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Il n’existe pas de "Licenciement boursier" !

Préambule :

Le langage libéral, cette "novlangue’ au service du capitalisme et de la neutralisation de la langue des travailleurs et du socialisme , est parvenu a glisser dans le mental et dans les propos de nombreux commentateurs ou acteurs de la vie économique et politique , ce concept dépourvu de sens :’licenciement boursier’.

Il convient de "déconstruire’ cette expression, comme doivent l’être aussi d’autres impostures sémantiques qui visent à désarmer le monde du travail de sa capacité à comprendre les processus qui participent à son aliénation et son exploitation.

Ces impostures ont déjà transformé le "travailleur’, (seul producteur de richesses), en "salarié’, (dont l’appellation même occulte sa fonction et le résume à son "coût’ pour l’employeur) ! A aussi été "adopté’ le concept "d’état providence’ qui a transformé une conquête sociale exemplaire, (celle de la création de la Sécurité Sociale), en une prérogative étatique qui en outre serait placée sous le signe d’une bienveillante providence… (1) Le langage de la lutte des classes est remisé dans les grimoires accessibles aux historiens mais il est oublié des travailleurs eux-mêmes, aussi souvent de leurs représentants syndicaux , qui usent du langage de leurs adversaires. Ils sont parfois fiers de l’appellation "partenaires sociaux’ qui leur a été concédée, mais englobe un présupposé de connivence plus que de confrontation…

Le licenciement est la situation faite aux "perdants’ de ce "partenariat social’ , lorsque la "providence’ de l’état s’interdit d’intervenir dans les conflits, et lorsqu’il est demandé à chaque "salarié’ de comprendre que le coût de son travail est le premier obstacle à la productivité… Le "choc de compétitivité’ est l’objectif nouveau qui exige des sacrifices dont la répartition est bien asymétrique… La faute à qui ? A la bourse ! Vraiment ?

La bourse licencie ? Vraiment ? Depuis quand ? C’est quoi la bourse ?

Nous ne parlons pas de cette particularité anatomique réservée au "genre’ dominant qui y dissimule ses gonades. Nous parlons de cet objet ancien et de son évolution. Dans le passé la bouse était "un petit sac destiné à contenir de l’argent, de la monnaie…’. Un sac dont chacun pouvait "tenir le cordon’… Plus tard le mot désigna le lieu matériel, l’édifice construit dans ce but, où se rencontrent les négociants, agents de change et courtiers, pour traiter "d’affaires’. La bourse est donc liée avec la possession et les échanges, elle en est le temple, celui où les possédants tentent de faire fructifier leur propriété privée, y compris celle des moyens de production. Le capitalisme mondialisé a fondé les "bourses de valeurs’ (New York ; Londres, Tokyo, Paris…etc.) ou se négocient les "titres’ des sociétés les plus importantes ; celles qui sont "cotées en bourse’

Ceux qui y réalisent des transactions le font parce qu’ils reçoivent de la part des "possédants’ des instructions, des "ordres de bourse’, déterminés par les sociétés qui veulent y protéger et faire prospérer leurs intérêts . La bourse n’est que cela !
Elle est une structure du capitalisme mondialisé. Ses acteurs en sont les serviteurs.
Il existe depuis 1967 des "Commissions des opérations de bourse’ qui veillent au bon fonctionnement des opérations et à la régularité des informations diffusées. Mais la bourse est au service exclusif du capitalisme.

Elle ne possède aucun règlement, aucune charte, aucune morale, aucune éthique, qui l’obligerait à considérer les conséquences sociales et humaines des opérations réalisées. La bourse est aveugle sourde et muette, inductrice de fortune ou de faillite, de richesse ou de misère, selon la seule volonté des donneurs d’ordres. Les acteurs boursiers ne sont pas des représentants du monde du travail mais des commis de ceux qui l’exploitent ! Rien n’oblige "la bourse’ à prendre en compte le facteur humain ou la sauvegarde de la planète ; seul l’argent circule, seul "signifiant’ de ceux qui ordonnent les opérations. L’argent roi ici est bien loin des réalités sociales…

Qui licencie ?

Alors ne nous trompons pas. Il n’y a pas de "licenciement boursier’. La bourse, cette entité presque abstraite pour chaque citoyen n’a ni ce rôle ni ce pouvoir.
Pourtant ce qui se joue en bourse a des effets sociaux indiscutables.

Mais ces effets ne résultent pas de la bourse elle-même, ils résultent de stratégies et décisions prises par ceux qui donnent les "consignes’ aux opérateurs boursiers, ceux qui donnent les "ordres en bourse’ !

Ceux là sont ailleurs. Ils ont chacun une identité, ce sont des personnes physiques en charge d’intérêts capitalistes. Leurs décisions "d’ordre en bourse’ sont prises sous la double contrainte de l’accumulation espérée du capital et de la fidélisation souhaitable des actionnaires qui ne connaissent que leur rémunération par dividendes. Le Capital comme les dividendes ne sont qu’un détournement d’une partie, (de plus en plus importante) des fruits du travail humain. Les travailleurs ne voient pas ici défendus leurs intérêts. Même à l’origine des richesses produites, ils restent la "variable d’ajustement’ qui permet, à leur dépens, de majorer les profits ou les dividendes ! Cela se fait par la pression salariale, la flexibilité et précarité de l’emploi, un "management’ de plus en plus inhumain s’accommodant de pousser jusqu’au suicide parfois des exploités ; a l’extrême les licenciements sont le moyen ultime de réduction de ce que les employeurs nomment "la charge’ salariale…

Un licenciement est "toujours’ décidé par un employeur ! Il n’existe pas de licenciement boursier. La décision est humaine, elle est patronale même si elle est prise parfois sous pression actionnariale.

