RSS SyndicationTwitterFacebook
Rechercher

Chavez, le premier-né d’une ère nouvelle.

Les Mayas nous avaient annoncé, pour décembre dernier, la fin du calendrier marquant l’ère de l’individualisme, de la cupidité, de l’ambition, de la domination, de la manipulation du mensonge. Une ère caractérisée par la discrimination, le racisme, les luttes religieuses, les idéologies aux intérêts et aux horizons confus.

Aujourd’hui, le peuple vénézuélien, l’Amérique latine et le monde ont rendu hommage à Hugo Chavez, cet homme qui a marqué le début de ce XXIe siècle. Il fallait voir ces 55 représentants de gouvernements venus des quatre coins de la planète, ces millions de personnes gonflant les rues de Caracas, passant des jours et des nuits pour aller dire un dernier adieu à celui qui leur avait donné un toit, un médecin, une école, une fierté et une nouvelle solidarité. Ces manifestations grandioses d’affection et de respect témoignent d’un Chavez qui a su comprendre et incarner les grandes aspirations des hommes, des femmes, des enfants et des peuples de notre temps.

C’est en entendant ces cris, « nous sommes Chavez, Chavez vit en nous, le peuple est Chavez, je suis Chavez », que j’ai compris que l’esprit et le coeur de Chavez venaient de naitre de nouveau, cette fois, dans le coeur et l’esprit de son peuple et dans celui de millions de personnes à travers le monde.

Qu’a-t-il donc été et fait pour atteindre si profondément ces personnes et ces peuples ?

Sans être exclusif, je dirais qu’il a fait éclater certains grands mythes ou bulles qui retiennent toujours la marche des peuples et de l’humanité vers un monde plus juste, plus vrai, plus solidaire, plus compatissant, plus humain. Parmi ceux-ci, je me permets d’en relever cinq, m’apparaissant plus déterminant que d’autres.

Il a brisé le mythe des puissants et des empires qui se donnent tous les droits comme s’ils étaient marqués d’un sceau spécial venant directement des dieux. Il a dénoncé leur cupidité et leur hypocrisie. Il s’en est pris à leur suffisance, comme s’ils étaient les seuls à pouvoir diriger le monde. Il leur a rappelé que l’heure était arrivée pour descendre de leur piédestal et de reconnaître que chaque personne, chaque peuple ont les mêmes droits qu’eux. Il s’est battu pour qu’un changement complet d’attitudes de la part de ces puissants accompagne ce nouveau paradigme des relations entre personnes et nations du monde. Le monde unipolaire est une aberration face à la fresque multicolore de l’humanité. L’avenir doit se construire sur les bases d’un monde multipolaire et s’il y a gouvernance mondiale, elle devra être immanquablement multipolaire.

Il a brisé le mythe du capitalisme et du néolibéralisme qui se présente comme la voie à suivre pour assurer la liberté, la justice, la vérité, la démocratie, la solidarité entre tous les humains de la terre. Il a fait comprendre, par des gestes et des exemples, que ces deux faces d’une même médaille idéologique portaient dans son essence même le principe de la division, de la confrontation, de la corruption, du mépris et de la haine. Il suffit de regarder le portrait de l’humanité, assujettie à ce mythe, pour réaliser que c’est un grand fiasco humanitaire. En effet, alors que les deux tiers des humains vivent dans la pauvreté, les 2 % des plus riches contrôlent les 80 % des richesses de la terre. A cela s’ajoute ce qui se passe en Grèce, en Espagne, en Italie et bientôt en France et aux États-Unis où, pour sauver les banques, on sacrifie les humains. C’est là un système qui ouvre toutes grandes les portes de la bergerie à des loups dont l’appétit ne se tarira jamais. De quoi réjouir les industries militaires pour qui, les guerres sont leur gagne-pain. Chavez a dit non à cette voie.

En tant que chrétien, il a brisé le mythe d’une Église institutionnelle toute puissante et autoritaire, s’interposant entre le Christ et les personnes de bonne foi. Chavez, profondément croyant et fortement inspiré par la théologie de libération, a dit non à cette puissance intermédiaire et a rappelé que le Christ était toujours la Tête de son Église et que son Esprit pouvait communiquer avec qui il voulait, sans demander la permission au Vatican. Il a dénoncé le pharisaïsme de ces hiérarchies, leurs alliances avec les forces des empires et des oligarchies. Il les a invitées à retrouver la voie des évangiles et la compagnie des humbles et des laissés pour compte de nos sociétés. Il aura été plus près d’un Jésus qui chasse les vendeurs du temple et qui invective ces pharisiens et docteurs de la loi qui mettent sur les épaules des autres des fardeaux qu’ils ne peuvent eux-mêmes porter, qu’un pratiquant, docile aux directives de ces autorités institutionnelles. Il faut dire que les hiérarchies catholiques, en Amérique latine et au Venezuela en particulier, s’identifient davantage avec les oligarchies qu’avec les pauvres. Lors du coup d’État militaire de 2002, au Venezuela, le cardinal était partie prenante des putschistes, célébrant avec ces derniers le renversement du gouvernement Chavez. Un plaisir, toutefois, qui n’aura duré que peu de temps.

