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Syrie : après le massacre de Banias, le massacre de la vérité

La région côtière de Syrie, ultime îlot relativement paisible de la Syrie est à jamais tachée du sang de ses enfants égorgés par des mains obscures. Suite aux tueries qui ont commencé au début de ce mois, on dénombre déjà des centaines de morts. Si l’on ignore encore les auteurs de ce crime abominable, les réseaux sociaux pro-rebelle n’ont pas tardé à accuser l’État syrien et en particulier un chef de milice pro-gouvernemental d’origine turque dénommé Mihraç Ural. Enquête.

La Syrie n’en finit plus d’agoniser. Au moment où nous supplions tous les panthéons de la terre que le cauchemar cesse, il reprend de plus belle. Cette fois, le cauchemar a frappé Banias, une ville paisible de la côte syrienne épargnée jusqu’ici par les violences. En ce début de mois de mai, à Banias, l’innocence a été lâchement assassinée. Des femmes et des enfants plus beaux que les plus belles fleurs de Syrie dans ses plus beaux jours ont été fusillés, immolés, poignardés par… par qui ? À chaque massacre, la même insupportable question revient, charriant et déversant dans nos cœurs des coulées acides de rage et de désespoir. Et lorsque recouvrant peu à peu nos esprits, nous cherchons à comprendre l’innommable, les maîtres du prêt-à-penser occupent déjà le terrain, poussant l’enquête vers une seule direction. Pour l’heure, la confusion et la pollution médiatique ambiante nous empêchent de dire qui est l’auteur de ces tueries. Toutefois, avec le peu d’informations dont nous disposons, nous pouvons au moins dire qui ne l’est pas.

La région côtière de Syrie, ultime îlot relativement paisible de la Syrie est à jamais tachée du sang de ses enfants égorgés par des mains obscures. Suite aux tueries qui ont commencé au début de ce mois, on dénombre déjà des centaines de morts. Si l’on ignore encore les auteurs de ce crime abominable, les réseaux sociaux pro-rebelle n’ont pas tardé à accuser l’État syrien et en particulier un chef de milice pro-gouvernemental d’origine turque dénommé Mihraç Ural.

Dans une vidéo publiée sur le site (provisoirement hors-ligne) de son mouvement appelé Mouqawama Souriyya (Résistance syrienne), on le voit expliquant la défaite des terroristes dans la zone Nord de la province de Lattaquié.

Voici un extrait de la vidéo qui suscite la polémique :

Il y explique la nécessité de nettoyer la région de Banias par où les terroristes cherchent à se frayer un passage vers la mer après leur défaite à Khirbet Soulas, un village situé près du réservoir 16 du lac de Tichrine.

Vidéo de la bataille de Khirbet Soulas d’origine rebelle datée du 29 avril 2013 :

Le mot nettoyage « tathir » utilisée par Mihraç Ural est un terme courant utilisé par toutes les parties en lutte en Syrie et n’indique nullement une opération de nettoyage ethnique comme le prétendent les médias turcs et occidentaux.

Les victimes des massacres de Banias étant de confession sunnite, les médias turcs ont immédiatement saisi l’occasion pour régler son compte avec celui qui est devenu un vieux briscard de la dissidence marxiste turque. Ce fut aussitôt l’emballement dans les sites de l’extrême-droite turque qui trouvaient en Mihraç Ural un ennemi idéal : alaouite, pro-gouvernemental et communiste.

La thèse de l’implication de Mihraç Ural et de son groupe armé ne tient pourtant pas la route et ce, pour plusieurs raisons.

D’abord en tant que militant ayant fait ses armes dans la gauche turque, Mihraç Ural n’a ni le profil, ni le discours ni la pratique d’un tueur de masse. Son combat est de type patriotique et internationaliste.

Mihraç Ural est issu de la gauche révolutionnaire turque, un courant politique qui, malgré ses innombrables erreurs, n’a jamais pratiqué le terrorisme ciblant délibérément des civils innocents.

Avant de se mobiliser dans la guerre de Syrie contre les groupes djihadistes qui s’infiltrent par la frontière, Mihraç Ural présidait un groupe dissident du Parti-Front populaire de libération de la Turquie (THKP-C) appelé les Urgentistes (Acilciler).
Le THKP-C est une organisation politico-militaire née à la fin des années 1960 dans le sillage des révoltes étudiantes et ouvrières qui ébranlèrent la Turquie.

