Le gouvernement français se trouve désormais seul, avec Londres, après le grand virage que connaît la crise syrienne depuis deux jours, suite à la déclaration du secrétaire d’État américain John Kerry qui a finalement décidé d’adhérer à l’option russe, laquelle préconise un dialogue ouvert et sans préalable entre les belligérants, en écartant, pour la première fois, la condition du départ du président Al-Assad.
Paris a d’abord tenté de faire pression sur l’Union européenne pour obtenir la levée de l’embargo sur les armes destinées à l’opposition, en vain. Laurent Fabius, le plus zélé de tous les chefs de diplomatie occidentaux, décide donc, avec son homologue britannique, d’outrepasser l’Union européenne pour annoncer l’intention de son pays de « passer à l’acte », en violation flagrante du droit international.
Laurent Fabius occupe tous les espaces, politiques et médiatiques, pour vendre son projet de guerre contre la Syrie, nonobstant toutes les réserves affichées par ses homologues européens et le rejet du reste de la communauté internationale qui redoute les retombées d’un tel précédent. L’homme est tellement pressé d’en découdre qu’on le croirait investi d’une mission dont dépendrait son propre sort politique. Cette guerre, il la veut comme « sa » guerre à lui, comme il y a deux ans, Nicolas Sarkozy a eu la sienne, en Libye. Il veut, lui aussi, la tête du « dictateur » comme trophée, d’où cette obsession, chez lui, de n’accepter aucune offre de paix à laquelle prendrait part Bachar Al-Assad, président légitime de la République arabe syrienne. Mais, lui, il fait pire que le bourreau de Kadhafi parce qu’il mène une guerre secrète, donc illégale du point de vue du droit international, contre un pays souverain. A l’entendre dire, au sujet de sa demande de levée de l’embargo sur les armes au profit des milices islamo-fascistes actives en Syrie : « La position que nous avons prise avec François Hollande… », on comprend mieux le poids de cet homme, ancien Premier ministre sous François Mitterrand, et on comprend dès lors aussi mieux sa facilité de mouvement en Europe et dans les rouages de la politique internationale. Aux dernières nouvelles, l’Union européenne, au début très hostile à cette demande ubuesque - de livrer des armes lourdes, notamment des missiles anti-aériens, à des terroristes -, finit par consentir à l’idée d’en débattre à nouveau la semaine prochaine, pour prendre une décision finale. Fabius aiguise déjà ses armes pour de nouvelles tribunes.
Avant d’annoncer la décision de son gouvernement, Laurent Fabius publie une tribune dans le quotidien Libération, où il tente de justifier sa décision, en essayant de remettre au goût du jour la campagne qui a suivi la croisade contre la Libye en 2011, mettent en relief la situation alarmante des populations, « massacrées » selon lui, par les « milices du régime » qui « frappent indistinctement hommes, femmes, enfants ». Et de jouer, comme d’habitude, sur les sentiments : « Les corps ensanglantés, allongés sur des lits d’hôpitaux, de trois enfants - 7, 9 et 11 ans - tués par un tir de missile sur le village d’Abou Taltal, dans la province d’Alep, sont devenus un des symboles de ce peuple qu’on assassine. » Pour en arriver au scénario libyen : « Tout un peuple est pris en otage par un dictateur qui bombarde, torture, assassine, avec pour seul objectif sa propre survie. »
Fabius ne parle pas encore du droit d’ingérence, mais pour lui, « le moment est venu d’avancer pour passer à une nouvelle étape ». Allant à contre-courant des démarches tous azimuts, auxquelles même la Coalition nationale syrienne - une opposition pourtant montée par la France et le Qatar - semble adhérer, le chef de la diplomatie française décrète qu’« il est aujourd’hui largement reconnu que Bachar Al-Assad n’aura personnellement plus sa place dans la Syrie de demain ». Et s’il dit soutenir, malgré tout, une « solution politique pour sortir la Syrie du chaos », c’est pour précipiter la capitulation du « régime » syrien.
R. Mahmoudi
http://www.algeriepatriotique.com/article/fabius-calque-son-discours-sur-la-syrie-sur-celui-de-sarkozy-sur-la-libye