Par Patrick Mignard
Le référendum sur la Constitution Européenne au sein du PS a au moins l’avantage de la clarté : il clarifie la philosophie politique de ce parti. C’est le choix du libéralisme qui a été fait. Cette situation clarifie également le débat politique et va redistribuer les cartes sur l’échiquier politique.
Le double discours dans lequel se complaisait le PS entre social et libéralisme n'a plus lieu d'être. Ce référendum interne nousfournit une nouvelle grille de lecture.
DITS ET NON DITS
La victoire du «oui» au référendum au sein du PS a probablement d'autresraisons que la simple adhésion des militants à l'option libérale du texte de laConstitution. Dans tout parti largement bureaucratisé, les conflits de pouvoiret les ambitions personnelles ont joué un rôle non négligeable dans la décisionde celles et ceux qui se sont exprimés. Les perspectives de l'électionprésidentielle et le choix à venir du candidat du parti n'étaient certainementpas absents des esprits... la personnalité du leader du «non», libéral notoire, ajoué à coup sûr un rôle.
La victoire du «oui» au PS ancre, en dépit de tout cela, ce parti dans lagrande mouvance libérale de la construction européenne. Celles et ceux quiosaient espérer une singularité du PS dans la dérive libérale de la socialdémocratie européenne, en sont pour leur frais. Le PS a rejoint cette mouvanceet s'apprête, au côté des partis les plus conservateurs, à nous construire uneEurope du capital dont nous voyons déjà les dégâts.
Le PS va-t-il une nouvelle fois nous rejouer, pour l'Europe, la comédie qu'ilnous a joué pour accéder au pouvoir en France?... il y a tout lieu de lecraindre. Comment va-t-il pouvoir se dépatouiller de la double contradictiondans laquelle il s'est mis:
- unegrosse minorité de ses militant-e-s s'est prononcé pour le «non»... vont-ils militerdésormais pour le «oui»? La «discipline républicaine» comme ils disent, devraitl'imposer. Ca promet d'être cocasse.
- maissurtout comment va-t-il se distinguer de ses soit disant adversairespolitiques, mais désormais alliés, durant la campagne du référendum? Quelle vaêtre la valeur de la crédibilité de son discours quand il nous parlera de«danger libéral»?
Les «non dits» auront-ils la même importance que les «dits». Déjà que la«langue de bois» est la langue la mieux utilisée dans les organisationspolitiques, elle risque de s'enrichir de nouveaux concepts dans les mois à venir.
AVEC QUI SORTS TU CE SOIR?
Ce «oui» du PS va avoir des conséquences sur les alliances politiquestraditionnelles.
La Gauche est la principale concernée et va probablement voler en éclat... si cen'est déjà fait il est vrai,....mais tout rabibochage éventuel, ou tentative,risque d'être problématique.
Le PCF déjà en lambeaux, qui a toutes les peines du monde à exister perd, danscette affaire, son principal allié, celui qui lui permet d'existerélectoralement... par les alliances électorales locales et nationales. Va-t-ilpouvoir continuer à pratiquer ce genre d'exercice avec un partenaire qui a siouvertement trahi? La question mérite d'être posée. Si oui, il se déconsidère.Si non il s'affaiblit. A moins qu'il ne cherche d'autres appuis...
Les Verts, complètement divisés sur la question de l'Europe perdent égalementleur principal allié.
On peut faire confiance dans les bureaucraties de ces deux partis pour «retombersur leurs pieds» et faire en sorte que «compromis politiques» et défense deleurs intérêts coïncident... Mais que va t-il en être de leurs militant-e-s lesplus conscients? Des forces centrifuges sont déjà à l'oeuvre dans cesorganisations...
La LCR quant à elle attend son heure: l'effondrement de la Gauche, ladéliquescence du PCF et des Verts fait son affaire... Elle est prête à prendre laplace laissée toute chaude... la «nouvelle Gauche» dont elle parle à demi-motsc'est elle... elle en est convaincue... prête à récupérer les militants déçus et à nouer de nouvelles alliances.
En dehors de toutes ces magouilles, le mouvement social, et les quelquesorganisations qui ont la prétention de le représenter, vont avoir leurrôle à jouer.
ATTAC, la principale et la plus bruyante, déjà l'objet de toutes lesconvoitises va être soumise à forte pression. Les rescapés de la gauche vonts'y accrocher comme à une bouée de sauvetage (ça a déjà commencé!). Lesdirigeants de cette organisation, qui se prennent déjà pour des «sages», vontavoir leur «ego» qui va exploser. Réticent à s'engager sur le plan purementpolitique, quoique assidûment courtisée et noyautée dans ses instancesdirigeantes par les organisations de la gauche et de l'extrême gauche (maischut, faut pas le dire!), elle va être largement sollicitée. En manque deprojets que va-t-elle décider? Va-t-elle constituer bon gré, mal gré, un pôlede résistance au «oui»? Probablement... mais sous qu'elle forme? Cette nouvellefonction ne va-t-elle pas l'entraîner dans une mutation? Affaire à suivre etattentivement...
PEUT-ON SE FOUTRE DE TOUT CELA?
Ce vote du PS on pourrait parfaitement l'ignorer en considérant que cen'est que manoeuvres et magouilles bureaucratiques. Certes, mais ce n'est pasaussi simple.
Une nouvelle situation s'ouvre: ce qui pouvait paraître comme une alternance(beaucoup de gens y croient encore,... ben oui, c'est ainsi!), la Gauche, est entrain de disparaître complètement. Autrement dit la disparition d'un espoird'alternative va devenir évidente aux yeux du plus grand nombre. Question: quedoit-on faire?
L'Europe qui se met en place va démultiplier les drames sociaux que nousconnaissons, les riches vont devenir de plus en plus riches et les pauvres deplus en plus pauvres... d'ailleurs les statistiques officielles le confirmentdéjà . La répression va prendre le pas sur la prévention et l'Etat va avoir demoins en moins les moyens de se payer la «paix sociale». Quelle perspective?
L'Histoire du 20e siècle nousapporte quelques réponses... je ne m'y étendrai pas, elles sont connues.
Imaginez quel peut-être le poids d'un discours populiste dans une sociétébloquée, minée par les inégalités, les dérives communautaristes, submergés parles chômeurs et les exclus,...? Que reste-t-il au citoyen qui n'a comme seulmoyen d'action que le bulletin de vote? A qui va-t-il confier son avenir?...Dois je en dire plus?...
Les médias nous imposent les mêmes pitoyables marionnettes dont l'horizon n'estborné que par leurs prétentions électorales, qui nous ressassent les mêmesdiscours, dans lesquels ils nous font, sans rire, les mêmes promesses, où ilsnous prodiguent les mêmes flatteries pour s'assurer de nos voix.Fini la solidarité, place à l'individualisme.
Notre avenir et celui des générations futures n'est certainement pas dans cesélucubrations ridicules . A nous de mettre en place de nouvelles solidarités,de nouveaux rapports sociaux, d'organiser de nouvelles alternatives .
On est loin du référendum au PS. Finalement non... il est une étapesupplémentaire vers le chaos social que nous réserve le système marchand et saconception libérale. Le défi qui se pose aujourd'hui est moins celui despoliticiens, que le notre... Il y va de notre avenir et de celui de celles etceux qui nous succèderont.