De guerre lasse, n’ayant plus rien à ménager, Agrippine ne pouvait songer qu’à épouvanter Néron de ses seules fureurs...
Je ne sais sous quel effet de psychologie personnelle ai-je été poussé à faire un tour chez Jean Racine et, me remémorant Britannicus (1669) - une tragédie politique -, me suis-je représenté la scène de l’Acte V, scène 6, au moment où l’impératrice-mère Agrippine invective Néron : « Mais j’espère qu’enfin le ciel, las de tes crimes, / Ajoutera ta perte à tant d’autres victimes ; / Qu’après t’être couvert de leur sang et du mien, / Tu te verras forcé de répandre le tien ; / Et ton nom paraîtra dans la race future, / Aux plus cruels tyrans une cruelle injure. »
Là, le jeu des sentiments est très fort ; il permet d’oser l’allégorie dans ce qui suit. Ne ferait-elle pas ´´allusion´´ aux propos ci-dessus d’Agrippine et, en quelque manière, ne serait-elle pas alors à la hauteur des actes d’injustice, de spoliation de territoire et de mépris en faveur d’un « État créé de toutes pièces » - Israël - au détriment de l’historique Palestine « Une et indivisible » ? Depuis, « La Déclaration d’Indépendance d’Israël le 14 mai 1948 » - soixante-cinq ans, le 14 mai 2013 ! -, le peuple palestinien est, vérité effrayante, cruellement victime d’une incessante et presque totale conjuration internationale aux côtés d’une tyrannie sioniste dont la terreur n’a pas d’égale ailleurs dans le monde.
« Indignez-vous ! »
Justice pour la Palestine ! - Tribunal Russell sur la Palestine (*) est un recueil de textes de personnalités célèbres, « venues de tous bords et de tous pays » pour oeuvre dans le cadre du Tribunal Russell, mondialement connu mais diversement apprécié. Leur engagement est entier « pour venir à bout d’une injustice pour dénoncer l’impunité d’Israël qui constitue le réel obstacle à une solution pacifique, équitable et durable au conflit israélo-palestinien et demander la création sans délai d’un État Palestinien ».
On compte dix-huit contributeurs à cet ouvrage coordonné par Virginie Vanhaeverbeke et Frank Barat. L’éditrice est Laurence Tacon qui note : « ´´Indignez-vous !´´, s’écriait Stéphane Hessel, il y a quelques années, suscitant alors d’immenses mouvements de protestation civile, à travers un monde dominé par les intérêts mercantiles. Dissiper l’hypocrisie, dire la vérité, lutter contre l’injustice ont été les mots d’ordre d’une existence sans cesse placée sous le signe de l’insoumission. Ce livre est issu d’une conversation avec Christine et Stéphane Hessel en décembre dernier. Il exprimait alors, peu de temps avant d’entreprendre son dernier voyage, son plus cher désir : voir avant de mourir une solution pacifique au conflit israélo-palestinien. »
Nous avons été habitués à la sereine et sympathique figure de Stéphane Hessel, président d’honneur du Tribunal Russel.
