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Une Etoile Noire au Coeur de Feu : Franca Maï

« 13H18, un mercredi 8 février 2012 Je suis partie aujourd’hui. J’ai rejoins le soleil qui brille et la lune ricanante. Sachez que je vous protège de leurs clartés lumineuses : Je vous aime...Fuck la mort - Franca Maï » (1)

A la fée de vingt ans…

Une Etoile Noire au Coeur de Feu : Franca Maï

Il y a un an, le 8 février 2012, s’est éteinte une Etoile Noire au Coeur de Feu… Elle se nommait Franca Maï… Puis un mardi de février, en Normandie, un glissement d’air est passé sur le chagrin de ses proches… Pensée pour Elle…

Franca, "La Singulière’.

C’est ainsi qu’elle s’était désignée, là ou persiste la trace d’elle (1-2-3)
A l’instant où elle a du dire "Je suis prête’,
Elle a rajouté "Je vous aime’
Et aussi "Fuck la mort’, sans majuscule…

Elle s’était voulue :

Un temps actrice, et même vampire dans l’univers de Jean Rollin… "Fascination’… Voyageuse au Mexique, pays des chiens jaunes et des rites funéraires macabres et joyeux à la fois… Chanteuse rockeuse, un temps court… Réalisatrice de films carnassiers, période …’Fatale Morgana’

Au passage du millénaire, c’est l’écriture qui la saisit, entre romans et web magazine, elle ne la quittera plus… Le « Blog de Feu » de Franca est un champ de braise empli de mines et de pépites.

C"est l’écrit qui révèle "la Singulière’, le mot lui convient, très exactement : Momo qui Kills, Jean-Pôl et la môme caoutchouc, Speedy Mata, L’ultime tabou, Pedro, L’amour carnassier, Crescendo… Et…Et…
Et aussi un grand nombre de "Nouvelles’ : Mater dolorosa, La ligne blanche, Flash de lucidité, Quicky, Soleil aveuglant, Le clochard ricanant… Et bien d’autres ; et des poèmes aussi… Autant de textes qui écorchent, dissèquent, essorent, les plaies du monde.

Des paroles encore, données ou empruntées , à ceux que l’on voudrait faire taire ; les Cesare Battisti, Tristane Banon , Nathalie Ménigon, Jean Marc Rouillan, et d’autres … On y trouve le chaos et l’humanité du monde, du côté de la résistance et du refus de l’injustice. Franca était du bon coté de la barricade…

Vêtements noirs, ongles laqués noirs, lunettes foncées, c’était son armure pour affronter le réel.
Mais derrière la cruauté brute des mots qui éclatent des réalités sordides, au-delà du pire mis en lignes brûlantes et du chaos du réel éclairé de la lucidité ; elle ne cessait pas de voir le fragile, le pudique, le sensible, l’étincelle d’humanité, dans le plus noir de ses personnages…

Et puis un soir…

Un soir, un Aigle Noir a fondu sur elle… Son bec a percé ses tripes pour y planter le mal qui devrait s’y répandre, horriblement…
Dans ce combat s’est révèlée la face courage de Franca. Son "Fuck la mort’ n’était pas une bravade, c’était sa manière de lutter debout, n’en déplaise aux attristés ou aux "docteurs’ de l’Institut anticancéreux Gustave Roussy …

Ce fut le temps du "soleil aveuglant’ (4), celui du "rétrécissement’ (5), le temps ou l’on s’approche de la ligne de feu, et où déjà ce n’est plus du jeu…
Lors des derniers mois de ce combat dernier, dans les confidences croisées de sa correspondance belle, elle mêlait douleur et tendresse pour la Vie, qu’elle voulait intense. Un "talisman’ à ses côtés, issu d’elle, irremplaçable, lui en donnait la force…

De son mal, qui terrasserait demain "La Singulière’, elle le savait, elle a fait témoignage… Pour d’autres qu’elle. Pas une plainte, pas un renoncement ; mais une lucidité intégrale et magnifique. Dans ses mots, dans sa voix, la dernière fois au matin d’un de ses derniers dimanches, elle disait comment, dans les moments ou s’infiltraient en elle les "killeuses molécules’, pendant les "chimio’, elle aimait disait elle écouter le chant "singulier’ lui aussi, d’une autre courageuse, trop tôt disparue elle aussi, Lhasa , qui avait pareillement accompagnée, et elle le savait, un autre destin pour moi proche. Un hommage sur son blog, avec ses morceaux préférés (6)… Ce fut le temps de "La vie même au-delà des nuages’ (7) et du "Dernier train avant le bleu du ciel’ (8)…

