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Un journaliste de TeleSUR condamné à 15 années de prison par un montage judiciaire en Colombie

Le journaliste colombien Fredy Muñoz Altamiranda, 41 ans, vient d’être condamné à 15 années de prison dans un nouveau « faux-positif judiciaire » pour les motifs de « rébellion » et de « terrorisme ». Par un verdict rendu le 16 octobre dernier, et à partir d’un montage de preuves, la justice colombienne a identifié Fredy Muñoz, correspondant de la chaîne TeleSUR, comme étant un membre actif du Font 37 des Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (FARC) et qu’il agirait sous le pseudonyme de Jorge Eliécer.

Ce verdict fait suite à la condamnation, il y a tout juste un mois, de Joaquà­n Pérez Becerra, directeur de l’agence de nouvelles ANNCOL (Agencia de Noticias Nueva Colombia), à 8 années d’emprisonnement pour des liens présumés avec la guérilla des FARC. Joaquà­n Pérez Becerra, de nationalité suédoise, purge actuellement cette peine à la prison La Picota en Colombie.

Le journaliste Fredy Muñoz, dont le parcours journalistique et audiovisuel est pourtant reconnu (1), avait été arrêté une première fois en 2006 pour des motifs d’inculpation similaires. Lors d’un procès en première instance en 2007, au cours duquel un montage de preuves grossières avait été présenté, le juge en charge de l’affaire s’étant alors rendu sur Google pour y dénicher un photomontage, le correspondant de la chaîne latino-américaine TeleSUR avait été cependant acquitté. Le jugement rendu avait finalement estimé que les preuves présentées dans ce dossier ne pouvaient pas attester de l’appartenance de Fredy Muñoz à la guérilla colombienne.

Fredy Muñoz est aujourd’hui réfugié au Venezuela. Un autre journaliste, William Parra, rédacteur en chef de Reuters à Bogota, avait également fait l’objet d’accusations du même type puis avait été acquitté grâce à la solidarité internationale de collègues journalistes du monde entier. Aujourd’hui, William Parra travaille avec TeleSUR.

Nombreux sont les journalistes en Colombie à subir des pressions ou des agressions en faisant leur travail : Hollman Morris, co-auteur du film Impunity qui dévoile les massacres commis par les paramilitaires et le processus « Justice et Paix », Jineth Bedoya, violemment agressée alors qu’elle enquêtait sur la collusion entre les forces de l’ordre et les paramilitaires, Carlos Lozano, Claudia Duque… tandis que d’autres ont dû fuir la Colombie pour se réfugier à l’étranger en raison de menaces qui pèsent sur eux et sur leurs proches.

Le DAS (ancien service de renseignement colombien aujourd’hui dissout et remplacé par l’ANIC), sous la présidence d’Alvaro Uribe, avait mis en place une stratégie d’écoutes et de persécutions à l’encontre de certains journalistes nommément désignés. La condamnation du journaliste Fredy Muñoz à une peine de prison de 15 années confirme malheureusement la continuité de ces pratiques de terreur du gouvernement en place pour tenter de réduire au silence les journalistes susceptibles de dévoiler des vérités plus qu’embarrassantes.

La Colombie figure toujours parmi les pays les plus dangereux au monde pour les journalistes, classée 143ème sur 179 pays dans un rapport mondial de Reporters Sans Frontières (2), les persécutions et les montages judiciaires contre les journalistes colombiens qui tentent de travailler pour l’information et la vérité dans leur pays continuant d’être la pratique en vigueur pour faire taire la controverse.

Ci-dessous la lettre publique de Fredy Muñoz adressée à l’agence de presse ANNCOL et publiée suite à sa condamnation :

Une condamnation contre la paix

Je rejette de façon catégorique la peine prononcée par un juge colombien à mon encontre. Je n’ai jamais été et je ne serai jamais un "terroriste", un "expert en explosifs", un « bombardeur de centrales électriques », comme l’affirme son jugement. Rien de plus absurde que cela. Dans toute ma carrière, dont l’empreinte est de notoriété publique, j’ai uniquement bombardé le mensonge avec ce que je fais le mieux : écrire la vérité.

En 2005, je représentais la Colombie en tant que correspondant pour la chaîne multi-états TeleSUR, jusqu’en 2007, quand j’ai quitté la prison, alors accusé de rébellion par de fausses preuves. A cette époque, un juge courageux a déterminé que le témoignage de trois, cinq, dix, ou cent hommes condamnés à pourrir dans les entrailles du système judiciaire colombien, à quarante ans de prison, et motivés par la promesse d’une réduction de peine, n’étaient pas suffisants pour m’accuser, encore moins pour me condamner.

Aujourd’hui, avec ces mêmes preuves : le témoignage d’hommes tombés en disgrâce et sous la contrainte, un juge décide de me condamner à payer 15 ans de prison pour des actes que leurs auteurs ont confessés et pour lesquels ils ont été condamnés depuis longtemps. Cette condamnation montre que mes plaintes restent valables : le Procureur Général de la nation, et une bonne partie du système judiciaire colombien sont au service des narcotrafiquants et des paramilitaires, afin de poursuivre en justice et réduire la résistance sociale en Colombie.

