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Le Monde Diplomatique, mars 2013

Serge Halimi est désolé : l’équipe du mensuel a tout fait pour différer l’augmentation à 5 euros 40. Mais les rentrées publicitaires se font plus rares et la vente en kiosque a baissé. Et pourtant, il y a de fidèles lecteurs qui font tout pour faire connaître cette excellente publication. Par exemple, cela fait 58 fois que Le Grand Soir consacre un article à la nouvelle livraison du Diplo. Le Grand Soir, qui vit et prospère grâce à une toute petite poignée d’administrateurs bénévoles qui ont fait paraître, à ce jour, plus de 15 000 articles. Jamais Le Monde Diplomatique n’a daigné signaler à ses lecteurs l’existence du Grand Soir. Jamais le Diplo n’a cité un seul de ses articles. Dans le lot, certains valaient tout de même le détour, non ? Il ne s’agit bien sûr pas de " renvoi d’ascenseur " , mais du simple fait que ces deux titres, s’ils ne sont évidemment pas superposables, poursuivent des objectifs journalistiques et politiques communs.

Pour Serge Halimi, les Islamistes sont « au pied du mur », en Tunisie en particulier :

« L’assassinat d’un militant de gauche le 6 février dernier a provoqué une vague de colère contre le parti islamiste au pouvoir et un changement de Premier ministre. Le nouveau gouvernement va devoir se consacrer d’urgence au rétablissement de l’ordre public et à la réduction du chômage. En Tunisie, chacun ou presque estime que les acquis de la révolution sont menacés. Reste à savoir par qui. Par une opposition « laïque » qui refuserait d’admettre que, lors des élections à l’Assemblée nationale constituante d’octobre 2011, les islamistes conservateurs d’Ennahda l’ont largement emporté ? Par ces derniers, qui voudraient utiliser leur victoire pour noyauter l’Etat de l’intérieur, tout en manipulant la peur qu’inspirent les milices salafistes ? Ou, plus simplement, par un manège politique qui rappelle les ballets ministériels de la IVe République française, avec ses blocs parlementaires qui éclatent dès qu’un député ne parvient pas à devenir ministre, ses coups de théâtre qu’on oublie vingt-quatre heures plus tard, ses groupuscules innombrables qui se reclassent en permanence ? Pendant ce temps, la production minière s’affaisse, le tourisme chancelle, l’insécurité s’installe, et plusieurs centaines de jeunes Tunisiens sont déjà partis combattre aux côtés des djihadistes en Syrie, en Algérie et au Mali. »

Dans une longue lettre à Hubert Védrine, Régis Debray explique pourquoi « La France doit quitter l’OTAN » :

« Chargé par le président François Hollande de tirer le bilan du retour de la France dans le commandement intégré de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN), M. Hubert Védrine a conclu que revenir sur la décision prise par M. Nicolas Sarkozy en 2009 « ne donnerait à la France aucun nouveau levier d’influence ». Régis Debray conteste cette analyse.

Cher Hubert,
Les avis rendus par un « gaullo-mitterrandien » - intrépide oxymore - connu pour son aptitude à dégonfler les baudruches pèsent lourd. Ainsi de ton rapport sur le retour de la France dans l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN), que t’avait demandé en 2012 le président François Hollande, confiant - et qui ne le serait ? - en ton expertise et en ton expérience. Le bruit médiatique étant inversement proportionnel à l’importance du sujet, il n’y a pas de quoi s’étonner de la relative discrétion qui l’a entouré. Les problèmes de défense ne mobilisent guère l’opinion, et la place de la France dans le monde ne saurait faire autant de buzz que Baby et Népal, les éléphantes tuberculeuses du zoo de Lyon. Sauf quand une bataille d’Austerlitz nous emplit de fierté, comme récemment avec cette héroïque avancée dans le désert malien qui, sans trop de morts ni coups de feu, fit reculer dans la montagne des bandes errantes de djihadistes odieux. »

Dix ans après, que devient l’Irak demande Peter Harling ?

« Si l’invasion de l’Irak par les Etats-Unis avait bien comme objectif le contrôle du pétrole, ainsi que le confirment des documents récemment déclassifiés (lire « Echec d’une guerre pour le pétrole »), elle se solde par un échec cuisant. La guerre a également fait des centaines de milliers de victimes et déstabilisé l’Etat. Sous le masque d’une étonnante normalité persistent à Bagdad les tensions politiques et confessionnelles. »

Toujours à propos de l’Irak, Jean-Pierre Séréni évoque l’« Échec d’une guerre pour le pétrole » :

