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Qatar : Au royaume de l’esclavage moderne ! (The New York Times)

Domestique, ouvrier qualifié ou homme d’affaires : il n’est pas facile d’être un immigré, au Qatar, où les conditions de travail sont souvent inhumaines.

En 2012, Theresa M. Dantes a signé un contrat avec une agence de recrutement des Philippines pour venir travailler au Qatar comme domestique. Elle devait être logée, nourrie et payée 400 dollars [305 euros], par mois. Pourtant, lorsqu’elle est arrivée, son employeur l’a informée qu’il ne lui verserait que 250 dollars [190 euros]. Elle a accepté, car sa famille, restée à Quezon City, comptait sur ce salaire.

Cependant, la jeune femme n’était pas au bout de ses surprises. Theresa Dantes, 29 ans, affirme qu’elle ne prenait qu’un repas par jour, composé des restes du déjeuner familial. "S’il ne restait rien, alors je ne mangeais pas."Elle travaillait sept jours par semaine. Une fois son labeur terminé dans la maison de son employeur, on la forçait à nettoyer celle de sa belle-mère, puis celle de sa soeur.

Huit mois après son arrivée, Theresa Dantes a voulu partir. Son patron lui a ri au nez : "Tu ne peux pas démissionner !" Dans le cadre de la kafala, système qui régit la vie de tous les étrangers qui travaillent au Qatar, Theresa Dantes ne pouvait pas quitter son poste, sans l’accord de son employeur. Elle s’est enfuie et a rejoint 56 autres femmes, qui avaient trouvé refuge au Bureau philippin du travail à l’étranger.

Environ 1,2 million de travailleurs étrangers - qui sont, en majorité, des personnes pauvres, originaires d’Inde, du Pakistan, du Bangladesh, du Népal, d’Indonésie et des Philippines - représentent 94 % de la main d’oeuvre, au Qatar, une monarchie absolue, qui fait à peu près la taille de lÎle-de-France. Ce dispositif, mis en place, dans les années 1950, a été conçu, pour les États peu peuplés du golfe Persique, qui avaient besoin d’ouvriers, dans les secteurs du pétrole et du gaz. Le système s’est tellement développé qu’aujourd’hui, il y a presque cinq fois plus d’employés étrangers que de Qataris. Jusqu’à un million de personnes supplémentaires pourraient arriver, au cours des prochaines années, pour participer à la construction de neuf stades et de nouvelles routes, (pour un budget de 20 milliards de dollars ; 15,23 milliards d’euros), afin que le Qatar soit prêt à accueillir la Coupe du Monde de football, en 2022.

Un document officiel n’offre pas une protection suffisante

Un grand nombre de ces personnes travailleront, dans des conditions dignes du moyen-âge, que l’ONG "Human Rights Watch" a, déjà , comparées au "travail forcé". Les patrons qataris sont responsables juridiquement de leurs employés, en plus de leur assurer un poste rémunéré, un visa de travail, un logement et souvent de la nourriture. En échange, chaque travailleur s’engage, auprès de son employeur, pour une durée déterminée. En revanche, un employé de peut pas changer de travail, quitter le pays, obtenir un permis de conduire, louer un logement ou ouvrir un compte en banque, sans l’autorisation de son commanditaire, dit kafil, qui peut, de son côté, mettre fin à son parrainage, quasiment, à tout moment, et renvoyer la personne, dans son pays d’origine. Et les victimes ne sont pas uniquement des domestiques et des ouvriers peu qualifiés : Nasser Beydoun, un homme d’affaires arabo-américain, affirme qu’il a été "otage économique", à Doha, pendant 685 jours, avant d’être libéré, en octobre 2011. Après qu’il a démissionné du poste de gérant d’une chaîne locale de restaurants, son ancien employeur a refusé de lui accorder un permis, pour quitter le Qatar. "Les travailleurs étrangers sont les esclaves modernes de leurs patrons qatariens, explique Nasser Beydoun, qui vit, désormais, à Détroit, aux États-Unis. Ils sont leur propriété". Seule, une moitié des ouvriers étrangers, signent un véritable contrat de travail, avant de venir, dans l’émirat, selon un sondage réalisé par l’institut de recherche économique et sociale de l’Université du Qatar. Les autres se contentent de conclure un accord verbal.

Toutefois, même signer un document officiel n’offre pas une protection suffisante. Selon le même sondage, 25 % des ouvriers, qui avaient signé des contrats, ont révélé que leurs employeurs n’avaient pas respecté les clauses associées. Ce chiffre atteignait 42 %, chez un tiers des personnes, dont le salaire mensuel était inférieur à 275 dollars [209 euros]. Suite aux pressions exercées par les défenseurs des droits de l’Homme et du droit du travail, le gouvernement a promis la mise en place de nouvelles garanties. "Il y a sept ou huit ans, nous n’avions aucune législation du travail, explique Hussein Al Mulla, sous-secrétaire d’Etat au Travail. Cette branche du droit a été améliorée et elle continuera d’être perfectionnée avec le temps".

The New York Times | Richard Morin

http://www.courrierinternational.com/article/2013/04/19/au-royaume-de-...

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