Ils ont été, appliquant des techniques incessantes pour couper la parole, pour caricaturer, pour insulter, à deux doigts de ce qu’on peut appeler une dictature de la pensée. Il fallait qu’ils se paient Mélenchon. Non pas par le jeu des idées, mais par celui d’un système qui se dit démocratique et ne l’est plus, qui donne la parole pour aussitôt la reprendre, qui invite pour non pas pour écouter mais pour bâillonner.
Certes, je sais que cette technique est celle depuis longtemps des pseudo-journalistes, chiens de garde du pouvoir. Il y a longtemps qu’ils l’appliquent et Mélenchon, qui sait très bien s’en défaire, n’est pas leur seule et première victime. Je me souviens en particulier de Cheminade, qui avait été traité d’une manière particulièrement irrespectueuse. Qui humilie celui qui regarde. Même si les idées qu’un homme exprime ne sont pas les siennes, avoir sous les yeux un parti-pris criant n’est jamais un spectacle digne et constitue même un spectacle inquiétant.
Ce sont des jeux du cirque. J’attends le jour où il sera possible de gifler, de cracher ou de taillader au rasoir. On s’en tient seulement et cela, c’est tout de même une nouveauté, au mépris, dans chaque regard et dans chaque mot et à la nouveauté de leur cellule de communication : la phrase « in coda venenum. » On avait pensé que Cahuzac, le noble Cahuzac, de ce noble clan qui nous ronge sur l’aile gauche et sur l’aile droite, avait lâché à la fin de « Mots croisés » : « Vous êtes un homme seul », ayant oublié de le placer avant. Mais non. Hier soir Attali, se levant, a dit à Mélenchon, suivant la même technique : « Vous nous préparez une Corée du Nord. »
L’outrance est telle que les bras en tombent.
Et que le cœur se serre car on se dit que cet Attali, qui sert l’idée d’un nouvel ordre mondial, n’est-ce pas lui, ne sont-ce pas eux, qui nous préparent une dictature dont nous voyons naître tous les jours les effets ?
Hier soir la méthode a été appliquée avec une violence, une vulgarité qui dépasse l’entendement.
Jean-Luc Mélenchon lève une marche populaire, il fallait se le payer.
Dur projet.
Mélenchon a été face à eux comme Gulliver qui, empêtré un moment de fils, leur a montré sa nature et les a envoyés gicler malgré leurs tweets, en majorité défavorables, malgré cette nouvelle technique, qu’il faudra qu’on m’explique, celui qui vient pour poser des questions parlant plus que celui qui doit répondre.
C’était trop. Trop médiocre. Trop bas. Ils s’en sont sans cesse pris à la forme sans jamais toucher le fond, si ce n’est le leur. Ils ont peut-être convaincu des FN ou des Sarkozystes mais ils ont montré à beaucoup d’autres qu’il y avait en face d’eux un homme digne qui, face aux circonstances, n’a qu’à laisser venir le temps où les mensonges s’effondreront comme une montagne de cendres.
Je ne doute pas un instant que l’émission d’hier soir ait été totalement contre-productive. Une volonté de lynchage public n’est jamais une bonne affaire pour celui qui la commandite.
Et puis, outre le caractère brillant de la pensée et de l’expression de Mélenchon, que peut ce clan contre les réalités ? Le chômage, toujours plus haut, les licenciements toujours plus nombreux, les fautes immenses comme la destruction du code du travail par l’ANI, un président qui se cache et n’ose plus aller inaugurer quoi que ce soit, une droite collée à l’extrême droite tant elle est prête à tout pour récupérer le pouvoir ne connaissant que la morale des circonstances ?
Morale… Il y avait hier soir de la grandeur chez Mélenchon. L’homme qu’il faut au moment qui vient.
La faiblesse de ses adversaires a été nettement visible quand Apparu, attaquant et frappant d’estoc et de taille, a soudain révélé le but de son combat : payer les ouvriers d’un verre d’eau. D’accord. C’était pour ça…
Il n’y a qu’une réponse à donner à ces gens-là, à cette propagande qui sombre sous les assauts répétés de l’information plus libre du net : être en masse dans la rue le 5 mai. Pour une sixième république, pour une nouvelle constituante.
Ou alors, les amis, comme cette pauvre femme de soixante- dix ans qui a été, hier, trouvée pendue chez elle, au moment où les huissiers voulaient la jeter dehors, oui pendons-nous.
Car il faudra nous battre ou subir.
Eux, on a vu hier soir où ils en étaient.
J’attends que même les ennemis de Mélenchon s’en inquiètent. Car il y a des batailles qui sont des défaites pour tout le monde.
Ariane Walter