Le coup d’État militaire du 12 mars 1971, puis la chasse à l’homme qui s’ensuivit et finalement l’assassinat des principaux dirigeants du THKP-C dans le village de Kizildere en 1972 dont son fondateur Mahir Cayan porta un coup dur au mouvement.

À partir de 1974, des dizaines de milliers de jeunes prirent le flambeau de la lutte révolutionnaire et antifasciste et se autoproclamèrent héritiers du THKP-C.
Parmi les mouvements ayant succédé au THKP-C, les plus connus sont la Voie révolutionnaire (Devrimci Yol) et la Gauche révolutionnaire (Devrimci Sol) dont est issu l’actuel et puissant mouvement appelé DHKP-C (Parti-Front révolutionnaire de libération du peuple).

À côté de Dev-Yol et Dev-Sol, une myriade de groupuscules tels que Dev-Savas (Guerre révolutionnaire), Halkin Devrimci Öncüleri (avant-garde révolutionnaire du peuple) et Acilciler (les Urgentistes) virent le jour en Turquie.

Aujourd’hui, de tous ces groupes issus du THKP-C, seul le DHKP-C a survécu.
Mais à la fin des années 1970, ces mouvements étaient actifs et engagés dans la résistance armée contre le régime turc et contre les milices fascistes entraînées par la CIA et appelées communément les Loups Gris.

Mihraç Ural fut le fondateur de la faction marxiste-léniniste dénommée « Les Urgentistes ».

Ses origines arabes et alaouites d’Antioche le conduisirent à étudier l’histoire de sa ville et du sandjak d’Alexandrette (appelé Hatay en turc) la province dont elle est le chef-lieu. Tout en prônant le communisme, les Urgentistes devinrent peu à peu une organisation luttant pour la libération de la province du Hatay de l’occupation turque et pour son annexion à la Syrie.

Mihraç Ural fut arrêté peu avant le coup d’État militaire du 12 septembre 1980 qui mit un terme à la guerre civile entre les forces de gauche et de droite.

Après s’être évadé de la prison d’Adana, il s’exila en Syrie et très vite, en tant que Syrien d’origine, il obtint la citoyenneté syrienne.

Depuis 32 ans, Mihraç Ural vit donc dans le pays des Assad.

Rapidement marginalisés dans le champ politique turc, les « Urgentistes » qu’il dirige a tenté de se donner un souffle nouveau en Syrie.

Le régime de Damas leur accorda un camp d’entraînement dans la vallée de la Bekaa au Liban aux côtés des campements de la Gauche révolutionnaire turque Devrimci Sol et du Parti des travailleurs du Kurdistan, le PKK.

Mais l’exil eut rapidement raison de la combativité du groupe de Mihraç Ural. En Turquie, les Urgentistes ne comptaient plus qu’une poignée de sympathisants arabes dans la ville d’Antioche.

Isolé, Mihraç Ural finit par quasi auto-dissoudre son mouvement et à devenir un écrivain et chroniqueur engagé mais relativement indépendant.

Depuis son exil syrien, il publiait régulièrement des articles sur la politique intérieure turque, la géopolitique du monde arabe, la cause kurde et le PKK, organisation avec laquelle il entretenait de bonnes relations, la question des minorités turques, l’histoire des alaouites et la question du Hatay.

Lorsque le printemps syrien éclata, comme la plupart de militants de la gauche turque, il accusa les rebelles d’être des mercenaires à la solde des puissances impérialistes et affirma son soutien au combat de la Syrie « laïque et progressiste ».

En 2012, Mihraç Ural créa dans la région d’Idlib, le Mouqawama Souriy (Résistance syrienne), une organisation patriotique de défense civile à caractère multiethnique et multiconfessionnelle.

Mihraç Ural et ses combattants issus essentiellement de familles arabes trans-frontalières prirent le maquis dans les régions forestières de Lattaquié, le long de la frontière turco-syrienne du côté de Kassab et ce, afin d’empêcher les mercenaires salafistes de s’infiltrer en Syrie.

