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Echec de l’élite tunisienne (Al-Ahram)

L’élite politique tunisienne ne parvient pas à convaincre les électeurs de participer à la transition démocratique qui prépare les élections du 23 octobre

Les Tunisiens se sont habitués, au cours des 50 dernières années, à la règle du parti unique de facto à laquelle Zein Al-Abidine bin Ali, l’ancien président du pays qui a été chassé par les manifestations populaires de janvier contre son régime, avait ajouté divers partis d’opposition. Mais ils étaient essentiellement décoratifs et n’affectaient en rien l’ancien parti au pouvoir le parti RCD, auquel il était interdit de s’opposer.

Mais après la Révolution du 14 janvier, une pléthore de partis politiques ont vu le jour et une centaine ont été autorisés dès le début du mois de juillet.

Beaucoup d’analystes n’ont pas été surpris de cette soudaine prolifération des partis politiques dans le pays car ce phénomène se constate dans d’autres transitions démocratiques dans le monde, mais d’autres, dont le politicien vétéran Ahmed Mestiri, fondateur du Mouvement Démocratique Socialiste (MDS) qui était le principal mouvement d’opposition pendant le règne de l’ancien président Habib Bourguiba comme pendant celui de Bin Ali, ont accusé le gouvernement de transition de manipuler la situation à son avantage.

Quoiqu’il en soit, la situation politique en Tunisie aujourd’hui forme un paysage politique étrange parce que les nombreux partis politiques tunisiens, y compris ceux qui sont le plus populaires, n’ont aucune expérience du pluralisme démocratique ou politique.

Les partis n’ont pas de programme politique qui les démarqueraient les uns de autres et ils n’ont pas proposé de solutions pour répondre aux principaux problèmes du pays comme le chômage, le rôle de la religion dans la politique et la réforme des systèmes éducatif et politique du pays.

La plupart de ces nouveaux partis n’ont pas de soutien populaire ni de moyen réel d’attirer des adhésions et la plupart de leurs leaders n’ont qu’un seul but : être élus à l’Assemblée Constituante Tunisienne ou au parlement.

Le chaos actuel et l’incertitude qui règnent sur la scène politique ont seulement augmenté la défiance du peuple envers la transition elle-même et les nouveaux partis qui paraissent faibles, mal organisés, impopulaires et sans stratégie claire pour obtenir l’adhésion populaire.

La plupart se sont contentés, depuis leur formation après la Révolution de janvier, d’attaquer le parti à orientation islamiste du pays, le Parti Ennahdha, et d’accuser les médias de ne pas couvrir leurs activités.

En conséquence, la qualité du discours politique a été médiocre dans le pays, les partis et les politiciens se contentant de réagir au coup par coup sans proposer de solutions aux problèmes endémiques du pays.

Cependant, des groupes plus forts sont apparus ces mois derniers, formés souvent de la coalition de plus petits partis, même s’ils souffrent malheureusement aussi de divisions et de scissions.

Le Pôle Démocratique Moderniste (PDM) par exemple qui était une coalition de partis de gauche, s’est vite désintégré quand Chokri Belaâd, le président des patriotes démocrates (MPD), s’est retiré de la coalition.

Auparavant, le PDM avait été rejoint par le parti Al-Wifek Al-Jomhouri (Alliance Républicaine), un groupe libéral créé et dirigé par un homme d’affaire Londonien, ce que de nombreux analystes considéraient comme une contradiction parce que l’Alliance était censée se trouver à droite de l’éventail politique tunisien.

Pendant ce temps, la police tunisienne n’a pas hésité à utiliser la force contre les manifestants qui voulaient organiser des sit-ins dans Tunis, la capitale. Le mois dernier, la violence et les gaz lacrymogènes ont répondu aux manifestations dans le rues de la capitale, signe que la sorte de protestation qui a fait tomber l’ancien régime n’était pas terminée et que les nouveaux partis politiques du pays ont été incapables de rallier les manifestants.

La reconnaissance officielle s’est étendue au parti islamiste Ennahdha (Renaissance) car on a considéré que la Révolution de janvier ouvrait une ère nouvelle, et les analystes disent que ce parti aura probablement une immense influence sur le pays.

Bien que les leaders du parti n’aient pas appelé au vote de lois imposant la pratique de l’Islam en Tunisie, Ennahdha fait l’objet d’un débat croissant sur le rôle de l’Islam dans la jeune démocratie du pays.

Abdel-Hamid Jelassi, un officiel important de Ennahdha n’a aucun doute que son parti "rencontre un écho chez beaucoup de Tunisiens". Selon lui, même si "on ne connaît pas exactement le niveau de popularité de Ennahdha, on sait que de larges segments de la population tunisienne ont de la sympathie pour le mouvement islamiste."

