[Le Ministre de l’Intérieur algérien] M. Daho Ould Kablia s’est précipité un peu en affirmant, dès mercredi soir, que les djihadistes engagés dans cette prise d’otages étaient de la région et ne venaient pas de l’étranger. Dans l’édition du jeudi, Le Soir d’Algérie signalait que parmi les assaillants, il y avait des personnes qui parlaient avec des accents égyptien, libyen, tunisien, etc. Et on était loin du compte : il y avait également un Français et, probablement, un Anglo-Saxon. Une véritable multinationale du crime venue de Libye. D’ailleurs, le lendemain, le ministre de l’Intérieur corrige le tir et reconnaît que ces terroristes venaient du pays limitrophe.
L’Algérie est toujours visée par les mêmes mouvements islamistes. Le survol de notre territoire par des avions militaires français n’était qu’une excuse : ces hordes sauvages attendaient la moindre occasion pour nuire aux intérêts algériens et cette opération a dû être préparée bien avant la guerre au Mali. S’ils en avaient les moyens, ils transformeraient notre beau pays en Libye dévastée ou en Syrie déstabilisée et ruinée. L’islamisme ayant échoué à déclencher ici sa « révolution » macabre sur le plan politique, il en revient à son péché mignon : la force brutale, l’assassinat, l’enlèvement. Ignorer sa capacité de nuisance, baisser la garde, c’est lui permettre d’agir librement et de créer la confusion. Alors, vigilance !
Il est bizarre que personne, parmi ces beaux donneurs de leçons, n’ait pensé à incriminer Sarkozy et son beau conseiller sioniste, M. Bernard-Henri Lévy, pour leur rôle et leur responsabilité dans l’implosion d’une Libye livrée aux mouvements extrémistes et dont les armes, du plus petit fusil aux lourdes et sophistiquées artilleries, sont à la portée de n’importe qui. Personne n’a pensé à rappeler que l’Algérie s’est époumonée à avertir les assaillants des conséquences néfastes de leur aide à l’extrémisme religieux et aux forces obscurantistes cachés au milieu des « révolutionnaires de l’Otan ».
Si le monde n’était pas aussi injuste, les tribunaux représentant les peuples et non les intérêts de l’impérialisme et des forts de ce monde, iraient chercher MM. Sarkozy et Bernard-Henri Lévy pour leur demander des comptes. Mais comme ce monde est injuste, il continuera à traîner devant le machin de La Haye les mêmes représentants des nations faibles, se cachant les yeux pour ne pas voir les crimes des puissants, faisant la sourde oreille aux cris des suppliciés d’Abou Ghrib en Irak ou aux pleurs des orphelins et des veuves en Palestine !
Sarkozy et la France officielle portent la responsabilité d’avoir anéanti un pays et totalement désorganisé tous ses services, le livrant aux hordes sauvages qui, au nom d’une démocratie retrouvée, font souvent pire que l’ancien dictateur. M. Bernard- Henri Lévy dit clairement qu’il a agi pour Israël et le sionisme. Il a, au moins, le mérite de la franchise. Mais, pour quels intérêts M. Sarkozy a-t-il agi ? Et dans quel état d’esprit est-il ce matin en apprenant le nombre de morts d’une opération conduite par des gens auxquels il a livré la Libye ?
Durant toute la campagne peu glorieuse de l’Otan, nous avons attiré l’attention sur ces dangers et rappelé la présence de membres d’Aqmi parmi les « révolutionnaires khoroto ». Nous avions clairement indiqué que notre pays serait parmi les premières cibles de cette internationale du crime qui va trouver aide financière, soutiens militaires et facilités dans la « nouvelle » Libye.
Nous avions raison de craindre ce nouveau front et, maintenant que le pire a eu lieu, nous espérons que l’autre machin appelé communauté internationale, va demander des comptes aux autorités libyennes et s’occuper un peu de la foire aux armes qui se tient à ciel ouvert dans ce pays. Condamner l’assaut des militaires algériens contre le site gazier est bien beau, mais ne faut-il pas en même temps, condamner cette Libye devenue sanctuaire des terroristes ?