Alors pourquoi parler de licenciement "boursier’ ?

Cette formule sémantique est scandaleuse et mystificatrice :

- Scandaleuse car mensongère et exonérant de leurs responsabilités les seuls décideurs de chaque licenciement. La formule utilisée a pour effet de reporter la responsabilité de la décision prise sur une entité abstraite, lointaine, désincarnée, sans visage, inaccessible … La bourse !

- Mystificatrice car transposant sur un "outil’ du capitalisme la responsabilité de ses méfaits, résultant pourtant toujours de décisions humaines. Il s’agit ici de dissimuler le caractère prédateur et antisocial par essence du processus d’accumulation privée des richesses. Il s’agit d’évoquer ici comme l’existence d’un "grand tout’ au dessus des hommes et du patronat lui-même, l’existence d’une "bourse’ qui aurait quelques pouvoirs maléfiques, qui serait a elle seule responsable des méfaits du capitalisme. Il s’agit d’inventer comme une sorte de "fatalité’ à l’origine de ces effets indésirables ; alors que ces effets résultent de stratégies et décisions parfaitement élaborées, avec des acteurs clairement identifiables !

Que nous enseignent ces réflexions ?

- Elles nous permettent d’observer en premier que le capitalisme n’est pas la seule invention humaine à se doter d’une sorte de "transcendance’ qui mériterait à la fois respect et soumission. Toutes les croyances, religieuses ou profanes, sont des modes d’entrée dans les formes diverses de la servitude et de l’aliénation. Le dieu "TINA’ (There is no alternative) est adoré chaque jour dans les temples de la Bourse.

- Elles nous disent ensuite que dans tous les cas, les mots sont choisis, pour induire le sentiment d’une autorité, d’une fatalité, d’une nécessité, d’une évidence, dont résultera le sentiment d’impuissance le plus répandu, même chez ceux que la soumission indispose. Qui pourrait s’opposer à un "licenciement boursier’ ? C’est qui la bourse ? Où est le bureau des réclamations ? Les locaux de la Bourse sont vides et seulement protégés par quelques vigiles entre les séances ; ces locaux n’abritent aucun chef, aucun maître, aucun imperator dominant qui distribuerait l’or ou la misère…

- Elles nous disent enfin qu’il ne se produit en ces lieux que des actes commis par les valets et mercenaires du capitalisme. Pas plus qu’une cathédrale n’est responsables des crimes des croisades ou de l’inquisition prêchées sur son autel par des évêques, la bourse n’est responsable des conséquences des actes commis par les "bolcheviques du marché’ comme les nommait le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz stigmatisant le comportement des capitalistes, même s’il ne franchit pas le pas de préconiser la sortie du "système’. (2)

En quoi cela nous est il utile de démasquer l’imposture sémantique des "licenciements boursiers’ ?

- Cela nous permet de comprendre que cette expression appartient au langage de l’oppression, de la fatalité et du renoncement.

- Cela nous permet de faire tomber les masques des donneurs d’ordres qui prennent les décisions responsables de la dégradation des conditions de vie des travailleurs et parfois de leur licenciement. (3-4)

- Cela nous indique que cette expression "licenciement boursier’, comme d’autres expressions dictées par nos adversaires (1), doit être exclue du langage de la gauche, politique ou syndicale, car elle induit un sentiment d’impuissance en même temps qu’elle dissimule la responsabilité patronale.

- Cela nous permet de démasquer qui sont les donneurs d’ordres et ceux qui les influencent par la pression actionnariale, comme seuls responsables des conséquences de leurs actes.

- Cela nous permet en dernière analyse d’identifier la responsabilité du capitalisme lui-même et donc d’écarter toute option "réformiste’ qui en conserverait l’hégémonie des acteurs et la propriété privée des moyens de production.

- Cela ne nous dit pas ce que seraient ces lieux consacrés aux échanges dans un socialisme du XXI me siècle. Mais dans le changement espéré, sans aucun doute et après expropriation des prédateurs des fruits du travail, ce serait les travailleurs eux-mêmes qui devront s’approprier la gestion des moyens de production et la répartition des richesses.

Jacques Richaud

21 novembre 2012

(1) 24 février 2009 Note sur quelques dépossessions sémantiques -Social - Santé : les mots sont importants. Jacques Richaud http://www.legrandsoir.info/Social-Sante-les-mots-sont-importants.html

(2) 30 décembre 2010, par Frédéric Joignot « LE TRIOMPHE DE LA CUPIDITE » DE JOSEPH. E. STIGLITZ, PRIX NOBEL D’ECONOMIE PUBLIÉ EN FRANCE EN POCHE. UNE LECON DE CHOSES http://fredericjoignot.blog.lemonde.fr/2010/12/30/le-triomphe-de-la-cupidite-de-joseph-e-stiglitz-prix-nobel-deconomie-publie-en-france-en-poche-une-lecon-de-choses/

(3) 8 avril 2012 Salaire minimum ou esclavage. Jacques Richaud
http://www.legrandsoir.info/salaire-minimum-ou-esclavage.html

(4) 6 juillet 2010 « FIN DE DROIT ! »……L’ULTIME DEPOSSESSION Jacques Richaud http://www.npa31.org/tribune/fin-de-droit-%E2%80%A6%E2%80%A6lultime-depossession.html


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