– Lors de la consultation référendaire du département de Guadeloupe, le gouvernement a offert l’autonomie fiscale aux communes de Saint Martin et de Saint Barthélemy transformant leur statut fiscal en zone de non droit. En 2003 la France a placé sous sa dépendance deux paradis fiscaux, ce qui est contraire à tous ses engagements visant justement à limiter le rôle des paradis fiscaux.
Baisse de l’impôt : baisse des solidarités ?
2004 : l’année de la niche fiscale
– Tour d’ horizon de l’ année 2003
L’année 2003 s’est finalement révélée très mouvementée en matière fiscale et pas seulement en raison du feuilleton toujours d’actualité sur le taux de TVA applicable à la restauration.
Il faut d’abord observer qu’à la différence de son premier mandat, où Jacques Chirac a été largement bridé par la cohabitation, et par opposition à son prédécesseur peu impliqué dans les stratégies fiscales, l’actuel président de la République s’est emparé du dossier fiscalité et a précisément fixé le cap des réformes en leur donnant une lisibilité tout à fait claire.
L’option politique adoptée par le président s’inscrit totalement dans la ligne libérale de réduction des impôts et de dumping fiscal au prix assumé d’un non respect historique des engagements de la France en matière de pacte de stabilité.
L’examen des nouvelles dispositions révèle un ensemble de mesures fiscales bénéficiant soit aux personnes morales (sociétés), soit aux personnes physiques qui disposent de revenus élevés. Seul le relèvement symbolique de la prime pour l’emploi vient contrebalancer l’unilatéralisme des mesures gouvernementales.
En l’état actuel des choses - avant les échéances électorales du printemps - l’année 2004 s’annonce également tonique sur le terrain fiscal avec l’ouverture de deux chantiers d’ampleur : la fiscalité du patrimoine et la fiscalité locale à travers la taxe professionnelle.
Le tout sous l’oeil attentif de Bruxelles, qui surveille le retour au vert des indicateurs du pacte de stabilité, et des citoyens, qui prennent de plus en plus conscience du rôle de l’impôt et de la nécessité de le réhabiliter pour plus de justice fiscale et sociale.
– Une stratégie fiscale définie au plus haut niveau de l’Etat qui déstabilise le financement des solidarités.
Le Président de la République considère que la France doit baisser le niveau de ses prélèvements obligatoires pour être présumée « compétitive » avec les pays qui se sont engagés sur la même voie. Et ceci quoi qu’il en coûte.
En matière budgétaire, on assiste ainsi à un changement de méthode. Au traditionnel discours sur « la baisse des dépenses publiques qui entraîne une baisse des impôts » s’est substitué un choix plus radical exposé par les économistes libéraux les plus orthodoxes, consistant à « baisser d’abord les impôts pour tarir ensuite la dépense publique ».
On mesure aujourd’hui les conséquences de ces choix à travers les conflits médiatisés qui agitent le monde de la recherche publique ou le mécontentement historique des fonctionnaires du Ministère des affaires étrangères qui se sont (fait rarissime) mis en grève pour protester contre la paupérisation de leurs moyens.
Mais au-delà de ces exemples c’est l’ensemble du financement des solidarités qui se trouve déstabilisé par les choix budgétaires et fiscaux du gouvernement sans pour autant qu’il soit possible d’en mesurer l’impact sur la croissance et l’emploi.
– Une politique fiscale partisane et inégalitaire
Une attaque frontale contre les impôts directs progressifs
Impôt sur le revenu
Près de 60% des dispositions fiscales nouvelles préparées par le gouvernement concernent l’impôt sur le revenu.
Lorsque l’on examine en détail la cible réelle des nouveautés on constate qu’au delà de la baisse générale de l’impôt sur le revenu de 3% toutes les autres mesures (excepté le relèvement de la prime pour l’emploi) ont pour vocation de faire baisser le niveau d’imposition des contribuables aisés situés dans le haut du barème.