Tout au long de la longue journée du jeudi, les Algériens ont cherché à comprendre ce qui se passait. A la télévision nationale, on a fait comme d’habitude. Ni vu, ni connu. Ils n’ont rien dit ou presque. Au moment où toutes les télévisions du monde étaient branchées sur In Aménas, l’ENTV parlait de théâtre, de nouvelles routes et de football. Ce n’est pas nouveau et il est inutile de remuer le couteau dans la plaie. Nous sommes fatigués de rappeler cette télévision à son devoir premier qui est d’informer les Algériens qui sont obligés, à chaque fois, de puiser les nouvelles chez les étrangers.
Inutile aussi de rappeler le rôle néfaste de la chaîne qatarie « Al Khanzira » qui, contre toute éthique, a donné la parole aux ravisseurs. Ainsi, en l’absence de toute réaction officielle, les terroristes devenaient la principale source d’information pour toute la planète ! Al Jazeera est l’ennemie du peuple algérien. Il n’y a rien à attendre de ces princes laudateurs des sionistes, de ces traîtres qui n’ont qu’une envie, qu’un rêve : voir notre pays déstabilisé, injecter leur venin dans l’esprit de nos jeunes pour en finir avec les républiques arabes !
Un journal français a même accusé le Qatar de financer certaines organisations terroristes du Sahel et, à voir la facilité avec laquelle les terroristes communiquent à travers Al Jazeera, on lui donnerait raison. N’oublions pas que cette chaîne était par « hasard » devant notre consulat de Gao pour filmer nos diplomates à l’intérieur d’un gros 4X4 ! La chaîne qatarie était la seule autorisée à relater les « hauts faits » de la guérilla islamiste dans les rues de la capitale du nord du Mali et dans celles de Tombouctou et de Kidal ! Nous pensons qu’il est temps de demander des comptes au sponsor major des intégristes et de revoir nos relations avec cet Etat fantoche où il n’existe ni démocratie, ni partis, ni syndicat, ni droit de grève, ni de presse libre !
Mais à voir l’accueil chaleureux qui lui a été réservé lors de son dernier séjour chez nous, on peut douter d’un quelconque sursaut de notre part ! Evidemment, on nous dira que le champ audiovisuel s’est enrichi des chaînes privées. Ces dernières ont essayé d’intervenir dès l’annonce de la prise d’otages mais le manque de moyens et l’absence d’informations fiables rendaient leur tâche extrêmement difficile.
Dans les jours qui suivent, les observateurs tenteront de comprendre comment un site parmi les mieux protégés en Algérie a pu être attaqué avec une facilité déconcertante et comment une poignée de terroristes ont pu enlever des expatriés et prendre possession d’une base de vie et d’un complexe industriel ! Nous savons qu’il y a deux types de sécurité : la première, confiée aux forces militaires, concerne l’extérieur des sites industriels ; la seconde, intra-muros, est gérée par des sociétés privées appartenant généralement à des officiers en retraite. Nous savons qu’il est difficile, voire impossible de circuler dans toute la région sans titre de passage délivré par les autorités militaires. Pour aller dans ces zones pétrolières, plusieurs de nos collègues ou amis rendant visite à leurs familles, se sont vu obligés de solliciter ces documents.
On peut légitimement se poser des questions sur la présence de plusieurs voitures bourrées de terroristes et d’explosifs dans les parages de ce site hyper-protégé ! Il y a visiblement défaillance et il faudrait consolider la sécurité par le renforcement des contrôles et l’installation de barrages fixes. Au nord, nous sommes souvent contrariés par la présence de dizaines de barrages sur des tronçons très courts. N’est-il pas temps d’alléger ces dispositifs vigilants et intraitables sur une ampoule rouge grillée ou deux kilomètres de plus par rapport à la limite autorisée, pour mettre le maximum d’obstacles sur les routes du Sud et celles proches des frontières ?
