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Le Monde Diplomatique (janvier 2012)

Dans Le Monde Diplomatique de Janvier 2012 (excellente livraison), Serge Halimi compare les responsables politiques européens à des canards sans tête : « Les sommets de dirigeants européens se suivent et échouent ; la Maison Blanche et le Congrès se querellent sans résultat. « Les marchés » l’ont compris, et traitent dorénavant les élus comme des canards sans tête, simples jouets des forces qu’ils ont eux-mêmes enfantées et qu’ils ne savent plus maîtriser. Au même moment pourtant - en France, en Russie, aux Etats-Unis et ailleurs -, des élections présidentielles se préparent. Elles saturent l’espace civique et médiatique, créant un sentiment irréel de déconnexion entre le dire et le faire. Car même si on n’attend pas grand-chose des candidats, voire plus rien du tout, au moins ils sont connus - leur parcours, leurs défauts, leurs alliés, leur entourage, leurs réseaux. L’attention de la population se porte donc plus volontiers sur MM. Barack Obama et Newton Gingrich, sur MM. Nicolas Sarkozy et François Hollande, que sur les fonds spéculatifs et les institutions de crédit. Mais à quoi servent-ils encore ? »

Le mensuel a retrouvé un texte inédit de Pierre Bourdieu sur la « fabrique des débats publics » : « D’un côté, une situation économique et sociale inouïe. De l’autre, un débat public mutilé, réduit à une alternative entre austérité de droite et rigueur de gauche. Comment se délimite l’espace des discours officiels, par quel prodige l’opinion d’une minorité se transforme-t-elle en « opinion publique ? »

Pour François Pradal, l’Égypte se situe à la croisée des chemins entre le salafisme et la révolution : « Les violences de la place Tahrir, au Caire, ont consommé le divorce entre l’armée égyptienne et les révolutionnaires. A Suez, les salafistes, qui ont triomphé aux législatives, devront tenir compte des revendications de justice sociale et de liberté. »

L’école peut-elle vraiment tout, demande John Marsh ? « Les candidats à la présidentielle française multiplient les propositions visant à réformer le système éducatif. Il en irait de la lutte contre le chômage, de la résorption des inégalités, parfois même de l’unité de la nation. En France comme aux Etats-Unis, à gauche comme à droite, la salle de classe se voit parée des plus grandes vertus politiques. Mais l’école peut-elle vraiment tout ? »

Thomas Frank explique comment la droite américaine a détourné la colère populaire : « Impuissant face au chômage et au gouffre de la dette publique, M. Barack Obama sort affaibli de son premier mandat. Les conservateurs, bien placés pour remporter l’élection présidentielle de 2012, peinent à trouver un candidat crédible. Mais ils sont d’ores et déjà parvenus, après une mauvaise passe, à faire oublier le naufrage idéologique que constitue pour eux la crise financière. »

La country music est-elle désormais de droite et de gauche ? Sylvie Lauren répond : « Longtemps perçue - à tort ou à raison - comme réactionnaire et méprisée des élites progressistes, la musique country séduit désormais le pays entier.

Maurice Lemoine décrit les dérives de l’Internationale socialiste : « En 1951, l’Internationale socialiste (IS) rétablit ses activités en vue de « libérer les peuples de leur dépendance face aux détenteurs des moyens de production ». Soixante ans plus tard, ses dirigeants préfèrent parler de « régulation judicieuse des effets néfastes de la mondialisation ». Une lente dérive qu’illustre leur attitude face aux socialistes latino-américains. »

Avec ironie, Antoine Schwartz explique que, dans les rédactions, la nostalgie pour l’euro n’est plus ce qu’elle était : « Le 1er janvier 2002, la monnaie unique (créée en 1999) entrait en circulation. L’atmosphère de jubilation qui caractérisa la célébration de l’événement dans la presse tranche avec les doutes que suscite désormais une devise rêvée à Paris, conçue à Bruxelles et frappée à Francfort. Au point qu’investisseurs et entreprises s’interrogent : l’euro soufflera-t-il sa onzième bougie ?

Pour Bernard Cassen, la monnaie unique est devenue la créature de Frankenstein : « Dans le film de Stanley Kubrick 2001, l’Odyssée de l’espace (sorti en 1968), l’ordinateur HAL 9000, merveille d’intelligence artificielle, embarqué dans le vaisseau Discovery en route vers Jupiter, se libère du contrôle des astronautes. Il réussit à les éliminer, à l’exception d’un seul, qui parvient à le déconnecter. Si l’on revient sur Terre, et plus précisément en Europe, en 2012, on peut rétrospectivement comparer l’euro, électron libre sans autorité politique qui le pilote, à l’ordinateur. En créant, en janvier 1999, cette monnaie unique dans les pays satisfaisant aux critères de convergence du traité de Maastricht (1992), dans une atmosphère d’allégresse générale, ses concepteurs étaient loin d’anticiper que la créature pourrait n’en faire qu’à sa tête. Au risque d’ébranler l’architecture de l’Union européenne (UE) dont elle était pourtant le fleuron. »

Wolgang Streek explique pourquoi les responsables politiques n’ont pas intégré que la crise politique avait commencé il y a quarante ans : « Utilisée sans relâche pour décrire l’aggravation de la situation économique et financière depuis 2008, la notion de crise sous-entend le dérèglement intempestif d’un système pérenne. Il suffirait alors de corriger les excès pour que les affaires reprennent. Et si le capitalisme démocratique mis en place dans les pays occidentaux après la seconde guerre mondiale comportait un déséquilibre indépassable ? »

