On se fiche de savoir si la bourgeoisie parisienne sera représentée au Parlement par l’actuel Premier ministre ou par la récente égérie de la « diversité ». Mais on ne saurait passer sous silence qu’avec le tact qui le caractérise, l’homme politique et urologue Bernard Debré vient de publier dans son blog (http://www.bernarddebre.fr/actualites/lettre_ouverte____rachida_dati), en date du 13 décembre 2011, une très vive admonestation à Rachida Dati, lui demandant de démissionner de tous ses mandats, après lui avoir fait la morale. La lettre est suivie de commentaires, tous hostiles à l’ancienne confidente du Président de la République.
En mai dernier, je m’étais permis de relever dans mon blog (http://bernard-gensane.over-blog.com/article-le-courage-de-bernard-debre-74092944.html) à quel point l’ancien soutien de Balladur (ohé, Donnedieu de Vabres !) savait frapper un opposant politique en situation de faiblesse (DSK, en l’occurrence).
Je cite la lettre de ce médecin hospitalier, grand défenseur de la médecine libérale :
"Ta lettre est dramatique en ce qu’elle révèle de ta personnalité profonde, non pas de révoltée mais de petite fille gâtée par la vie. Je parle de la vie publique.
Il faut, devant tes caprices, s’incliner ou disparaître. Jusque là , je te le signale, tu as été élue sans effort, sans compétition. En réalité, tu as été nommée, purement et simplement ! Essaie de conserver un minimum de gratitude.
Mais ton acharnement, qui n’a d’égal que ton ego (c’est bien peu dire), est devenu insupportable, s’il n’était pas pathétique.
Maintenant que tu as craché ton venin, il faut que tu en tires les conséquences. Donne ta démission du poste de député européen que tu méprises tant et où l’on ne te voit jamais. D’ailleurs, ne l’as-tu pas dit toi-même dès le début de ton mandat ? A l’époque, tu ne l’as choisi que pour faire ta promotion. Tu n’as pas, semble-t-il, brillé au Parlement européen.
Donne aussi ta démission de la mairie du VIIe arrondissement. Les électeurs pensaient voter pour l’UMP et non un ’rachidadatisme’ outrancier".
« Petite fille gâtée par la vie ». Voyons voir. Née dans une banlieue de Chalon-sur-Saône de parents maghrébins, deuxième de onze frères et soeurs, Dati est partie de rien pour, à moins de quarante ans, être la première femme issue de l’immigration à occuper des fonctions régaliennes au sommet de l’État français. Comme elle était très ambitieuse et très pressée, elle n’eut de cesse de frapper à des portes prestigieuses : entre autres celles des dirigeants de Matra, du sulfureux Albin Chalandon et de Simone Veil, la vieille dame préférée des Français. Dès lors que ses dents rongeaient le parquet, il lui était impossible de faire autrement.
Lorsqu’on s’appelle Debré, on ne rencontre pas ces problèmes vulgaires car, justement, on est un héritier « gâté par la vie ». Un des arrière-grands-pères de Bernard Debré (Simon) fut le premier rabbin de Neuilly (Wikipédia nous informe qu’à la fin de sa vie, en 1937, il obtint l’agrandissement de la synagogue dont l’architecte, comme un fait exprès, fut son fils Germain). Son grand-père Robert est considéré comme l’un des fondateurs en France de la pédiatrie moderne. Son père Michel fut haut fonctionnaire, Premier ministre puis ministre régalien.
Les Debré sont alliés aux La Panouse, au grand architecte Lemaresquier, et cette famille a compté en son sein le brillant mathématicien Laurent Schwartz, premier Français médaille Fields. Bernard Debré eut pour oncle l’un des grands peintres non figuratifs de notre pays.
Attachons-nous au parcours politiques de Michel et Bernard, pas vraiment rectilignes pour de grands donneurs de leçons.
Officier de cavalerie, Michel Debré est fait prisonnier en juin 40. Il s’évade et intègre, non pas un mouvement de résistance, mais le Conseil d’État. Il est alors favorable au général Weygand, militaire d’extrême droite, antidreyfusard acharné, fidèle lecteur de l’antisémite Libre Parole d’Édouard Drumond. Contre Reynaud, Weygand prône l’armistice et fait condamner De gaulle à mort par un tribunal militaire. En 1941, Michel Debré est, au Maroc, un fonctionnaire important du régime de Vichy. Il prête serment au maréchal Pétain avant de retourner comme maître des requêtes au Conseil d’État en 1942.
Il s’engage dans la Résistance en février 1943, quatre mois après l’invasion de la zone libre. Durant l’été 1943, il se rapproche de De Gaulle qui lui demande d’établir la liste des préfets (ohé, Papon !) qui remplaceront ceux de Vichy. Il devient lui même préfet (commissaire de la République) à Angers en août 1944. A partir d’un projet du socialiste Jean Zay formulé avant-guerre, il rédige les statuts de l’ENA.
Il est battu aux élections législatives de 1946 en Indre-et-Loire avant d’être élu sénateur dans ce département de 1948 à 1958.
De Gaulle en fait son Premier ministre puis remplace ce farouche partisan de l’Algérie française par le banquier Georges Pompidou (quand on pense qu’il existait des "gaullistes de gauche" !). En 1963, Debré est à nouveau battu en Indre-et-Loire. Il jette son dévolu sur La Réunion, où il est élu dans un fauteuil. Soutenu par les socialistes locaux, il est l’opposant principal du communiste Paul Vergès, partisan de l’indépendance de l’île.
Debré prend alors une mesure absolument scandaleuse dont les grands médias français parleront avec vingt ans de retard. Je cite Wikipédia :
« Considérant que la démographie de l’île est une menace pour son développement, Michel Debré organise durant les années 60 la migration de 37000 Réunionais vers la métropole en moins de vingt ans. Il crée pour ce faire le BUMIDOM et le CNARM. Dans le même état d’esprit, il fait procéder au déplacement vers l’Hexagone de plus de 1 600 enfants réunionnais (entre 1963 et 1982) arrachés à leur famille en vue de repeupler certains départements métropolitains en cours de désertification, notamment la Creuse. Au professeur Denoix qui s’insurgeait de ces pratiques, il répond dans une lettre : « L’entreprise doit être poursuivie avec d’autant plus de constance qu’elle peut être combinée avec un admirable mouvement d’adoption que nous n’arrivons pas toujours à satisfaire. »
Pour nous en tenir aux développements récents de la carrière de Bernard Debré, notons qu’il est élu en 2004 dans le quartier très prolétarien du nord du XVIe arrondissement. Candidat de droite sans étiquette, il l’emporte contre l’impétrant de l’UMP. Il s’inscrit alors au groupe UDF de l’Assemblée Nationale - comme apparenté (Bernard est un homme libre) -, puis passe à l’UMP - toujours comme apparenté. Il adhère en 2007 à l’UMP comme adhérent direct.
Bernard Gensane
PS : Si Rachida s’était appelée Rachid l’acharnement eût été moindre.
PPS : Chez les Debré, les hommes meurent entre 90 et 100 ans. On n’en a pas fini avec Bernard et son jumeau...
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