Il a également brisé le mythe qui veut que les peuples ne puissent, par eux-mêmes, assumer leur propre destin. Un mythe qui sépare ceux qui sont destinés à gouverner et ceux qui sont destinés à travailler dans les divers secteurs de la société. Par hasard, les premiers appartiennent aux classes favorisées et ont un droit absolu aux études supérieures, alors que les autres, les moins favorisés, doivent être orientés dans les formations techniques et de service. A ce sujet, Chavez a dénoncé cette vision des choses ainsi que l’hypocrisie des défenseurs des démocraties représentatives qui font figurer le peuple uniquement pour voter, mais une fois au pouvoir, ces gouvernements représentatifs se tournent de bord pour servir les intérêts des oligarchies au service desquelles ils mettent les pouvoirs et les richesses de l’État.

Un autre grand mythe qu’il fit éclater est celui de la désinformation présentée comme pure vérité par les médias au service d’intérêts privés. Il a dénoncé les excès d’une presse privée dominante qui ne se gêne pas pour dire n’importe quoi, pour mentir sans gêne et souvent pour inciter à la violence. «  Sur 111 chaînes de télévision, 61 sont privées, 37 communautaires et 13 publiques. Avec cette particularité que la part d’audience des chaînes publiques n’est que de 5,4 %, celle des privées dépassant les 61 % [3] ... Même chose pour la radio. Et 80 % de la presse écrite sont contrôlés par l’opposition ; les deux quotidiens les plus influents - El Universal, El Nacional - étant hostiles au gouvernement. » (1)

A ces mythes dénoncés et combattus, Chavez apporte des alternatives, ouvrant ainsi la voie à un autre monde. Un monde où peuvent coexister le respect, la dignité, la solidarité, la participation responsable, la liberté, la justice, la vérité et l’amour. Un monde qui se construit sur la dignité des plus déshérités et le respect de leurs droits les plus fondamentaux

Son premier geste comme président élu du Venezuela, en 1999, fut de mettre sur pied une constituante pour que les Vénézuéliens aient une constitution qui soit à leur image. Une constitution qui encadre les droits et les devoirs de tous et de toutes. Cette dernière fut votée et approuvée par référendum en décembre 1999. Dans cette constitution, le peuple a de véritables pouvoirs sur ses gouvernants et ses droits y sont clairement inscrits.

Puis, il a réorienté l’usage de la principale richesse du pays (PDSVA) pour la mettre au service de l’ensemble des Vénézuéliens. Une richesse énorme que se partageaient les multinationales qui en assuraient la distribution et les oligarchies locales qui profitaient de cette manne. Elles seront dorénavant utilisées à 43 % au développement du secteur social. Ce sera les grandes missions de lutte contre la pauvreté et l’analphabétisme, la mise en place de centres médicaux dans tous les coins du pays de manière qu’aucun Vénézuélien n’en soit privé. Des politiques ont été développées pour assurer une distribution équitable d’une saine alimentation. Les centres délinquants qui retenaient indûment ces aliments dans des entrepôts pour déstabiliser le pays ont vite été ramenés à l’ordre. Que dire de cette grande mission d’un logement pour chaque famille ? Ce sont des centaines de milliers de logements qui ont été construits, apportant dignité et respect à des millions de personnes. Pour une fois, les classes les plus pauvres ont pu toucher leur part des revenus générés par cette richesse pétrolière.

Pour contrer la désinformation, Chavez s’est donné des outils pour communiquer régulièrement avec son peuple : toutes les semaines, il avait son émission, « Allo président », lui permettant un véritable dialogue avec son peuple. Ces émissions duraient des heures. Elles étaient là pour assurer ce lien fondamental du chef e l’État avec le peuple. Un moment privilégié pour parler également de la révolution bolivarienne, du socialisme du XXIe s. , des défis à relever et des espoirs pour le présent et l’avenir. Il leur parlait de solidarité, de justice, de participation, d’éducation, de soins de santé, mais aussi des problèmes rencontrés dans cette marche vers une société plus juste et plus solidaire. Un moment fort de prise de conscience collective.

A cette première initiative, s’est également ajoutée télésurtv, réseau public de télévision, mis en place pour contrer le monopole des principales télévisions privées du pays. Il a ainsi donné la parole au peuple et à ses principaux représentants, contrant ainsi la désinformation nationale et internationale. Un outil indispensable dans ce long processus de libération.