Quant à la surveillance des sites eux-mêmes, tout est à revoir. Les sociétés chargées de ce travail ne sont pas toutes d’un bon niveau. Et, en attendant de savoir exactement ce qui s’est passé, il y a lieu de revoir entièrement ce système à base de copinage et de compromissions. On peut comprendre que l’on puisse fermer les yeux sur la qualité des services administratifs ou de gestion des « bases de vie », mais manquer de vigilance en matière de sécurité est impardonnable !
Il faut impliquer les forces publiques dans la gestion de cette sécurité intérieure. Pour le moment, c’est le seul moyen de garantir l’inviolabilité des lieux et de rassurer les sociétés étrangères. Puisqu’on ne peut pas autoriser les sociétés occidentales de gardiennage à armer des spécialistes expatriés, il vaut mieux que l’Etat reprenne la surveillance intramuros. Du moins, dans une phase transitoire, en attendant que l’on fasse le ménage dans le secteur.
Enfin, il est certain que l’opération d’In Aménas va déplacer certaines lignes de démarcation sur les plans politique et idéologique. Le pouvoir actuel, jugé trop permissif avec l’islamisme et qui a libéré des terroristes recyclés depuis, à coups de milliards, dans le commerce, va devoir revoir sa ligne. Il ne s’agit pas de revenir sur la politique de réconciliation nationale qui a permis à de nombreux terroristes de rompre définitivement avec les groupes armés, comme il n’est plus possible d’interdire les partis islamistes modérés qui disent agir dans un cadre démocratique.
Ce qui est demandé dans la phase actuelle est d’intensifier la lutte anti-terroriste, de surveiller les éléments libérés qui sont susceptibles de rejoindre le maquis et de revoir entièrement les programmes scolaires qui doivent s’ouvrir davantage sur le monde extérieur, les langues, la science et la technologie. Il est nécessaire aussi de lancer un plan spécial pour l’emploi des jeunes (pas les contrats bidon, mais de véritables emplois dans les secteurs productifs) et une politique des loisirs qui puiserait dans les budgets colossaux des festivals et des inutiles « années de... », les financements nécessaires à une vie culturelle « normale ».
Durant de longues années, nous avons eu l’impression que la lutte des patriotes algériens, leurs sacrifices et leurs espoirs ont été trahis par une politique de compromission avec l’islamisme. Il faut rendre l’Algérie aux Algériens. Politiquement, économiquement, culturellement, culinairement, sur le plan des habits, etc. Dans les années difficiles, nous n’avons compté que sur nous-mêmes.
Ni l’Occident, ni le monde arabe (hormis la Tunisie) n’ont compris notre situation, ni aidé à y faire face. C’est parce que nous avons compté sur nos propres forces que nous avons pu nous en sortir. Avec des caisses vides, le désintérêt d’un monde incrédule, l’indifférence des puissances, l’hypocrisie des frères, l’Algérie a résisté et gagné. Ayons en mémoire ces barouds, ces tirs en l’air des policiers et des gendarmes, ces youyous stridents qui ont salué la victoire de l’Algérie républicaine ! L’Algérie algérienne revenait sur scène après avoir failli disparaître ! Et si nous avons pu faire tout cela avec zéro dinar en poche, que ne pourrions-nous faire avec les coffres pleins !
Que ceux qui détiennent les clés du coffre comprennent que ce pays est riche sur tous les plans, que nous n’avons pas besoin des Qataris pour édifier l’usine sidérurgique de Bellara, rêvée par les patriotes des années 1970... Revenons à notre philosophie de cette époque glorieuse, revenons au « compter-sur-soi », revenons à une certaine idée de l’intégrité, de la justice, de la solidarité et du bien collectif, revenons à nous-mêmes pour sauver nos enfants !
Mâmar Farah
Le 18 janvier 2013
Source : Tigantourine : Les premières leçons