Gilles Ardinat nous met en garde contre le danger de l’abus de statistiques : « En période de crise plus encore que d’ordinaire, la vie publique ploie sous une avalanche de chiffres, taux, notes et autres pourcentages censés quantifier la réalité objective. Instrument de gouvernement, arme suprême de la preuve, l’argument statistique fait autorité. Mais qu’indiquent réellement les indicateurs ? Certains ont manifestement pour vocation d’interdire la discussion… »

Anne-Cécile Robert établie un lien entre les inégalités, la protection sociale et celle de l’environnement : « C’est ce que constatent le Programme des Nations unies pour le développement et l’Organisation internationale du travail, qui proposent des solutions. »

Pour Vincent Doumayrou, la mise en concurrence entre Anvers et Rotterdam peut avoir des conséquences dramatiques : « Anvers, Rotterdam : ports rivaux de la façade nord-européenne où transitent des flux de marchandises destinées aux supermarchés du continent ou, au contraire, en partance pour le large. Dans les terres, la concurrence portuaire se mue en lutte régionale pour l’offre d’infrastructures de transport. Et dégénère parfois en incident diplomatique entre la Belgique et les Pays-Bas… »

Excellent rappel historique d’Aurel et Pierre Daum sur ce qui s’est passé à Oran le 5 juillet 1962 : « Il y a cinquante ans, le peuple algérien accédait à l’indépendance. En juillet 1962, les journées de liesse ne furent entachées d’aucune violence envers les Français encore présents. Sauf à Oran, où des dizaines de pieds-noirs furent tués par la foule. Depuis un demi-siècle, les principaux récits de ce massacre ignorent des témoignages essentiels. »

Un autre texte prémonitoire et inédit de Pierre Bourdieu : « Au moment où des États abandonnent leur souveraineté budgétaire à des instances supranationales " notamment européennes ", la sociologie historique rappelle ce que les dynamiques d’intégration comportent de violence et de dépossession. »

Pour Élisabeth Rush, l’histoire s’accélère en Birmanie : « Depuis que le pouvoir birman se donne des allures de gouvernement civil, tout se précipite : légalisation du parti de l’opposante Aung San Suu Kyi, libération de prisonniers politiques, visite d’un dirigeant américain pour la première fois depuis un demi-siècle… »

L’entrepreneur Lagardère est-il en train de boire le bouillon dans le sport (David garcia) ? « Entre le rachat en mai dernier du club de football Paris Saint-Germain par un fonds d’investissement qatari et l’implication d’Al-Jazira dans le marché des droits de retransmission télévisée de la Ligue des champions, le sport hexagonal stimule les appétits financiers. Pourtant, la tentative du groupe français Lagardère d’investir dans ce secteur connaît un échec retentissant. »

Pour Antoine Champagne, les révolutions arables ont été fliquées par internet : « Quand une dictature s’effondre, on peine à comprendre comment elle pouvait se maintenir. En Libye, en Egypte ou en Tunisie, la réponse se trouve pour partie dans la surveillance systématique des communications. A l’aide de matériel fourni par des sociétés américaines et européennes trouvant là des clients décomplexés, ainsi qu’un terrain où tester leurs techniques à grande échelle. »

Une intéressante évocation de Maurice Maeterlinck et de la formation de la Belgique par Frank Venaille : « Longtemps intégrée aux Pays-Bas, soumise à l’autorité des Habsbourg d’Espagne et convoitée par la France, la Belgique conquiert son indépendance en 1830. Entre tensions linguistiques et sociales, certains mettront en doute son identité. Mais artistes et écrivains sauront la rendre manifeste. Parmi eux, Maurice Maeterlinck, Flamand d’expression française, Prix Nobel de littérature en 1911, né il y a cent cinquante ans. »

Pour finir, William Prendiville se demande si Shakespeare était bien Shakespeare (je m’autorise ma réponse : oui ; et il était même du Lot-et-Garonne : http://bernard-gensane.over-blog.com/article-romeo-et-juliette-et-le-lot-et-garonne-87133634.html) : « A la fin du XIXe siècle, Orville Owen, médecin à Detroit, achève l’appareil sur lequel il travaille depuis plusieurs mois : deux larges cylindres disposés sur des tréteaux de bois, actionnés par une manivelle. Entre les deux tambours, une toile de quelques centaines de mètres sur laquelle il a disposé les oeuvres complètes de William Shakespeare et de plusieurs de ses contemporains. Son projet ? Faire tourner le ruban de mots à une vitesse suffisante pour qu’apparaisse le code secret qui lui permettra de découvrir la véritable identité du barde anglais. » J’ajouterai que depuis, thèses, synthèses et foutaises n’ont pas cessé.

http://bernard-gensane.over-blog.com/

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En finir avec l’eurolibéralisme - Bernard Cassen (dir.) - Mille et Une Nuits, 2008.
Bernard GENSANE
Il s’agit là d’un court ouvrage collectif, très dense, publié suite à un colloque organisé par Mémoire des luttes et la revue Utopie critique à l’université Paris 8 en juin 2008, sous la direction de Bernard Cassen, fondateur et ancien président d’ATTAC, à qui, on s’en souvient, le "non" au référendum de 2005 doit beaucoup. La thèse centrale de cet ouvrage est que l’« Europe » est, et a toujours été, une machine à libéraliser, au-dessus des peuples, contre les peuples. Dans "La fracture (…)
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Il y a un sacré paquet de connards à Cuba - comme partout. Mais la différence à Cuba, c’est qu’ils ne sont pas au pouvoir.

Jose G. Perez

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