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A bas la répression dans l’Etat espagnol !

Après le succès de la grève du 29 mars contre la réforme du travail et la dégradation des conditions de vie [1], le gouvernement de droite de Mariano Rajoy n’a pas hésité à répondre avec plus d’austérité, comme s’il n’avait pas entendu la colère des espagnols qui, partout dans le pays, ont fait grève, se sont manifestés et ont affronté les forces de répression. Le lendemain, le gouvernement a bel et bien adopté le budget le plus strict des derniers 35 ans dans l’Etat espagnol, ce qui signifie, selon les déclarations du ministredes Finances, Cristobal Montoro, une réduction de 16,9% dans les dépenses de l’Etat, c’est-à -dire, 27 milliards d’euros d’économies.

Une régression sociale sans précédents pour les masses espagnoles

Des hausses d’impôts sont également prévues avec une augmentation de l’impôt sur le revenu à partir de décembre 2012. De même, ils ont annoncé le gel des salaires des fonctionnaires, dont le revenu avait déjà été amputé de 5% en 2010 pendant le gouvernement du « socialiste » Zapatero, ainsi que le non-remplacement des postes vacants dans la fonction publique, à l’exception bien évidemment des forces de répression. Des augmentations dans le prix du tabac et de l’électricité sont également prévues. L’ensemble de ces mesures devrait permettre de récolter 12,3 milliards d’euros dès 2012 sur le dos des travailleurs et de la jeunesse qui subissent de plus en plus le chômage et la précarité.

Cependant, comme si toutes ces mesures d’austérité n’étaient pas déjà une déclaration de guerre de la part du gouvernement Rajoy à moins de 100 jours de son assomption, une diminution de 10 milliards d’euros des budgets de l’éducation et de la santé a été annoncée le lundi de Pâques. Cette coupe budgétaire implique, dans le cas de la santé, une diminution de 10% des dépenses dans ce domaine essentiel pour les travailleurs et les couches populaires, qui n’ont pas la possibilité de se payer des soins privés. Le ministre de l’économie, Luis de Guindos, a justifié cette mesure en disant que « les régions sont responsables des dépenses sanitaires et d’éducation », ce qui veut dire tout simplement qu’il y aura une santé et une éducation de qualité différente selon le lieu de résidence.

Dans un rapport publié par la Banque d’Espagne, les autorités espagnoles confirment ce qui était au moins attendu, c’est-à -dire que l’Etat espagnol rentre à nouveau en récession après deux trimestres de recul du PIB. La prévision est d’un recul de 1,7% du PIB sur l’ensemble de 2012. Le taux de chômage va très probablement encore augmenter et se situer autour du 24%. La Banque d’Espagne a profité de ces prévisions pour réaffirmer son accord avec la réforme du travail et les mesures d’austérité qui viseraient à réduire les dépenses publiques sur le dos des travailleurs et des couches populaires.

Il est donc évident que cette politique d’austérité va continuer, à moins que les travailleurs et la jeunesse précarisée passent à l’offensive et montrent qu’ils sont capables d’arrêter le pays et lutter jusqu’au retrait des mesures d’austérité, comme ils ont commencé à faire le 29M.

Le gouvernement veut éviter un scénario « à la grecque » et déploie son arsenal répressif : arrestations et persécutions préventives.

La politique d’austérité du gouvernement Rajoy est accompagnée d’une politique de répression et arrestations préventives qui cherchent à éviter une plus large radicalisation des masses espagnoles. Nous avions déjà signalé la féroce répression subie par les manifestants et les grévistes pendant la journée du 29M, avec plusieurs blessés graves, dont deux qui ont perdu un oeil, à cause des balles utilisées par la police.

En plus, le gouvernement a également annoncé qu’il y aura un durcissement du Code Pénal, ce à quoi ils veulent rajouter une mesure pour que les organisations syndicales ou politiques qui participent à des manifestations soient responsables pénalement dans le cas où leurs affiliés soient emprisonnés ou poursuivis en raison des « troubles à l’ordre public ». L’Etat espagnol cherche clairement à faire que les organisations politiques et syndicales, ainsi que les parents des jeunes mineurs, aient un contrôle plus strict sur ce que les travailleurs et la jeunesse font dans les manifestations pour éviter une radicalisation du mouvement.