L’homme affable, né le 20 octobre 1917 à Berlin, décédé le 27 février 2013 à Paris, a été diplomate auprès des Nations unies « où il a assisté comme témoin privilégié à la constitution des droits de l’homme et du citoyen, ainsi qu’à la création de l’État d’Israël. Il est l’auteur de Indignez-vous ! paru en 2010 [...]. Il a participé à la création du Tribunal Russell sur la Palestine dont il est le président d’honneur ». Préfaçant Justice pour la Palestine !, il écrit : « Depuis la création de l’État d’Israël à laquelle j’ai assisté aux Nations unies [...] la nécessité de trouver une solution au problème palestinien m’a semblé impérative, et même la condition sine qua non de la survie et de la prospérité de ce même État d’Israël. Nous devons au peuple palestinien la réalisation d’un État comme à tous les peuples de la Terre. [...] Malheureusement, après les victoires israéliennes de la guerre des Six-Jours et de celle du Kippour, les gouvernements israéliens successifs n’ont pas compris cette nécessité et ont poursuivi une politique en contradiction avec le droit international, politique d’occupation de territoires qui ne leur étaient pas reconnus et de colonisation dans ces territoires. [...] Ma composition très variée du Tribunal Russell se situe à un haut niveau de responsabilité ethnique et juridique (des Prix Nobel, des diplomates, des juristes, etc.), et son effort consiste à établir un recensement aussi complet que possible des violations qui ont été subies. » Il s’agit là de former « une protestation puissante » que lui donnerait le Tribunal Russell, mais de fait, « C’est un tribunal civil sans compétence juridictionnelle, c’est une de ses limites. Il est tribunal parce qu’il veut juger mais il n’a pas de pouvoir juridictionnel. »
Le Tribunal Russell sur la Palestine
Au reste, Pierre Galand, figure du mouvement associatif belge, président de la Fédération humaniste européenne et l’un des fondateurs du « Tribunal Russell sur la Palestine » ; il en présente la genèse dans son Introduction : son organisation, ses travaux, ses sessions (Londres, Le Cap, New York), son financement et termine par « Le Statut de la Palestine à l’ONU », concluant : « C’est ainsi que se perpétue sur notre planète la notion même d’humanité et de ses progrès. » Les textes et les témoignages des autres participants nous éclairent sur bien des points importants et sur les tenants et les aboutissants des objectifs primordiaux du TRP, par exemple : La dernière lutte de décolonisation dans le monde du XXIe siècle (Leïla Shahid), Plaider leur cause (Nurit Peled), La liberté est indivisible (Michael Mansfield), La communauté internationale complice de l’oppression du peuple palestinien (Alice Walker), La paix est possible (Mairead Corrigan Maguire), Je deviens palestinienne (Angela Davis), Sauver l’honneur de l’humanité (Breyten Breytenbach),...
En somme, ce livre de 200 pages, Justice pour la Palestine ! est un panorama riche en informations précises sur les objectifs du Tribunal Russell sur la Palestine et très éclairant sur ses animateurs à la fois compétents, actifs et particulièrement motivés.
Il est vrai, ainsi que l’un d’eux (Noam Chomsky, théoricien du langage, fin linguiste au Massachusetts) l’affirme vivement, leur engagement n’est pas seulement dans la lutte du peuple palestinien pour la liberté et l’égalité, [c’est aussi] « la lutte pour les droits humains fondamentaux et le droit à vivre une vie digne et décente. Parce que tous ces droits et bien d’autres, comme le droit national à l’autodétermination, sont niés et piétinés par l’occupation israélienne qui implique l’annexion des territoires et ressources palestiniennes, le terrorisme étatique exercé par Israël avec la complicité des pays occidentaux, la répression sanglante de gens ordinaires et leurs arrestations arbitraires ».
Des Annexes utiles sont dans les dernières pages de Justice pour la Palestine et renforcent la pensée libre et volontaire des contributeurs. Observons de nouveau l’émouvante illustration de la couverture ainsi légendée : « Enfant jouant au cerf-volant près du Mur de la Séparation dans le camp de réfugiés de Aida, à Bethléem. »
Les Indignés, en quelque lieu qu’ils se trouvent, autour de l’Idée de Stéphane Hessel, devraient légitimement aujourd’hui agir, car à leur juste et généreux mot d’ordre « Indignez-vous ! » - mais est-ce suffisant ? -, l’Écho des Victimes de l’injustice répond solennellement encore une fois : « Faites-le ! »...
Bien que l’ouvrage Justice pour la Palestine ! - Tribunal Russell sur la Palestine soit paru aux Éditions de l’Herne, Paris, mars 2013, il me plaît de souligner l’intérêt de le lire dans l’édition proposée par Médias-Plus, Constantine, 2013 dont l’éditeur, Saïd Hannachi, à l’évidence, n’omet pas de mettre à la disposition des lecteurs algériens des documents importants à connaître absolument.
(*) JUSTICE POUR LA PALESTINE !
Tribunal Russell sur la Palestine
Éditions Média-Plus, Constantine, 2013. 200 pages.