Cette offensive générale contre la progressivité de l’impôt a permis d’abaisser pour la 3ème année consécutive le taux marginal de l’imposition (5% en 2001, 1% en 2002, 3% en 2003), et d’offrir de nouvelles « niches fiscales » susceptibles d’abaisser le taux réel d’imposition des contribuables aisés qui gravitent autour des tranches marginales d’imposition.
En ce domaine, la transparence a ses limites puisque la direction générale des impôts, qui dispose pourtant des informations disponibles, refuse de publier la répartition des contribuables en fonction des taux réels d’imposition.
D’après les données du Conseil des Impôts 4000 foyers fiscaux avaient en 1997 un taux réel d’imposition égal au taux marginal. Tout laisse à penser qu’ils sont chaque année moins nombreux en raison d’un effet « niches fiscales » totalement assumé.
Niches fiscales : l’amortisseur de progressivité réclamé par le Medef
La position du MEDEF sur les niches fiscales dont bénéficient les entreprises est exposée en annexe du 21ème rapport du Conseil des Impôts sur la fiscalité dérogatoire publié en 2003 : « les entreprises françaises évoluent dans un environnement où le poids de la fiscalité et le cadre législatif et réglementaire les pénalisent par rapport à leurs concurrents européens notamment.
Dans ce contexte les dispositions ou dispositifs d’ordre fiscal doivent donc être interprétés comme des sortes de « rustines » sur un système globalement insatisfaisant et beaucoup trop lourd pour les entreprises .... Les dépenses fiscales permettent alors un peu de respiration et d’adaptation dans les cas les plus extrêmes. Elles sont donc indispensables comme élément de régulation d’un système fiscal globalement déficient ».
Le poids de l’impôt sur le revenu dans les prélèvements obligatoires, déjà faible en France, s’affaiblit à nouveau. Ceci conduit à renforcer le poids des impôts indirects et, de ce fait, à accroître les inégalités d’efforts contributifs.
ISF : un autre coup porté à la progressivité
L’impôt de solidarité sur la fortune fait débat depuis sa création. Sous couvert d’arguments techniques autour, notamment, des questions de plafonnement, c’est son existence même qui est contestée pour des raisons idéologiques.
Le gouvernement, instruit par le coût politique de la suppression de l’impôt sur les grandes fortunes par le gouvernement Chirac en 1986, adopte une posture plus prudente ayant pour objectif, sinon de le supprimer, au moins de l’alléger.
2003 n’a pas été celui des grandes manoeuvres pour l’ISF. Le débat de fond est reporté à 2004 avec le réexamen d’ensemble de la fiscalité du patrimoine.
Néanmoins, les trois mesures « techniques » adoptées qui concernent les détenteurs de valeurs mobilières, vont se traduire par des exonérations nouvelles. La part de l’immobilier dans la base taxable à l’ISF va encore se renforcer et la formule « l’ISF taxe les millionnaires et exonère les milliardaires » gardera toute sa pertinence.
L’impôt sur le revenu et l’ISF sont les seuls impôts annuels véritablement progressifs en France, or ils ont été les principales cibles de la politique fiscale gouvernementale. Le caractère clientéliste des mesures fiscales adoptées en 2003 résulte bien d’un choix politique revendiqué et le contester serait manquer de bon sens.
La baisse des impôts sur les entreprises constitue la clef de voûte de la politiqueéconomique du gouvernement.
Le secteur de la recherche constitue l’exemple des choix stratégiques du gouvernement.
Alors que dans le volet dépenses du budget de l’état les crédits affectés à la recherche publique ont évolué à la baisse au point de provoquer une mobilisation d’ampleur du secteur de la recherche publique, dans le même temps la recherche privée se voyait octroyer des avantages fiscaux nouveaux sous forme d’aides fiscales ou d’élargissement du crédit d’impôt recherche.
L’Etat n’est plus acteur mais facilitateur de la politique industrielle. Le credo du gouvernement consiste à baisser le niveau d’imposition des entreprises pour créer le cadre optimum de développement économique. Le marché se chargeant du reste.
C’est avec cette grille de lecture qu’il faut comprendre les mesures adoptées en faveur des entreprises, soit dans la loi pour l’initiative économique, soit dans la loi de finances. La mesure phare est constituée par le report illimité des déficits en matière d’impôt sur les sociétés.
