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Extraits d’une interview de Mohammad Javad Larijani (New York Times)

Voici des extraits d’une interview de Mohammad Javad Larijani, le Secrétaire général du Conseil de l’Iran aux droits de l’homme. L’interview a été réalisée en anglais par The New York Times à la Mission de l’Iran à l’Organisation des Nations Unies à New York le 14 novembre 2011.

Q : Quelle est votre appréciation des relations américano-iraniennes ?

R : Personnellement, je pense que les relations entre l’Iran et les Etats-Unis auraient un bon potentiel d’amélioration. Mais le principal obstacle est l’attitude des gens à Washington. Ils sont paranoïaques à propos du gouvernement iranien, et pas seulement du gouvernement, de la création de la République islamique d’Iran. Cela a conduit à une situation qui tient pour acquis que l’Iran serait une menace majeure, et pour les Démocrates et les Républicains, le problème est de savoir comment faire face à cette menace. Je pense que l’hypothèse de base est viciée. L’Iran est un contributeur majeur à la stabilité de la région, un promoteur très notable de la démocratie dans la région. L’Iran a été le premier pays à soutenir, immédiatement, le soulèvement au Moyen-Orient. La démocratie est dans notre intérêt fondamental.

Sur un plan pratique, il y a des questions importantes, dans lesquelles au moins par coïncidence, si ce n’est intrinsèquement, les intérêts des deux nations convergent. Comme la sécurité du Golfe Persique, comme l’Afghanistan, ou d’autres questions, ou la lutte contre le terrorisme. Mais malheureusement, comme je le disais, la perception, qui est je le rappelle, une paranoïa aveugle sur l’Iran, empêche les politiciens aux Etats-Unis d’avoir un bon départ. Le bon départ est que nous devrions accepter que nous sommes différents. Parler de changement de régime en Iran est un signe de faiblesse.

Q : Comment essayez-vous de transmettre votre message aux décideurs politiques à Washington ?

R : Je pense qu’il ne manque pas de moyens pour que cette idée soit acheminée. Mais les décideurs politiques sont empêtrés dans un grand nombre de points de détail, un style américain, qui les menotte, au regard de la nature réelle de cet intérêt.

Q : Donc, le fardeau repose sur les Etats-Unis ?

R : Eh bien c’est au moins un point majeur, qui empêche les États-Unis de prendre la bonne direction. Une bonne politique de départ devraient être fondée sur le respect des deux systèmes, en acceptant les différences, même les intérêts entrant en collision - nous devrions accepter cela - et ensuite essayer d’aller dans une voie pragmatique.

Q : Est-ce une opinion partagée par tout le monde dans le gouvernement iranien ?

R : C’est une position importante, que l’obstacle principal de l’amélioration des relations avec les Etats-Unis est leur attitude envers la politique que nous avons créée à la Révolution. Les Etats-Unis n’admirent, ni n’encouragent, ni n’évaluent la démocratie que nous avons construite en Iran. C’est une démocratie, une démocratie unique au Moyen-Orient.

Q : Pourquoi pensez-vous que l’animosité américaine envers l’Iran soit si enracinée et comment vous en éloignez-vous ?

R : Nous ne devrions pas ignorer l’influence des Israéliens à pousser les Etats-Unis vers une position hostile envers l’Iran. Ils pensent que cette hostilité crée un havre de paix pour eux dans la région. Cela donne une nouvelle raison aux Israéliens d’être soutenu par les Etats-Unis.

Les Etats-Unis devraient mettre de côté cette idée de changement de régime, ou le langage de la menace envers l’Iran. Cela ne produira certainement aucun résultat.

Q : L’Agence internationale de l’énergie atomique des Nations Unies vient de publier un rapport critique sur votre programme nucléaire, soulevant la possibilité que l’Iran pourrait chercher à construire une arme nucléaire. Quelle est votre réaction ?

R : Le succès de l’Iran dans la technologie nucléaire n’est pas quelque chose de caché ou de secret. Nous sommes au premier plan dans la capacité nucléaire. Nous sommes le premier pays [de la région] qui possède sa centrale nucléaire, et nous ne l’avons pas achetée, je veux dire finie. Nous savons comment le faire, nous savons comment obtenir du carburant, nous savons comment développer notre technologie. Donc, c’est un grand honneur pour les réalisations iraniennes.

Nos structures sont sous la surveillance constante de l’AIEA. Donc je ne pense pas que cela soit une source de tension et d’affrontement. Je pense que la source de confrontation réside dans l’idée que la promotion de l’Iran dans la région pourrait être une menace pour les intérêts traditionnels qui ont été définis par les États-Unis.

