Bonjour,
pour ma part le Grand Soir n’est pas dans mes favoris, et a peu de chance d’y être un jour. Ca fait deux fois que j’y vient et deux fois que je tombe sur des articles complètement aberrants comme celui-ci !
Car après Viktor Dedaj, voici Domenico LOSURDO ! Plus fort dans le mensonge ! Plus efficace dans la neutralisation ! C’est tout neuf, c’est tout beau mais quand on s’approche de trop près ça pue la mort, la négation de la vie, le sacrifice, et au détour du discours on y trouve la domination de l’Etat dans toute son horreur glacée !
Faut-il en rire ou en pleurer ? La pensée de gauche ne cesse de se contorsionner, de se mutiler, de s’engouffrer dans la première faille venue, ne se refusant aucun procédé malhonnête ou manipulatoire tant qu’il s’agit de répondre, de masquer, de conjurer un peu plus longtemps sa propre incohérence, son impossibilité fondamentale. En ce moment elle n’a rien à envier à la propagande de l’OTAN !
Voici donc les révisionnistes de l’histoire récente ! Bientôt ils nous apprendrons que l’OTAN est depuis le début derrière le "printemps arabe", qu’il a même manigancé les soulèvements iraniens de 2009/2010, et qu’il est fort probable qu’il soit impliqué dans le soulèvement des ouvriers de Budapest en 1956 !! Par ailleurs des rumeurs courent à propos d’infiltration d’agents de l’Organisation dans les comités de quartiers parisiens et sur les barricades de 1848... Mais prudence ces informations n’ont pas encore été confirmées.
Simples rappels de la chronologie des faits :
1- les premières émeutes importantes en Lybie ont débuté à Benghazi le 13 février 2011. La contestation avait même commencé un mois plus tôt, le 13 janvier, qui avait contraint le régime à anticiper la situation en tentant de calmer le jeu par des mesures sociales précipitées : baisse des prix, distribution de logements, laxisme dans la répression de certains squats...
2- Juppé obtient la résolution de l’ONU DEUX MOIS PLUS TARD, le 18 mars 2011, pas avant, qui permettra à l’OTAN d’intervenir dans cette guerre civile le 20 mars 2011. Faut-il d’autres précisions, ou bien les abrutis argueront que la première attaque-suicide contre la caserne militaire à Benghazi, qui a permis d’armer les premiers groupes d’insurgés, a été le fait d’un commando de l’OTAN ?
Les véritables raisons de cette intervention ne sont évidemment pas ce que la propagande en dit et sont facilement devinables (pressions des milieux d’affaire notamment pour tout le pétrole à disposition, et dont les cours s’envolaient depuis le début de la guerre ; nécessité pour l’État français de se réaffirmer après son affaiblissement lié aux chutes de Ben Ali et Moubarak - il ne faut pas oublier qu’un simple changement de régime outre-méditerranée a réussi à faire tomber un cabinet ministériel en France - l’hémorragie devait s’arrêter ; même logique mais dans une moindre mesure pour certains États occidentaux dont les liens avec les anciennes dictatures les ont mis dans l’embarras et ont nuit à leur légitimité…).
Mais pour ceux qui ne comprennent la domination du monde que par les schémas simplistes et à travers les catégories du pouvoir, leur obsession de l’OTAN, leur anti-américanisme débile les acculent presque à prendre position pour le camp que le méchant impérialisme occidental a désigné comme son ennemi : le régime de Kadhafi. Quand ils ne le soutiennent pas à demi-mot, ils minimisent sa réalité, justifient certaines de ses horreurs, ou bien l’occultent la plupart du temps, "oublient" tout simplement d’en parler. Finalement la population libyenne n’ayant aucune raison de se révolter, ce ne peut être que par l’entremise de comploteurs occidentaux que la guerre s’est déclenchée. On peut même lire des niaiseries du type :"c’est l’OTAN qui a attaqué la Libye, pas l’inverse", reproduisant par là le puissant dispositif de l’idéologie nationaliste qui opèrent une indistinction, un brouillage général à l’échelle d’un territoire, un nivellement qui permet de nier les dominations internes et les conflits qui ne manquent d’exister entre dominés et dominants ; en l’occurrence il permet de zapper qu’une guerre civile avait éclaté bien avant que les puissances occidentales ne s’en mêlent. De manière général, il permet aussi de nier que cette guerre civile est latente partout où règnent les conditions modernes de la domination, c’est-à -dire... partout.
Que cela soit clair : la guerre en Libye a débuté - ou plutôt est apparue au grand jour, c’est-à -dire de manière offensive - à peu près de la même manière que celles de Tunisie, d’Égypte, de Syrie, d’Iran... La seule différence avec les précédentes est qu’elle a fait l’objet d’enjeux politiques internationaux plus importants que les autres, mais sans que cela ne modifie sa nature d’aucune sorte. Là où nous avions deux partis (insurgés VS kadhfistes), un troisième s’est imposé (la démocratie marchande) qui tente de se mélanger, de se faire identifier, finalement de se substituer au parti de l’insurrection par une opération fort simple qui consiste à se poser comme seul ennemi du parti kadhafiste. On désamorce ainsi le risque subversif de l’insurrection par un glissement vers un pseudo-choix : soit l’Etat kadahfiste, soit l’État démocratique ; l’escamotage d’une guerre civile par une guerre d’États. Ce dispositif veut rendre inutile la constitution de forces offensives, il ne s’agirait plus que de se mettre docilement à la disposition de l’un ou de l’autre pouvoir. On cherche par là à neutraliser le pouvoir des insurgés, à leur faire abandonner la puissance qu’ils ont acquis par et pour eux-mêmes au profit d’une identification aux représentations vides de l’État démocratique. Finalement, pour ceux qui n’abandonnent pas le parti de l’insurrection, la guerre civile n’a pas vraiment changé de nature, seule la configuration des hostilités a été modifié : l’ennemi a déployé une force militaire et médiatique bien plus importante que précédemment, mais qui a l’inconvénient d’être importée et donc d’être encore relativement étrangère au territoire et aux populations dont elle prétend prendre le contrôle. Reste à savoir si celles et ceux qui se sont constituées en force offensive parviendront à échapper au piège du spectacle démocratique (en refusant d’intégrer la future « nouvelle armée libyenne » par exemple), et s’ils seront assez forts pour continuer la lutte.