Cette tendance n’est pas spécifique à la France et on assiste en Europe à une concurrence intense sur le niveau d’imposition des sociétés.
Certains pays comme l’Irlande, les Pays Baltes, la Hongrie font même du dumping fiscal revendiqué pour attirer les investisseurs étrangers.
Une question de fond ne manquera pas de se poser en Europe sur la nécessité d’harmoniser les règles définissant la base taxable et de définir, sinon un taux unique d’impôt sur les sociétés, du moins des marges encadrées de fluctuations.
Les ménages subissent un double choc : celui d’une hausse des impôts indirects et d’un affaiblissement du rôle redistributif du budget
Si le coeur de cible de la politique du gouvernement a été l’entreprise il est notoire que les ménages les moins favorisés, non seulement ne bénéficient d’aucun allégement de charge fiscale, mais voient au contraire leur niveau d’imposition croître en raison de l’augmentation des impôts locaux (taxe d’habitation et taxes foncières) et des droits indirects sur le tabac et les produits pétroliers.
La contribution nette des ménages augmente et les transferts sociaux se réduisent. Cet effet de ciseau contribue à la paupérisation croissante d’une partie importante de la population. Lorsque l’impôt est moins redistributif, les solidarités s’effacent et la précarité s’accroît.
Un sujet tabou : la fraude fiscale
Alors que les réserves mondiales de pétrole, le trou de la couche d’ozone ou les réserves de poissons font l’objet d’une évaluation régulière il est prétendument impossible d’évaluer la fraude fiscale en France.
Cette affirmation est dénuée de bon sens et de fondement scientifique. Au contraire la Direction générale des impôts dispose de l’ensemble des données permettant d’évaluer les pertes de rentrées fiscales liées à la fraude fiscale.
Le SNUI évalue, sans être contesté, la fraude fiscale entre 45 et 50 milliards d’euros par an, ce qui est pratiquement équivalent à cinq fois le déficit annuel de l’assurance maladie ou à 80% du déficit budgétaire de l’année 2003.
Face à ces enjeux budgétaires et de société le Ministre des finances, Francis Mer, a déclaré devant la commission des finances de l’assemblée nationale que le niveau des moyens accordés aujourd’hui à la Direction générale des Impôts pour le contrôle fiscal était suffisant et que leur augmentation se traduirait pour un rendement marginal décroissant.
Pour le SNUI, cette conception est erronée, et ne prend pas en compte le développement de la fraude fiscale internationale à travers les écarts d’imposition entre pays et la montée en puissance des paradis fiscaux. Comme a pu le reconnaître un ancien ministre du budget, les créations d’emplois à la DGI sont budgétairement rentables et socialement utiles.
A cet égard, lors de la consultation référendaire du département de Guadeloupe, le gouvernement a offert l’autonomie fiscale aux communes de Saint Martin et de Saint Barthélemy transformant leur statut fiscal en zone de non droit. En 2003 la France a placé sous sa dépendance deux paradis fiscaux, ce qui est contraire à tous ses engagements visant justement à limiter le rôle des paradis fiscaux.
Mais certains considèrent que les paradis fiscaux sont les niches fiscales des plus fortunés.
Décidemment l’année 2003 aura bien été celle des niches fiscales.
Les principales mesures : une constante : moins de progressivité, moins de redistribution, plus de niches fiscales, plus d’injustice fiscale...
– Baisse de 3% de l’impôt sur le revenu : l’emblème d’une politique fiscale ciblée
Présentée comme la mesure permettant de relancer « la croissance et l’emploi », la baisse de l’impôt sur le revenu n’est de fait ni juste ni efficace.
Le barème : une évolution à la baisse
Pour la troisième année consécutive, le barème de l’impôt sur le revenu baisse. La promesse de campagne électorale du candidat Chirac doit être tenue envers et contre tout.
Cette année, la mesure phare du gouvernement consiste à baisser l’IR de 3%.
