arrêter le pourrissement de la situation jouant en faveur de leurs contestataires et qui surtout est en train de plonger le pays dans le blocage et le chaos. Ils n’ont pu différer l’intervention après leur ultimatum aux manifestants enjoignant la levée des sit-in. La poursuite de la politique de tolérance se décryptant comme acte de faiblesse de leur part parmi les Frères musulmans et leurs sympathisants. A n’en pas douter, Sissi et le gouvernement de transition s’y sont résolus en estimant avoir l’aval tacite des principaux partenaires étrangers de l’Égypte. Sauf que l’opération a donné lieu à un bain de sang qui contraint ces puissances à le dénoncer. L’ambiguïté de la position de celles-ci durant les trois mois que dure la crise politique égyptienne a encouragé ses protagonistes à s’ancrer dans la radicalité qui est de n’accepter de dénouement que celui qui a pour base ou leur « feuille de route » ou leurs « exigences ». Il en résultera que les militaires finiront très certainement par mettre fin à l’occupation de la rue par les partisans de Morsi. Mais ceux-ci ou du moins leur branche extrémiste vont poursuivre leur combat contre « les usurpateurs » de la pire des façons qui soit : celle de l’action violente et du terrorisme. S’il est aisé de prédire une telle évolution, il est par contre difficile d’en prévoir l’issue.

Il ne fait pas de doute pour autant que la confrontation ayant maintenant pour théâtre le pays le plus peuplé du monde arabe, son issue impactera inéluctablement la situation politique des autres pays de la région. C’est peut-être ce qu’en attendent les puissances qui ont émis des signaux contradictoires aux deux camps égyptiens qui vont à la confrontation, avec le calcul pour elles que quel que soit celui qui l’emportera elles pourront le moment venu se positionner avec bénéfice au profit du courant politique en faveur de qui se dessinera la victoire. Des jours sombres, sanglants vont ponctuer l’avenir de l’Égypte et de son peuple.

Entre les deux camps protagonistes, c’est une lutte à mort qui s’engage, car sachant l’un et l’autre que leur bras de fer n’est pas de ceux qui se terminent par un « match nul » ou par la médiation « d’alliés » mus par le souci d’éviter à l’Egypte une tragédie. Une telle tragédie s’inscrit dans la logique de la théorie du « chaos créateur » qu’ils ont conceptualisé pour le monde arabe et que les Egyptiens ont fini par croire qu’elle a été destinée uniquement aux autres peuples de la région.

Kharroubi Habib

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