Longtemps, les responsables américains l’ont affirmé : l’invasion de l’Irak n’était pas destinée à s’emparer du pétrole. Pourtant, des documents récemment déclassifiés racontent une autre histoire. Pour la population irakienne, c’est une évidence ; pour les « faucons » du Pentagone, un contresens. La guerre d’Irak, qui, depuis mars 2003, a fait au moins six cent cinquante mille morts, un million huit cent mille exilés et autant de personnes déplacées, a-t-elle été une guerre pour le pétrole ? Grâce à une série de documents américains récemment déclassifiés. et malgré les dénégations de M. George W. Bush, de son vice-président Richard (« Dick ») Cheney, de son ministre de la défense Donald Rumsfeld, ainsi que de leur fidèle allié Anthony Blair, premier ministre britannique au moment de l’invasion, l’historien peut désormais répondre à cette question par l’affirmative. »

Y a-t-il aujourd’hui droitisation, demande Alain Garrigou ?

« Au renoncement du gouvernement français à la plupart de ses engagements économiques et sociaux (interdiction des licenciements boursiers, domptage de la finance) répond comme en écho la mobilisation des forces conservatrices contre la loi sur le « mariage pour tous ». Doit-on pour autant conclure à une droitisation de la société ? Il faudrait d’abord s’accorder sur ce que signifie réellement cette expression. « Assistanat », immigration, exil fiscal suscitent de plus en plus de réactions de retour à l’ordre, de célébration de l’autorité, de justification des inégalités. De la droite à la gauche de l’échiquier politique, le diagnostic de la droitisation semble faire l’unanimité, que ce soit pour s’en réjouir, pour s’y adapter avec ou sans complexes, pour s’en accommoder avec résignation ou mauvaise conscience, ou pour s’en navrer. En 2007, lors de l’élection de M. Nicolas Sarkozy, le diagnostic était parfois tempéré par la résistance des « valeurs humaniste ». Aujourd’hui, il le serait par l’approbation de réformes sociétales comme le « mariage pour tous ». Il n’empêche : dans les domaines économique, social et politique, la chose serait claire. Ne resterait plus qu’à en mesurer l’ampleur et la vitesse. Or, mieux vaudrait comprendre la droitisation que répéter des explications toutes faites. »

Sabine Cessous décrit l’Afrique du Sud d’aujourd’hui : « Trois émeutes par jour en Afrique du Sud » :

« En dépit d’accusations de corruption, le président Jacob Zuma a été réélu à la direction du Congrès national africain (ANC) le 18 décembre dernier. Mais les signes de fragilisation se multiplient, comme la création du parti Agang (« Construisons ») par la célèbre militante antiapartheid Mamphela Ramphele, en vue de l’élection présidentielle de 2014. La sanglante répression de la grève des mineurs de Marikana, le 16 août 2012, a révélé l’ampleur de la crise sociale et les débats qu’elle suscite dans la nation arc-en-ciel. »

La situation est très tendue en Slovénie, selon Jean-Arnault Dérens :

« Un premier ministre minoritaire au Parlement qui refuse de démissionner, des syndicats mobilisés et une « révolte citoyenne » qui se diffuse dans les rues comme sur la Toile : tel est le cocktail détonant qui agite la Slovénie, d’ordinaire beaucoup plus calme. La casse programmée d’un modèle social singulier, au nom des mesures d’austérité, a mis le feu aux poudres. »

Klavdij Sluban démystifie Les îles Kerguelen :

« Partir pour l’Antarctique et y vivre loin de toute agitation relève du voyage idéal... Mais la réalité est moins romantique : en ces lieux austères aux paysages d’une infinie beauté règnent les impératifs nombreux des autorités françaises de la métropole. Et les poètes n’ont guère le temps de rêver. »

L’exploitation du sous-sol est en train de tuer la Mongolie traditionnelle (Régis Genté) :

« L’exploitation intensive du sous-sol, hier considérée comme sacré, bouleverse tout sur son passage. Certes, l’effervescence minière dope la croissance, mais la Mongolie voit ses paysages déchirés, le nomadisme traditionnel disparaître peu à peu, la pollution s’étendre : Oulan-Bator, deuxième ville la plus polluée du monde, s’agrandit avec des quartiers parfois bricolés de yourtes, parfois étincelants de tours pour nouveaux riches. »

La réforme bancaire de celui qui n’a « qu’un seul ennemi, la finance », est bien décevante (Dominique Plihon) :

« Le problème identifié, la solution coulait de source : les acrobaties financières d’une poignée de banquiers appelaient une réglementation vigoureuse de leur activité. Pourtant, alors qu’en France le gouvernement se félicite de ce que ses projets dans ce domaine ne « gênent » pas trop les banques, la réforme proposée par Bruxelles en décembre dernier s’emploie à les choyer. »