Les conséquences chiffrées de cette baisse :
Dans sa communication, le Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie avance un allègement en vue de « favoriser le travail et l’emploi », rejoignant ainsi les propos et les positions du club politique très libéral proche de l’actuel premier ministre « Dialogue et initiative » qui, sous la plume de Gilles Carrez, intitulait son rapport « Revaloriser le travail plutôt que l’impôt ». Le dossier de presse du Ministre propose quelques simulations sur l’impact de cette baisse.
Le SNUI a cependant tenu à l’enrichir afin de mieux percevoir le réel impact de la baisse.
L’impact général des baisses d’IR
S’agissant de l’IR, ce sont surtout les hauts revenus qui ont bénéficié des baisses de 5% et de 1% : ainsi, selon le rapport sur l’exécution budgétaire de 2002 de la Cour des Comptes, les 10% des ménages les plus aisés ont bénéficié de 69% des baisses d’impôts décidées en 2002. L’écart est encore plus important si l’on prend les 1 % de foyers les plus aisés qui en ont bénéficié à hauteur de 31.2% !
L’impact de ces baisses a été faible voire nul sur la croissance. Elles n’ont stimulé ni l’offre, ni la demande. Le Ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie lui-même reconnaissait à l’Assemblée Nationale, fin mars 2003, que ces baisses d’impôts « n’ont pas forcément été traduites par une augmentation de la consommation », tandis que Patrick Artus (économiste à la Caisse des Dépôts et Consignations) avançait qu’ « il est assez inefficace dans le contexte actuel de baisser les impôts pour soutenir la croissance ».
L’Observatoire Français des Conjonctures Economiques confirme qu’en matière d’IR, « les baisses d’impôts ont été un peu décevantes en termes d’effet sur la consommation » et constatait une « hausse du taux de l’épargne » expliquée en grande partie par « une hausse de l’épargne des plus riches ». Or le taux d’épargne est déjà très élevé (16,1% en 2001) et l’épargne dégagée ne produit pas d’effet évident sur l’investissement. La conclusion ? La mesure n’est ni juste, ni efficace...
La baisse de l’IR a, de fait, opéré des transferts de fonds : manque pour les budgets publics et disponibilités plus importantes pour les ménages les plus aisés (qui ont plus épargné que consommé). Ainsi, la baisse de l’IR a plus été un soutien aux marchés financiers qu’un élément favorable à la croissance et à l’emploi.
Concernant le manque à gagner pour l’Etat, on rappellera également que le coût global des baisses successives intervenues depuis 2000 est évalué à 6,6 milliards d’euros. Le coût net de la nouvelle baisse est évalué à 1,8 milliard d’euros.
De fait, la nouvelle baisse de 3% aboutira à une progressivité inversée : l’économie d’impôt augmentera au fur et à mesure que l’on s’élève dans la hiérarchie des revenus ! De ce point de vue, cette mesure est en effet la mesure phare du gouvernement...
– La revalorisation de la PPE : alibi social et effet d’optique
Décidément très soucieux de ne pas s’attirer les foudres de la « France d’en bas » et conscient du malaise suscité par les baisses répétées en matière d’IR, le gouvernement a cherché à se racheter en sortant un lapin de son chapeau fiscal : une hausse de la PPE pour que tout le monde profite de la baisse de l’IR.
Le mécanisme
Il consiste à relever les taux de la prime et à créer un acompte forfaitaire de 250 euros en cas de reprise d’activité pour les personnes qui ont été privées d’emploi pendant une durée d’au moins 6 mois ou qui perçoivent certaines allocations (allocation aux adultes handicapés, allocation de parent isolé, revenu minimum d’insertion).
Par ailleurs, les seuils et les limites servant au calcul de la prime sont indexés sur l’évolution des prix ; soit une hausse de 1,7%. En 2002, 8,5 millions de foyers ont touché la PPE. Parmi eux, 3,5 millions étaient imposables et 5 millions ne l’étaient pas. Pour 2003, l’ordre de grandeur resterait fixé à 8,5 millions de bénéficiaires.