Cette organisation bénéficia dès le début d’une relative autonomie politique et militaire. Contrairement aux autres comités populaires et aux forces de défense nationale qui assistent l’armée arabe syrienne dans sa « guerre contre le terrorisme », Mouqawama Souriy a son propre drapeau frappé d’une étoile rouge et défend son propre projet politique qui est clairement socialiste. Dans ses parades militaires, Mouqawama Souriy brandit le portrait de Che Guevara.

Mihraç Ural est en même temps très critique des applications du socialisme en Syrie. Il considère que l’idéologie baassiste est obsolète et ne répond pas aux intérêts des larges couches de la population syrienne.

Si le bilan de son engagement politique peut laisser perplexe, jamais un militant de son calibre n’irait se salir les mains dans une tuerie aussi insensée. La gauche radicale « turque » est totalement étrangère à ce type de pratiques. Sa raison d’être est la sauvagerie même de l’État turc.

Hier après-midi, nous avons contacté Mihraç Ural par téléphone pour prendre son avis sur les allégations qui le décrivent comme un génocidaire anti-sunnite.

Le moins que l’on puisse dire est que M. Ural est révolté par une « odieuse campagne de calomnie ».

Il compte d’ailleurs envoyer la vidéo polémique dans son intégralité qui prouverait que son propos a été détourné de manière malveillante.

Il affirme qu’il n’était pas à Banias au moment des massacres qu’il impute aux terroristes wahhabites et que la vidéo polémique a été réalisée lors des funérailles d’Ali Halil, un militant loyaliste tué dans la bataille de Khirbet Sulas.
Mihraç Ural dit que les terroristes wahhabites ont commencé par massacrer la famille du cheikh Omar Bayassi, imam de la mosquée de Bayda avec sa femme et son fils (voir lien facebook) puis ont transformé la mosquée en base salafiste allant jusqu’à changer la nature des appels à la prière.

Il ajoute que face à leurs défaites cuisantes à répétition, les terroristes ont décidé d’enflammer la région de Banyas dans une opération baptisée « Volcan de la Côte » par le cheikh salafiste koweiti Naëf Hajjaj Al Ajami connu pour ses prêches racistes :

Voir :

Toujours d’après lui, les massacres de Banias sont l’œuvre des groupes armés salafistes qui ont voulu se venger du refus de certains hommes à prendre les armes à leurs côtés.

Mihraç Ural insiste sur les principes moraux qui caractérisent son organisation : « Notre code de conduite implique de ne jamais s’en prendre à une personne non armée, de ne jamais faire de tort à des femmes, des enfants et des vieillards. Au contraire, nous nous battons pour les protéger », a-t-il conclu.

Les opposants anti-baassistes Ahmad Ibrahim et surtout le blogueur Ahmad Abou Al-Khair originaire de Banias affirment eux aussi que Mihraç Ural, surnommé « Al Kayyal » n’a rien à voir avec les massacres de Banias : www.arabi-press.com.
Ahmad Ibrahim et Abou Al Khair pointent la responsabilité de groupes terroristes battus sur d’autres fronts et dénoncent l’attaque de barrages militaires dans les zones côtières relativement épargnées par les violences : www.arabi-press.com.
Les dissidents syriens accusent en outre Ibrahim Yasa, un militant turc raciste, administrateur du site anti-chiite d’avoir diffusé le mensonge concernant la responsabilité de Mihraç Ural dans les massacres de Banias.

Le site du militant turc anti-chiite et pro-rébellion syrienne est www.irantehlikesi.com (qui signifie « danger de l’Iran »).

Pour l’heure, nous ne connaissons pas les auteurs des massacres de Banias mais les premiers éléments d’enquête tendent à innocenter Mihraç Ural et son groupe armé.

Au nom de la justice et de tous les innocents massacrés à Banias, nous poursuivrons nos recherches pour faire la lumière sur cette nouvelle page sombre de la guerre de Syrie.

Source : Bahar Kimyongür pour Investig’Action.

Bahar Kimyongür est l’auteur chez Investig’Action de Syriana. La conquête continue.

http://www.michelcollon.info/Syrie-Apres-le-massacre-de-Banias.html

»» http://www.michelcollon.info/Syrie-Apres-le-massacre-de-Banias.html
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