Mais depuis quelques jours, le gouvernement a lancé une nouvelle offensive dans sa politique répressive sur la région de Catalogne en général et la ville de Barcelone en particulier. Plus de 180 arrestations ont eu lieu pendant la journée de grève du 29 mars, dont plus de 50 à Barcelone, et la détention préventive a été confirmé le 11 avril pour deux étudiants et un activiste à Barcelone. Selon les déclarations de la juge Carmen Garcia, ce serait pour éviter que ces personnes puissent « manifester à nouveau dans les prochaines échéances comme le 1ermai, ainsi que le sommet des présidents des Banques Centrales Européennes du 2 au 4 mai ». Cette attitude répressive a même été rejetée par les commissions de Défense et des droits de l’homme de l’Ordre des avocats de Barcelone et de Gérone comme en étant contraire à la présomption d’innocence, ainsi qu’à toute ordonnance juridique espagnole.

Mais la répression, les arrestations et les poursuites ne se sont pas arrêtés là . En effet, le 8 avril, Rachid Ali, un journaliste marocain et militant duCollectif Terrasa Respona été arrêté de façon illégale par deux policiers en civil. Il a été libéré le lendemain, suite à des manifestations devant les Tribunaux de Terrasa en Catalogne, mais un procès d’expulsion pèse tout de même sur lui à partir de son arrestation. Il ne faut pas oublier également qu’on continue à cacher les responsables de l’assassinat du jeune supporter de l’Athlétique de Bilbao, mort suit à une balle tirée par un agent de l’Ertzaintza (la police basque).

Arrestations à la veille des journées de mobilisation, fouilles, mise en place d’un système de délation : les forces répressives de l’Etat espagnol reprennent les méthodes franquistes

Le mercredi 18 avril, deux syndicalistes de CCOO [2]ont été arrêtés à Valence accusés d’appartenance à une organisation criminelle, en raison de leur participation au 29M. Le jeudi 19, les arrestations se sont multipliées : il y a eu 4 arrestations à Barcelone, 2 à Tarragone et 13 à Pampelune, dont 7 mineurs, et dont beaucoup de moins de 14 ans. Dans le cadre de cette même escalade répressive des derniers jours, le vendredi 20 les Mossos d’Escuadra (la police catalane) ont envahi des maisons et ont perpétré des fouilles tout en réquisitionnant des ordinateurs et de l’argent liquide. Lorsqu’on entend les déclarations du Commissaire Général des Mossos on se croirait en pleine dictature franquiste en train d’écouter les menaces hargneuses de n’importe quel Commissaire des Grises [3]. En faisant référence aux plus des 80 arrestations qu’ont été annoncées, il a déclaré : « Ils peuvent se cacher où ils veulent, mais nous allons les trouver. Qu’ils se cachent dans des grottes ou des cloaques, où se cachent les rats, ou dans une assemblée qui ne représente personne, ou derrière une chaise à l’université ».

C’est dans ce même esprit que le gouvernement espagnol a décidé de suspendre l’espace Schengen du 24 avril au 5 mai pour limiter et contrôler l’entrée des personnes sur le territoire espagnol, ainsi que de militariser la ville de Barcelone avec plus de 2000 effectifs, vu l’importance des manifestations du 1ermai et dans le cadre du sommet des Banques Centrales européennes. En n’ayant pas grande chose à envier aux méthodes de l’époque des dictatures, le gouvernement catalan a mis en place un site web où il publie des photos des soi-disant « casseurs » et où n’importe quelle personne pourra donner des informations pour « l’identification des personnes violentes » et a également demandé aux présidents des universités de faire des listes des principaux militants dans chaque faculté pour essayer de les identifier et les poursuivre « légalement » ou les arrêter.

Il est donc évident que le gouvernement veut, à tout prix, essayer d’éviter une nouvelle journée comme celle du 29M, où les manifestations et les affrontements avec la police et les forces de répression ont été massifs, ce qui pourrait entraîner une radicalisation du mouvement. Le but est de réprimer et d’incarcérer les activistes de façon préventive afin d’éviter un scénario comme celui de la Grèce, du point de vue de la mobilisation et la résistance des travailleurs et de la jeunesse aux plans d’austérité imposés par le gouvernement et l’Union Européenne.

Il s’agit des plus grandes attaques depuis l’époque de la dictature franquiste en ce qui concerne les droits sociaux et même quant aux libertés et droits démocratiques, et le gouvernement Rajoy et la classe capitaliste espagnole en sont bien conscients. Ils savent aussi que pour faire passer toutes ces mesures draconiennes, ils vont devoir affronter la résistance et la lutte des travailleurs et de la jeunesse dans la rue, les universités et les lieux de travail. Ce n’est qu’en prévision de ce scénario qu’ils se préparent aussi bien avec des réformes légales, comme celle du code pénal, qu’avec des répressions féroces, des détentions illégales qui posent les premiers éléments d’une situation qui peut même arriver à remettre en question les limites légales du régime démocratique-bourgeois.