Chavez a toujours voulu résoudre les conflits et les diverses embûches mises sur sa route par des voies pacifiques et démocratiques. Il est le président de l’Amérique latine qui a connu le plus grand nombre de consultations populaires durant ses 14 ans de règne. A l’exception d’une seule, il les a toutes gagnées. Celle qu’il a perdue, ce fut par moins de 200 000 voix et en bon démocrate, il en a accepté les résultats.

La Fondation Carter a reconnu que le Venezuela avait le meilleur système électoral au monde et que sa démocratie était bien vivante. Ceux qui considèrent Chavez comme un dictateur sont loin de sa moyenne au bâton en ce qui a trait à la démocratie. A titre d’exemple, ici au Canada, nous avons un premier ministre qui dirige le pays en chef absolu avec moins de 25 % de l’électorat canadien. C’est le même qui a souhaité qu’avec la mort de Chavez vienne un gouvernement plus démocratique. Une véritable honte.

Finalement, Chavez a ouvert le Venezuela à l’ensemble de l’Amérique latine et du monde. Il a regroupé les pays de l’Amérique latine sous divers chapeau : ALBA, UNASUR, MERCOSUR, CELAC. Il s’est fait leader de l’intégration de la grande Amérique latine souhaitée par Bolivar et Marti. La présence, à ces derniers adieux, de tous ces présidents et représentants de gouvernements en témoigne.

Chavez a également pris le bâton du pèlerin, le conduisant aux quatre coins du monde. Il a tissé des liens humains de fraternité avec de nombreux chefs d’État, mais toujours dans le respect mutuel et dans un esprit de coopération selon les intérêts de chacun. D’ailleurs, leur présence massive à ce dernier adieu en dit long sur l’estime et le respect qu’il a suscité dans toutes ces régions du monde.

Chavez a semé une semence qui ne pourra que croitre dans le coeur et l’esprit de ces centaines de millions de personnes.

Si le Christ a été pour Chavez le premier-né d’une humanité nouvelle, Chavez est sans nul doute le premier-né d’une ère nouvelle nous conduisant tous et toutes vers cette humanité nouvelle, nourrit de paix, de justice, de liberté, de solidarité, d’amour, de compassion, de responsabilité.

Le socialisme du XXIe s. dont il s’est fait un grand promoteur n’a rien de la rigidité idéologique contrairement à ce qu’en disent ses détracteurs. Il s’inspire tout autant de sa vision évangélique d’un monde solidaire et communautaire, porté par la justice, la vérité et l’amour, que d’une vision humaniste d’un monde en quête de respect, de dignité, de liberté, de justice, de participation à son propre destin. Entre la vision de Jean XXIII, exprimée dans son encyclique PACEM IN TERRIS (PAIX SUR TERRE) et le SOCIALISME DU XXIe s., il y une grande concordance. Je vous invite à lire cet article en référence ici.

Que les détracteurs de Chavez se le tiennent pour dit : Chavez est devenu un peuple, une patrie, un Nouveau Monde en mouvement. Une présence contagieuse qui se fera toujours plus sentir.

« Si vous voulez savoir qui était Chávez, regardez qui pleurent sa disparition, et regardez ceux qui s’en réjouissent, là vous aurez votre réponse ! » Fidel Castro

Oscar Fortin
Le 9 mars 2013
http://humanisme.blogspot.com

A lire :

(1) http://www.legrandsoir.info/pourquoi-chavez.html

http://www.legrandsoir.info/50-verites-sur-hugo-chavez-et-la-revolution-bolivarienne.html

http://www.michelcollon.info/Chavez-est-un-pilier-de-l-identite.html

http://www.michelcollon.info/%E2%80%AFL-amour-est-le-combustible-de.html

URL de cet article 19698
   
Même Thème
Chávez. L’homme qui défia l’histoire
Modesto E. Guerrero
Cette biographie complète du commandant Hugo Chávez, écrite par un intellectuel vénézuélien reconnu, révèle les traits essentiels d’un personnage qui n’appartient pas seulement à la légende mais aussi à l’histoire de son temps. Le lecteur est entraîné dans ce parcours exceptionnel, de la province de Barinas jusqu’aux plus hautes charges de la plus grande révolution d’après la guerre froide. Le portrait intime et politique rejoint ici l’épopée de la libération d’un peuple et de tout un (…)
Agrandir | voir bibliographie

 

Un écrivain doit désormais être un homme d’action... Un homme qui a consacré un an de sa vie aux grèves dans la métallurgie, ou aux chômeurs, ou aux problèmes du racisme, ou qui n’a pas perdu son temps. Un homme qui sait où est sa place. Si vous survivez à une telle expérience, ce que vous raconterez ensuite sera la vérité, la nécessité et la réalité, et perdurera.

Martha Gellhorn, 1935

© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.