L’acompte : pas si simple à obtenir
Si la revalorisation de la PPE est mise en avant par le gouvernement, la publicité relative à l’acompte est quasiment inexistante. L’acompte est censé réduire la durée séparant la reprise d’un emploi de la perception de la PPE.
Le bénéfice de l’acompte est de fait réservé à ceux qui auront pu prendre connaissance du mécanisme et qui auront la possibilité d’effectuer les bonnes démarches au bon moment.
La crainte est de voir le nombre effectif de bénéficiaires de cet acompte inférieur au nombre de ceux pouvant légalement en bénéficier.
Derrière l’effet d’annonce : une revalorisation artificiellement gonflée
Le gouvernement a fait une large publicité sur l’augmentation des moyens alloués au financement de cette mesure en avançant le montant global de 500 millions d’euros (cf. les interventions du Premier Ministre dans les médias).
En réalité, le coût net de cette « revalorisation » est bien inférieur. Les chiffres figurant dans le projet de loi de finances s’élèvent à 480 millions, en deçà de l’arrondi à 500 millions... et le . coût net est lui aussi à revoir à la baisse . . .
– En effet, l’acompte étant récupéré par l’Etat en 2005, il ne s’agit que d’une avance de trésorerie : on ne peut donc valablement pas l’inclure dans le coût net d’un effort budgétaire nouveau.
– De plus, l’indexation est un mécanisme classique que l’on retrouve à l’IR par exemple (cf. barème) et qui tient compte de l’évolution des prix (hors tabac) fixée à 1,7%.
Il est injustifié de le comptabiliser là aussi dans les mesures « nettes » de revalorisation correspondant à une véritable « rallonge » budgétaire.
– Cette « rallonge », dès lors, ne se résume plus qu’aux 80 millions d’euros liés au relèvement des taux.
Le tour de passe-passe budgétaire ne tient pas.
Compte tenu du nombre de bénéficiaires de la PPE (8,5 millions de personnes), la haussede la PPE sera faible (80 millions d’euros, soit 9,5 euros par bénéficiaire) et n’aura pas de quoi relancer la consommation.
L’alibi social du gouvernement est faible et les chiffres annoncés trompeurs.
Des sanctions pour « contrepartie » : une tolérance fiscale « zéro » très ciblée
Par ailleurs, il est institué une amende de 100 euros par personne ayant délivré de faux renseignements si la mauvaise foi est établie. Le gouvernement établit donc des radars à la PPE alors que celle-ci concerne une population fragile.
On notera par ailleurs que dans sa première écriture, le dispositif de sanction prévoyait cette sanction uniquement en cas de délivrance de faux renseignements. La condition tenant à l’établissement de la mauvaise foi venant humaniser ce dispositif n’est survenue que dans le cadre des discussions au parlement.
De plus, la notion de « mauvaise foi établie » peut être délicate à apprécier par les services fiscaux, notamment dans le cadre d’un contribuable peu au courant des subtilités fiscales.
Enfin, on notera le paradoxe qui consiste, parallèlement à l’institution de cette pénalité, à supprimer des emplois à la Direction Générale des Impôts alors que la lutte contre la véritable fraude fiscale est toujours une nécessité primordiale.
La PPE : un palliatif à la hausse des salaires mais à la charge des contribuables ?
La volonté d’intégrer le montant de la PPE sur la fiche de paie, voire de la mensualiser, comme le souhaite M. Fillon, éclaire sur la volonté du gouvernement de jouer la carte de la confusion dans l’esprit des bénéficiaires et notamment sur l’effet escompté : modérer les revendications salariales auprès de l’entreprise.
En effet, l’Etat, donc le contribuable, est appelé à intervenir dans l’évolution du pouvoir d’achat du salarié dont le travail ne bénéficie pourtant qu’à l’entreprise.
Le devenir de la PPE reste en suspens, mais la volonté d’en annoncer la refonte dans une future « loi pour l’emploi » est instructive à cet égard. La PPE va-t-elle se substituer à une véritable hausse des salaires ?
Ici, comme en matière de RMA, la collectivité se substituerait alors à l’employeur privé, par le jeu d’une charité publique déconnectée de l’évolution des richesses réellement créées.