Plus que jamais, il faut construire la riposte contre l’austérité et la répression qui l’accompagne : le 1ermai en sera une étape !

Dès le lendemain de la grève du 29M et suite aux arrestations, les camarades deClase contra Clase  [4] et du Collectif révolutionnaire No Pasaran [5]ont lancé un appel [6] à toutes les organisations de la gauche syndicale, de la gauche et l’extrême-gauche politique, aux organisations étudiantes et de droit de l’homme à se mobiliser largement et à mettre en place une grande campagne dans tout l’Etat espagnol contre la politique de répression et criminalisation des luttes des gouvernements local et national. Une campagne qui exige la liberté sans aucune charge de tous les détenus ; l’annulation des procès judiciaires de tous les militants du 29M ; ainsi que la démission de ministre de l’intérieur catalan, Felip Puig, et du ministre de l’intérieur du gouvernement central, Jorge Fernandez Diaz. Une campagne qui sert à la fois à se défendre des attaques du gouvernement, ainsi qu’à commencer à construire une riposte pour que les travailleurs et la jeunesse exploitée passent à l"offensive, seule façon de pouvoir affronter les plans d’austérité et proposer une alternative à ce système d’exploitation et misère qu’est le capitalisme.

Dans ce sens, la politique des directions syndicales est tragique. En ce qui les concerne, leur politique de négociation et démobilisation ne sert qu’à éviter à ce que les travailleurs puissent construire une alternative indépendante et de classe, indispensable pour les combats actuels et ceux qui vont venir. Après la puissante grève générale du 29M, les directions syndicales ont juste demandé à ouvrir une « période de négociations » avec le gouvernement jusqu’au 1ermai, en essayant d’arrêter la dynamique que la grève avait commencé à mettre en place, alors que le gouvernement annonçait, dès le lendemain de la grève, les plus importantes mesures d’austérité depuis l’époque de Franco.

Le 1ermai sera une opportunité pour continuer à organiser la riposte et à proposer une alternative à la politique stérile des organisations syndicales qui ne peut nous amener qu’à la défaite. Il est absolument indispensable de s’organiser avec les centaines et milliers de jeunes et travailleurs qui ne sont pas prêts à devoir payer les coûts de cette crise et des plans d’austérité, et qui veulent affronter la répression de l’Etat car ils sont conscients de ce qui se joue, c’est-à -dire les droits sociaux les plus fondamentaux, mais aussi les libertés démocratiques les plus essentielles.

Pour une solidarité internationale active avec la jeunesse et les travailleurs espagnols

De ce côté des Pyrénées, il est donc aussi fondamental de commencer à soulever le drapeau de la solidarité internationale avec les travailleurs et la jeunesse espagnols, ainsi qu’avec tous les opprimés qui en Europe doivent se battre contre des plans d’austérité comme en Grèce ou dans certains pays de l’Europe de l’Est.

En nous appuyant sur le meilleur de la tradition internationaliste qui s’est exprimée à l’égard des travailleurs et du peuple espagnol pendant la guerre civile et la révolution espagnole et sur la sympathie que les jeunes français ont pu avoir vis-à -vis du mouvement des indignés, menons une campagne internationaliste en soutien aux travailleurs espagnols et contre la répression féroce et les arrestations qu’ils sont en train de subir.

Il serait important que tous les syndicalistes lutte-de-classes et les organisations de l’extrême-gauche politique en France prennent cette campagne de solidarité internationale en main.

Dans ce sens, le 1ermai sera également une possibilité de faire passer cette idée de solidarité internationale parmi les exploités de tout le continent pour affronter l’austérité, mais aussi pour commencer à poser la nécessité de mettre à bas ce système d’exploitation et de misère, tâche pour laquelle une coordination des grèves, des luttes et des résistances au niveau européen s’avère indispensable.

Laura Varlet

Source : http://www.ccr4.org/A-bas-la-repression-dans-l-Etat

[1Pour une analyse de la grève du 29M, voirhttp://www.ccr4.org/Un-premier-succes-contre-la-cure-d

[2Comisiones Obreras (Commissions Ouvrières) est l’une des deux principales centrales syndicales de l’Etat espagnol.

[3Les « Grises » était le nom donné à la police armée, créée par la dictature de Franco, qui avait pour but la vigilance totale et permanente et surtout la répression.


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