Les observateurs étrangers sont d’accord avec lui. Selon Eric Goldstein, directeur adjoint de la section Moyen-Orient et Afrique du Nord de l’ONG étasunienne Human Rights Watch, "Ennahdha bénéficie d’un soutien populaire significatif en Tunisie et veut jouer un rôle politique. On devrait le lui permettre tant qu’il sera fidèle aux engagements qu’il a pris : respecter les règles du jeu, respecter les droits des femmes et respecter les résultats des élections."

Jelassi pense que "la démocratie en Tunisie, comme dans le monde arabe, peut avoir une dimension religieuse. Cependant, "ce n’est pas seulement pour des raison religieuses que Ennahdha veut obtenir les votes des Tunisiens mais aussi pour mettre en oeuvre son programme politique concernant l’éducation et le chômage par exemple."

Jelassi décrit Ennahdha comme une "variante" du parti en pouvoir en Turquie, le parti Justice et Développement qui a une orientation islamiste.

Pour l’universitaire français, Pierre Vermeren, la société tunisienne est "très sensible à l’Islam" qui est forcément très ancré puisque 95% de la population est musulmane.

Dans son livre "le Maghreb : la démocratie impossible" Vermeren écrit que "un discours moral religieux est facile à répandre [dans les sociétés du Maghreb] à cause du rejet de la corruption et autres pratiques," et conclut que "le sol est très fertile" pour que l’islamisme se répande dans les classe marginalisées de la société.

Les déclarations modérées de Ennahdha n’ont pas encore réussi à convaincre les partis et les militants laïcs qui croient que le parti tient "un double discours", un à l’usage des médias et du public en général et l’autre à ses membres et ses supporters.

Déjà plus populaire, mieux organisé et plus expérimenté que la plupart des autres groupes politiques tunisiens, Ennahdha a aussi montré qu’il était capable de tirer profit de la faiblesse des autres partis et de leurs erreurs. Il a aussi réussi à tourner à son avantage les critiques qu’on lui adressait.

Le parti organise des rassemblements, des ateliers, des conférences et a son propre journal, Al-Fajr, (l’aube) autrefois banni par Bin Ali et il pourrait aussi profiter du réveil d’organisations soeurs dans la région du Maghreb.

La renaissance possible de l’Islamisme en Libye et le mouvement islamiste populaire et bien organisé d’Algérie renforceront sûrement la popularité de Ennahdha en Tunisie, surtout si le conflit libyen se solde par une victoire des rebelles.

Cependant, quelques partis laïcs ont réussi à s’imposer dans une certaine mesure aux côtés de Ennahdha, dans le paysage politique.

Le parti Démocratique Progressiste (PDP), qui a recueilli des fonds importants dans la communauté d’affaires, a été le premier à lancer une campagne électorale de style occidental après la Révolution de janvier bien que son leader, Ahmed Najib Chebbi, demeure impopulaire surtout parmi les jeunes.

Le Pôle Démocratique Moderniste (PDM), qui rassemble des partis et des groupes comme la Voix du centre, Ettajdid, Alliance républicaine, Parti du travail patriote démocratique, Mouvement des patriotes démocrates, Front populaire unioniste, Mouvement de la citoyenneté et de la justice, Parti avant-garde arabe démocratique et le Parti Tunisie verte, voit aussi sa popularité augmenter même s’il ne constitue pas une réelle menace pour Ennahdha.

Le Forum démocratique pour le travail et les libertés (Takattol), le Congrès pour la république (CPR) et le Parti communiste des ouvriers tunisiens (PCOT), tous des partis établis de longue date, ont manifesté une réelle opposition au régime de Bin Ali et leurs leaders respectifs, Mustafa bin Jaafar, Moncef Marzouki, et Hamma Hammami, ont tous vécu en exil en France pendant que leurs adhérents étaient réprimés en Tunisie.

Pourtant, bien que ces politiciens aient un passé politique et idéologique crédible, leur popularité est encore faible. Hammami est rejeté par beaucoup de Tunisiens qui acceptent mal ses convictions communistes et un des rassemblements du PCOT dans une ville à l’extérieur de Tunis a été attaqué par un mouvement de foule.

Al-Watan (La nation), Al-Moubadara (l’initiative) and Al-Moustaqbal (le futur) sont des partis nouveaux dirigés par des membres de l’ancien régime, Mohamed Jegham, Kamal Morjane and Sahbi Basli, respectivement. Ces partis attireront sans doute les votes des supporters du RCD, l’ancien parti dirigeant, même si l’opinion publique n’a pas trop confiance en eux.

On s’attend aussi à ce que l’Union des Travailleurs (UGTT) et la Ligue tunisienne des Droits de l’Homme (LTDH) jouent un rôle dans les élections d’octobre.

Cependant on ne sait pas encore combien d’électeurs iront voter. Le 14 août était la date de fin des inscriptions sur les listes électorales et moins de 3 millions de Tunisiens sur les 7,9 millions qui ont le droit de vote se sont inscrits dans les 500 centres d’inscriptions mis en place dans le pays et à l’étranger.

Mourad Teyeb

Pour consulter l’original : http://weekly.ahram.org.eg/2011/1062/re6.htm

Traduction : Dominique Muselet

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