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Poésie et révolution (8)

Clovis Hugues (de son vrai nom Hugues Clovis) est né en 1851 dans le Vaucluse. Il fut le mari de la sculptrice (les révolutionnaires politiquement corrects écriraient « sculpteure ») Jeanne Royannez. Les deux époux s’étaient passé du curé pour convoler à Paris. De retour à Marseille, ils furent dénoncés dans un journal local. L’affaire se termina sur le pré. Hugues envoya le dénonciateur ad patres. Il fut acquitté par la Cour d’assises d’Aix-en-Provence.

Hugues a vingt ans quand la Commune éclate à Marseille. Il soutient Gaston Crémieux (http://fr.wikipedia.org/wiki/Gaston_Crémieux) dont il partage la cellule après la défaite. Crémieux est condamné à mort et exécuté. Hugues est condamné à trois ans de prison pour publication de sa brochure Lettre de Marianne aux républicains.

Dans ses Poèmes de prison (1875), Hugues « porte la lyre comme on porte l’épée ». Il rejoindra le mouvement boulangiste en 1885, sera élu et réélu député jusqu’à sa mort en 1907.

Écoutons-le dans " Misère " , écrit à vingt ans dans la prison Saint-Pierre de Marseille :

L’autre hiver, la tête lassée,
J’entrai dans un café-concert,
Horrible taverne adossée
Au fond d’un vieux quartier désert.

Les décors avaient sur la scène
Des airs de tristesse. Une enfant
Chantait une chanson obscène
Dans ce lupanar étouffant.

Elle était là , le front tout pâle,
Ses yeux lugubrement profonds,
Soulignant l’allusion sale
De gestes tristes et bouffons.

Sous sa robe étroite et fripée
La misérable avait, hélas !
De vagues raideurs de poupée,
D’étranges lourdeurs de corps las.

Un tout petit bout de dentelle,
Festonné d’ourlets jaunissants,
Esquissait sa poitrine frêle,
Ses seins ronds, fluets et naissants.

Quand elle exprimait, les mains jointes,
Quelque charnel désir d’amour,
Ses deux coudes montraient leurs pointes
Dans l’étoffe cousue à jour.

Elle avait douze ans, la pauvrette !
Douze ans ! l’âge charmant et doux !
Et son sourire était honnête,
Pendant qu’on lui jetait des sous.

Inversement, Jules Jouy (1855-1897) connut son heure de gloire au moment de la tentative boulangiste contre la République. A celui qu’il appelait le « César de carton », Jouy rappelle qu’il a massacré les Fédérés à la Grange-Ory lorsqu’il n’était encore que colonel versaillais :

Bourreau de soixante et onze
La victime se souvient.

Il apostrophe Clovis Hugues qui a rejoint le boulangisme :

Le vent qui souffle à travers la Boulange
T’a rendu fou.

Son " Tombeau des fusillés " est particulièrement émouvant :

Ornant largement la muraille,
Vingt drapeaux rouges assemblés
Cachent les trous de la mitraille
Dont les vaincus furent criblés.
Bien plus belle que la sculpture
Des tombes que bâtit l’Orgueil,
L’herbe couvre la sépulture
Des morts enterrés sans cercueil.

Ce gazon que le soleil dore,
Quand Mai sort des bois réveillés ;
Ce mur que l’Histoire décore,
Qui saigne encore,
C’est le tombeau des fusillés.

Tout comme son ode à Louise Michel :

Louise, c’est l’impersonnelle
Image du renoncement.
Le « moi » n’existe plus en elle ;
Son être est tout au dévouement.

Louise Michel. Des dizaines de livres lui furent consacrés. Elle-même en écrivit une trentaine (mémoires, poésies, romans, théâtre, livres pour enfants, mais peu d’écrits théoriques). Elle fut la première militante française à brandir le drapeau noir de l’anarchie. Elle est née à quelques kilomètres du Domrémy de Jeanne d’Arc. Son père était vraisemblablement le fils du vieux châtelain de l’endroit, qui employait sa mère (Marthe Robert nous a dit de fort belles choses sur l’opposition bâtard/enfant trouvé dans la littérature). Elle reçoit au château une instruction libérale et coule une jeunesse heureuse. Elle devient institutrice et fonde une école en Haute-Marne, où elle n’enseigne qu’un an. En 1856, elle s’installe à Paris où elle travaille comme enseignante, dans un cours privé car elle ne veut pas prêter serment à l’empereur. De 1850 à 1879, elle entretient une correspondance suivie, exaltée, d’un romantisme exacerbé, avec Victor Hugo (que d’emblée elle appellera son « frère » en poésie). Un petit échantillon :

« Savez-vous ce que je vous dirais si j’avais de grandes ailes de vapeur et de flamme et que Dieu m’eût fait votre ange gardien ? Je vous dirais : s’il est vrai qu’on veuille rappeler les Bourbons de l’exil, c’est à toi, poète, à élever la voix le premier pour cette belle et grande inspiration. Tu aimes la liberté, la gloire ; ton âme a des larmes pour toutes les douleurs. Ne laisseras-tu pas tomber quelques paroles de clémence ?