Miriam Martà­nez Palomino, le procureur qui m’a initialement accusé durant ce processus, est un personnage funeste de la « justice » colombienne, célèbre pour le processus d’archivage des paysans déplacés, des victimes des paramilitaires à Las Pavas, au sud de Bolivar. (voir : http://www.lasillavacia.com/historia/los-sonados-casos-de-la-fiscal-que-no-les-creyo-los-campesinos-de-las-pavas-30278 )

Martà­nez Palomino, condamnée pour ses décisions à l’encontre des biens publics, impliquée dans l’affaire de détournement de Foncolpuertos, et responsable, par son incompétence intentionnelle, de la libération de prison d’Alfonso Hilsaca, est aux côtés du Procureur Demostenes Camargo de Avila, et de l’ancien Directeur des Procureurs de Carthagène, Jaime Cuesta Ripoll, une partie de l’équipe des procureurs para-narco gérés par l’ancien chef paramilitaire de Los Montes de Maria, Rodrigo Mercado Pelufo, et de l’ancien Procureur Général Luis Camilo Osorio, sous la présidence d’à lvaro Uribe Vélez.

La condamnation à mon encontre est un râle de la présence uribiste et paramilitaire dans notre environnement judiciaire.

Lorsque j’ai été arrêté à l’aéroport d’El Dorado, le 19 Novembre 2006, le mandat d’arrêt contre moi était dans les systèmes du DAS depuis le 3 Novembre de cette même année, et j’ai quitté le pays, avec cet ordre en vigueur, le 6 novembre, trois jours plus tard.

Les organismes de renseignement ont décidé de le rendre effectif, à mon retour de Caracas, afin d’impliquer et de porter préjudice au nom de la chaîne multi-états TeleSUR et au gouvernement vénézuélien avec ma capture pour rébellion et terrorisme. Aujourd’hui cette déclaration de culpabilité, qui a été établie en août de cette année, est rendue publique une semaine avant que soient donnés les résultats des élections au Venezuela, et deux jours avant de commencer officiellement à Oslo le début de nouvelles approches de paix avec les insurgés colombiens.

Je dénonce cette décision judiciaire comme étant une persécution de mon désaccord public avec le système qui nous a toujours gouvernés, pour mes dénonciations frontales et au nom de nos détracteurs, et parce que c’est un moyen d’intimider ceux qui font face sans couverture à la voie des processus politiques qui recherchent notre justice sociale.

Je continuerai à dynamiter les mensonges, à bombarder de mon travail journalistique les structures d’un système qui a mobilisé le monde contre lui, et à amplifier les voix de ceux qui veulent une Colombie et un monde meilleurs.

Fredy Muñoz Altamiranda - 17 octobre 2012

Notes :

(1) Fredy Muñoz - article Wikipédia
http://es.wikipedia.org/wiki/Fredy_Mu%C3%B1oz

(2) Reporters Sans Frontières - Rapport mondial : Colombie

« La politique de "sécurité démocratique" héritée des années Uribe s’est traduite par de graves dérives, dont l’espionnage systématique de journalistes par les services de renseignements. Bien qu’officiellement démobilisés, les paramilitaires, première source de terreur, sont loin d’avoir désarmé dans certaines régions. La Colombie n’en a pas fini avec un conflit armé dont les crimes n’ont pas été jugés. »

Sources :

15 ans de prison pour le journaliste Fredy Munoz lors d’un montage judiciaire en Colombie : « Opération Avertissement »

http://www.anncol.eu/index.php/noticias/noticias-2012/119-noticias-2012-octubre/438-15-anos-de-carcel-para-el-periodista-fredy-munoz-operacion-escarmiento-para-que-no-queden-dudas-y-no-cunda-el-ejemplo

http://www.rebelion.org/noticia.php?id=157874

http://www.kaosenlared.net/america-latina/item/34494-periodista-de-telesur-condenado-a-15-a%C3%B1os-de-c%C3%A1rcel-en-un-juicio-pol%C3%ADtico-en-colombia-operaci%C3%B3n-escarmiento.html

Colombie : condamnation à 15 ans de prison d’un journaliste accusé d’être membre des FARC (article Aporrea du 17 octobre 2012)
http://www.aporrea.org/internacionales/n216376.html

Le journaliste Fredy Munoz : « Je n’ai jamais été et je ne serai jamais un terroriste » (article Aporrea du 18 octobre 2012)
http://www.aporrea.org/internacionales/n216467.html

A lire également :

Un journaliste de TeleSUR mis en cause par les autorités dans un enlèvement commis par les FARC (article Reporters Sans Frontières du 27 novembre 2007)

Colombie : la para-société passe aux avoeux, par Fredy Munoz Altamiranda (article Le Grand Soir du 14 janvier 2007)
http://www.legrandsoir.info/Colombie-la-para-societe-passe-aux-aveux-Fredy-Munoz.html

Colombie : arrestation d’un journaliste de TeleSUR, par Sébastien Brulez (article Le Grand Soir du 7 décembre 2006)
http://www.legrandsoir.info/Colombie-arrestation-d-un-correspondant-de-TeleSur-a-Bogota-par.html

Notes et traduction : GM

URL de cet article 18171
   
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Sir Josiah Stamp,
Directeur de la Banque d’Angleterre 1928-1941,
2ème fortune d’Angleterre.

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