Ce dernier rapport est une honte pour l’agence, comme tout le monde a pu le noter. Il soulève des questions qui avaient été réglées depuis quatre ans, les recycle, et essaie de dire qu’il s’agirait d’une nouvelle preuve. Pas une seule preuve nouvelle n’y figure. C’est une série d’accusations, transmises à l’AIEA par les États-Unis.

Q : Pourriez-vous accepter une solution à deux Etats au conflit israélo-palestinien ?

R : Nous honorerons toute décision prise par les Palestiniens, même si nous ne sommes pas d’accord. C’est aux Palestiniens de décider de leur avenir - deux États, un État. Mais notre position est que la création de deux Etats ne résout pas le conflit. Pourquoi devrait-il y avoir deux Etats ? Il devrait y avoir un seul Etat, dans lequel les Musulmans, les Juifs et les Chrétiens vivent côte à côte, avec égalité des droits civiques. Jérusalem est un bijou, un joyau de culture de l’humanité. Même les Juifs perdent beaucoup dans ce conflit. Juste par hypothèse, supposons que les Juifs, les Chrétiens et les Musulmans vivent dans un État, la Palestine. Ensuite, combien d’investissement pourrait être fait à Jérusalem ? Des millions de personnes viennent visiter ce lieu. Ce conflit rend victimes non seulement les Musulmans, mais l’avenir des Juifs et des Chrétiens.

Nous pensons donc que si nous poursuivons une politique de 60 ans, et elle n’a pas produit de bons résultats, il est très prudent que nous nous arrêtions et évaluions notre politique. Créer un Etat juif, qui est un état très racial, c’est une mauvaise attitude, c’est une mauvaise approche. Malheureusement, le régime sioniste en Israël n’a aucun respect pour toutes les lignes de frontières. Je ne pense pas que même une politique à deux Etats serait quelque chose qu’ils pourraient accepter. Ils veulent distribuer les Palestiniens dans de petites colonies. Il est presque impossible de leur créer un État.

Faisons face à cette question. Comment les Israéliens veulent vivre dans cette région ? Ils vivent dans une zone totalement militarisée. Ils ont créé une l’île avec un mûr autour d’eux. Veulent-ils continuer cette vie ? Et les changements au Moyen-Orient ne sont certainement pas de nature à ce que les Israéliens se sentent plus en sécurité. Les changements en Egypte, par exemple. Israël est en train de perdre énormément de terrain là -bas. Je pense que le temps viendra où même les occidentaux et le peuple des Etats-Unis vont repenser ce projet depuis le début et essayer un nouveau modèle.

Q : Quand prévoyez-vous que cela se produise ?

R : Commençons par les changements. J’envisage des changements au Moyen-Orient pour arriver à un très bon résultat, et non pas un résultat final, en une décennie, afin de produire des structures plus démocratiques. Nous voyons l’Egypte dans une situation plus démocratique, qui est en émergence. La Tunisie se dirige vers la démocratie, et comme vous le savez le groupe islamiste a obtenu la victoire. Cela se passe en Libye aussi bien. Et pourquoi pas dans d’autres pays du Moyen-Orient ? Il suffit donc d’attendre pour que dans 10 ans en gros, nous serons confrontés à un nouveau Moyen-Orient. Dans ce nouveau Moyen-Orient, la voix du peuple aura plus de poids dans les politiques du gouvernement. Et vous savez que les peuples du Moyen-Orient sont contre cette politique persistante d’Israël dans la région.

Q : Qui préféreriez-vous comme prochain Président des Etats-Unis ?

R : Contrairement aux politiciens américains qui nomment des gens en Iran comme étant leur choix, nous pensons que c’est très discourtois.

Q : Bien, qui aimez-vous ?

R : J’ai eu le plus grand espoir en Obama pour apporter le changement mais il a échoué de manière drastique. Je ne sais pas pourquoi. Qu’il n’ait pas été assez courageux, qu’il n’ait pas été en mesure de créer des changements au sein du pouvoir. Je veux voir une personne qui soit assez courageuse pour se débarrasser des modalités qui ont échoué, tant internes qu’externes. Cela servira mieux les Etats-Unis et le monde.

Source : Extraits d’une interview de Mohammad Javad Larijani

Traduction par un lecteur assidu du Grand Soir

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George Corm. Le nouveau gouvernement du monde. Idéologies, structures, contre-pouvoirs.
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Thomas Friedman, « In Defense of ISIS », New York Times, 14 avril 2017.

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