Dans ce temps qu’elle savait devoir se clore, elle a, dans l’encre de ses tripes, puisée un texte splendide : "Divino Sacrum’, où tout se disait… Tout se disait autour de ce vécu, de ce "coquelicot’ sur son ventre, la "stomie’ comme ils disent… Tout se disait aussi de l’étrange mutation du monde des bien portants, qui se produisait autour d’elle… Tout se disait de la détresse pardonnée de l’un qui s’éloignait de la "Vielle cancéreuse fripée’ sans voir comment elle était belle encore en toute sa personne… Tout se disait, avec une infinie justesse, du désarroi des êtres chers et de la lâcheté de quelques uns, de l’infranchissable distance avec les soignants, sans altérer la gratitude à leur égard… Tout se disait, du gouffre béant qui s’ouvrait…
Pour le dire, ses mots franchissaient les lignes ; comme un fantassin au bord de la tranchée sait à quoi il s’expose en faisant le pas en avant qui l’expose à la mitraille…

Nous nous étions dit tout cela, autour de ce manuscrit qu’elle m’avait confié pour "échanges’, au "soignant’ que j’étais, dont elle avait emprunté quelque texte pour son blog, et au confident un peu devenu.

Elle a été surprise, blessée par la mitraille inattendue, venue de… son éditeur… Effrayé sans doute par la crudité des mots, incapable peut être de déceler derrière la description de la lâcheté de certains hommes, la grandeur et la compassion renversée de la "Vieille cancéreuse fripée’… Incapable de percevoir qu’elle n’avait aucun compte à régler, mais un immense amour à donner, encore… Et le courage pour le dire… Obstacle à la parution ! Qui se voulait posthume… "Qui a tué Franca Maï’ ? En voulant taire son plus beau texte... Ainsi pourrait chanter le poète pour cette deuxième mort, dont elle me disait la rage…

Combien sommes nous à avoir partagé "Divino Sacrum’ ? Je ne sais… Je mesure seulement le privilège d’avoir reçu d’elle, ce cadeau à la Vie.

Dans ses romans fiction, comme dans ses derniers écrits, explosait de nos vies le sombre ou l’horrible. Mais Franca Maï laissait toujours paraître l’autre face des misérables que nous sommes. La face belle et tendre, même des blessés de la Vie, dont elle saisissait l’essentiel… Ni héros, ni salauds chez Franca Maï, des humains, simplement humains, cruels, solitaires souvent, et parfois de façon fulgurante attachants, dans leur noirceur même ou leur transformation inattendue.

Rien dans ses romans qui permette au lecteur de s’identifier et se donner le beau rôle, tout à tour l’un, l’autre réduit à son essence complexe et trouble… Ses livres n’étaient pas des livres, c’était des miroirs qui déchirent le regard, nous renvoyant la lumière ou la noirceur. On ne sort pas indemne de s’exposer à sa lucidité… S’exposer à ce que nous avons tous ressenti, effleuré ou vécu… Blog de feu, livre de feu…

Sa voix belle, sure et calme, nous reste… Dans nos pensées, dans quelques vidéos bouleversantes pour les derniers enregistrements, peu avant que l’Etoile Noire ne s’éteigne…
Mais le Coeur de Feu bat encore, qui chasse la tristesse et le froid… Fuck la mort, oui.

Ciao, et merci, Franca.

Jacques Richaud 6 février 2013

(1)"A la Une’ : http://www.e-torpedo.net/
http://www.e-torpedo.net/article.php3?id_article=3556&titre=Nouvel-article,3556

(2)Franca Maï, la Singulière.
http://www.francamai.net/

(3)Le blog de Franca. http://francamai.net/franca/

(4) A propos du cancer : Soleil aveuglant une nouvelle de Franca Maï
http://francamai.net/franca/index.php?2010/03/18/94-a-propos-du-cancer-soleil-aveuglant-une-nouvelle-de-franca-mai

(5) Rétrécissement une nouvelle de Franca Maï
http://www.francamai.net/article.php3?id_article=177

(6) Lhasa de Sela - Pa’Llegar a tu Lado
http://www.youtube.com/watch?v=qnDl9a6FqSA&feature=related (6’51)
Lhasa de Sela - De Cara a la Pared
http://www.youtube.com/watch?v=iKuZz3YeAkI&feature=player_embedded#! (4’15)
Franca Maï : Elle combattait la maladie depuis plus de 21 mois, ciao douce Lhasa
http://www.e-torpedo.net/article.php3?id_article=3123&titre=Elle-combattait-la-maladie-depuis
Aussi :
http://www.ledevoir.com/culture/musique/280396/lhasa-de-sela-1972-2010-depart-premature-d-une-artiste-marquante

(7) La vie même au-delà des nuages par Franca Maï co-fondatrice du e-torpedo.net (vidéo)
http://www.e-torpedo.net/article.php3?id_article=3547&titre=La-vie-meme-au-dela-des-nuages-par&date=2011-07

(8) Les soins palliatifs à domicile ou le dernier train avant le bleu du ciel par Franca Maï
http://www.e-torpedo.net/article.php3?id_article=3552&titre=Les-soins-palliatifs-a-domicile-ou

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