Voilà ce que je vous dirais, Olympio, si j’étais votre ange, et je descendrais du ciel pour vous écouter, en repliant mes ailes sur ton front.

Adieu. Je m’arrache à ma lettre. La pensée que vous la trouverez trop longue me fait mal. »

Hugo fut peut-être le père de sa fille Victorine, placée en nourrice à la naissance.

Elle fréquente des clubs de gauche, côtoie Vallès, Varlin, Rigault. Dans le Paris affamé de la Commune, elle crée une cantine pour ses élèves. Elle organise les soins aux blessés, fait le coup de feu aux avant-postes. Elle se bat à la barrière de Clignancourt, au cimetière de Montmartre. Elle est volontaire pour se rendre seule à Versailles afin d’y tuer Thiers, mais le projet avorte. Elle se livre volontairement à l’ennemi pour faire libérer sa mère, arrêtée à sa place et menacée d’exécution. Détenue au camp de Satory, elle assiste aux exécutions, dont celle de Théophile Ferré (qui avait laissé fusiller des religieux otages), le grand amour (platonique) de sa vie. Peu après, elle comparait devant le Conseil de guerre sous un voile de veuve. Elle déclare en préambule : « Je ne veux pas me défendre, je ne veux pas être défendue. J’appartiens tout entière à la révolution sociale. Si vous me laissez vivre, je ne cesserai de crier vengeance. » La presse versaillaise qualifie celle qui réclame la mort de « louve avide de sang ». Elle passe vingt mois en détention à la prison d’Auberive, puis est déportée au bagne de Nouvelle-Calédonie. Pendant sept années, elle prodigue soins et réconfort à ses compagnes d’infortune et refuse de bénéficier d’un traitement différent de celui des hommes. Elle apprend la langue kanaque. Clémenceau, qu’elle connaissait depuis la Commune et qui l’admirait profondément, lui écrit régulièrement et lui envoye de nombreux mandats. Elle rentre en France en 1880 après l’amnistie générale, ayant obstinément refusé toute mesure de grâce personnelle. Pendant vingt-cinq ans, elle milite pour la cause anarchiste, sans dédaigner pour autant de soutenir des socialistes tels Jules Guesde ou Édouard Lafargue. Le 9 mars 1883, elle organise une manifestation au nom des « sans-travail » qui dégénère en pillage de trois boulangeries. Louise est condamnée à six ans de prison et dix ans de surveillance de haute-police. Elle est graciée en 1886 par le président de la République Jules Grévy. Elle est à nouveau emprisonnée pour quatre mois suite à un discours prononcé en solidarité avec les mineurs de Decazeville. Le 22 janvier 1888, alors qu’elle vient de prononcer un discours contre la peine de mort, un extrémiste de droite lui tire un coup de pistolet à la tête dont elle réchappe. Elle refuse de porter plainte contre son agresseur. Elle meurt le 10 janvier 1905 à Marseille, au cours d’une tournée de conférences.

Le 11e bataillon de la XIIIe Brigade internationale avait reçu le nom de « Louise Michel ». Les énarques de 1984 (Guillaume Pépy, président de la SNCF, Stéphane Bouillon, directeur de cabinet de Guéant, Pierre Moscovici, aussi !) baptisèrent leur promotion de son nom. Dans son discours fondateur du Parti de gauche, Jean-Luc Mélenchon se réclama des « deux visages de Jean Jaurès et Louise Michel ».

Écoutons-là dans " Le chant des captifs " :

Ici l’hiver n’a pas de prise,
Ici les bois sont toujours verts ;
De l’Océan, la fraîche brise
Souffle sur les mornes déserts,
Et si profond est le silence
Que l’insecte qui se balance
Trouble seul le calme des airs.

Le soir, sur ces lointaines plages,
S’élève parfois un doux chant :
Ce sont de pauvres coquillages
Qui le murmurent en s’ouvrant.
Dans la forêt, les lauriers-roses,
Les fleurs nouvellement écloses
Frissonnent d’amour sous le vent.

Viens en sauveur, léger navire,
Hisser le captif à ton bord !
Ici, dans les fers il expire :
Le bagne est pire que la mort.
En nos coeurs survit l’espérance,
Et si nous revoyons la France,
Ce sera pour combattre encor !

Voici la lutte universelle :
Dans l’air plane la Liberté !
A la bataille nous appelle
La clameur du déshérité !...
... L’aurore a chassé l’ombre épaisse,

Et le Monde nouveau se dresse

A l’horizon ensanglanté !

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Je définirais la mondialisation comme la liberté pour mon groupe d’investir où il veut, le temps qu’il veut, pour produire ce qu’il veut, en s’approvisionnant et en vendant où il veut, et en ayant à supporter le moins de contraintes possibles en matière de droit du travail et de conventions sociales.

P.Barnevick, ancien président de la multinationale ABB.

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