François Lenglet est bien le porte-parole des grands patrons, de la pensée unique sur la chaîne publique France 2 (Jean Gadrey et Mathias Reymond) :

« Des chiffres, des courbes et des graphiques : en période de crise, la pédagogie libérale gagne en dispositifs didactiques ce qu’elle perd en faconde. « Les chiffres ne mentent pas, mais les menteurs adorent les chiffres », aurait en substance résumé l’écrivain américain Mark Twain. Si deux et deux font toujours quatre, il existe en effet plusieurs façons de manier l’arithmétique. La première relève d’une démarche scientifique : on avance une hypothèse, on rassemble des données, et on parvient soit à la validation de l’hypothèse, soit à une indétermination " auquel cas la réflexion doit être affinée. L’autre méthode consiste à partir d’une idée préconçue, et à organiser les données de façon à en suggérer la confirmation par les « faits ». Ce type d’acrobatie statistique a désormais un expert : François Lenglet, directeur du service « France » de France 2. »

Pierre Rimbert (« Vite fait, bien faux ») dénonce une malhonnêteté intellectuelle concernant J.-L. Mélenchon :

« Quoi de plus savoureux qu’une fausse information rebondissant de support en support au gré des reprises non vérifiées ? Le 7 janvier 2011, le journaliste Jean Quatremer met en ligne sur son blog Coulisses de Bruxelles un texte sobrement intitulé « Jean-Luc Mélenchon aime la dictature cubaine et le dit (bis) ». Sur la base d’une information communiquée par un internaute, il écrit à propos du coprésident du Parti de gauche : « Comme me l’a signalé Toral, voici ce qu’il [M. Mélenchon] déclarait au Monde diplomatique daté du 5 juillet 2010 : "(…) Je félicite Cuba, sa résistance et les contributions qu’elle a faites à la science, à la culture, au sport et à l’histoire universelle." » Las, la référence est (doublement) erronée : non seulement le propos de M. Mélenchon n’a pas été publié par Le Monde diplomatique, mais ce journal, arrimé depuis 1954 à une périodicité mensuelle, n’est daté d’aucun jour particulier comme un simple coup d’oeil à la « une » suffit à s’en convaincre. Il n’y a donc pas plus de Monde diplomatique « daté du 5 juillet 2010 » que de beurre en broche. »

Nafeez Mosaddeq Ahmed voit dans le gaz de schiste une grande escroquerie :

« Énergie bon marché contre pollution prolongée : aux États-Unis, le dilemme relatif à l’exploitation des gaz et pétrole de schiste n’a tourmenté ni les industriels ni les pouvoirs publics. En moins d’une décennie, ces nouvelles ressources auraient aiguillé l’Amérique sur les rails de la croissance, dopé l’emploi, rétabli la compétitivité. Et si cette « révolution » n’était qu’une bulle spéculative sur le point d’éclater ? »

L’arme favorite des entraîneurs de football est désormais la calculette (Simon Kuper) :

« Une enquête vient de mettre au jour l’existence d’un réseau de corruption ayant porté sur 680 matchs de football et impliquant 425 dirigeants de club, joueurs et arbitres dans 15 pays. Mais d’autres chiffres intéressent davantage les entraîneurs, qui ont récemment troqué leur « bon sens » empirique contre des séries statistiques. Selon eux, les rencontres se gagneraient désormais la calculette à la main. »

Le monde compte désormais des centaines de millions d’adultes qui vivent seuls (Eric Klinenberg ) :

« Résiduel il y a cinquante ans, le nombre de personnes qui vivent seules a explosé dans les pays dits « développés ». Certains y voient le signe d’un isolement social croissant, voire d’une forme de narcissisme. Pourtant, l’étude des conditions qui ont rendu possible cette transformation révèle un tableau bien plus nuancé, mêlant individualisme et profusion relationnelle. »

Serge Govaert est allé à la recherche des artistes flamands et de l’identité belge :

« Europe des régions ou Europe des nations ? La Belgique, qui accueille à Bruxelles les commissions du Parlement européen, choisira peut-être l’éclatement, et semble envisager " ce que refusent de nombreux artistes " de préférer l’identité régionale à l’identité nationale. Quels sont les enjeux de ce choix ? »

Maurice Lemoine analyse « La croisade oubliée du cardinal Ratzinger », l’un des papes les plus réactionnaires du XXe siècle :

« Dans les commentaires sur la renonciation du pape Benoît XVI, une tonalité domine : en quittant son trône avec « courage et panache », le souverain pontife se conforme aux critères de la modernité. Pourtant, en Amérique latine, le souvenir qu’a laissé l’ex-cardinal Joseph Ratzinger restera associé à un grand bond en arrière. »

http://bernard-gensane.over-blog.com/

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