En envoyant un tel signal aux entreprises qui seront tentées de compter sur la PPE pour s’exonérer de rehausser les bas salaires, le gouvernement joue, de fait, à fond la carte du maintien dans la trappe à pauvreté qu’il dit par ailleurs combattre en revalorisant le travail...
– Demi-parts : des ajustements techniques loin d’être neutres
Dans ce concert de baisses, on trouve des mesures sélectives qui ont pour conséquence la hausse de l’IR pour certains contribuables.
Une demi-part en moins pour de l’impôt en plus ?
Les contribuables célibataires, divorcés ou veufs sans enfant à charge bénéficient actuellement d’une demi-part supplémentaire si : ils ont un ou plusieurs enfants majeurs ou faisant l’objet d’une imposition distincte, ou s’ils ont un ou plusieurs enfants qui sont morts après 16 ans ou s’ils ont adopté un enfant (dans ce cas, sous conditions d’âge).
Désormais, si un contribuable de ce type ne vit pas seul, il perd le bénéfice de la demi-part.
On s’attaque à certains insupportables avantages acquis...
Il en résultera, pour les personnes concernées, une imposition sur 1 part au lieu de 1,5 auparavant : une augmentation de l’IR bien réelle pour une partie des 2.689.000 contribuables qui bénéficient actuellement de cette demi-part et qui ne satisferont pas tous aux nouveaux critères.
Le gouvernement justifie cette mesure au nom de l’équité avec les couples mariés. On se félicitera du souci d’équité mais on déplorera qu’elle ne trouve à s’appliquer que sur ce type de dispositif et qu’elle soit absente de la quasi-totalité des autres mesures prises. Loin de s’attaquer aux niches fiscales réservées aux ménages aisés, coûteuses et à l’efficacité non démontrée, c’est en grattant ailleurs que le gouvernement tente de se rattraper budgétairement.
Le bénéfice d’une demi-part trop élevé ?
Toujours en matière de demi-part, il a été décidé de ramener l’économie d’impôt procurée par l’application de la demi-part bénéficiant aux célibataires, divorcés, veufs et sans charge de famille mais ayant élevé un ou plusieurs enfants, à 800 euros au lieu des 980 euros antérieurs.
Une mesure que l’on ne doit pas considérer comme si anodine que ça. Lors de la première lecture du projet de loi de finances à l’Assemblée Nationale, il avait été envisagé de ramener cet avantage à 700 euros. L’opération aurait alors concerné plus de 630.000 foyers mais, en fin de compte, c’est le seuil de 800 euros qui a été retenu. Doit-on s’attendre à une nouvelle révision à la baisse de ce seuil dans une prochaine loi de finances ?
Présentées comme étant des mesures techniques, ces nouveautés sont difficilement « exportables ».Elles se traduiront néanmoins très concrètement par une hausse d’impôt pour de nombreux contribuables.
– Avoir fiscal : l’abattement des prélèvements sociaux
La fin programmée de l’avoir fiscal, effective en 2005, a été décidée. Les dividendes de source française et étrangère perçus par des personnes physiques à compter du 01/01/2005 seront imposés sur 50% de leur montant.
Un traitement différencié entre actionnaires
L’ancien dispositif prévoyait que lorsque l’avoir fiscal était supérieur à l’IR, la différence était restituée. Le nouveau dispositif prévoit la substitution d’un abattement de 50% sur les revenus distribués, déduction faite de l’abattement général (1.220 euros pour un célibataire, 2.440 pour un couple), au crédit d’impôt existant.
L’opération peut paraître neutre. Elle ne l’est pas, pour plusieurs raisons.
Les premiers perdants seront donc les personnes qui payaient un faible montant d’IR et qui bénéficiaient ainsi d’une restitution totale ou partielle de l’avoir fiscal. Le nouveau mécanisme instituant l’abattement qui se superpose à l’abattement général (inchangé) prévoyant un plafonnement dans le crédit d’impôt restituable fixé à 150 euros pour un couple, 75 pour un célibataire. Dans le cas d’un contribuable ayant un impôt sur le revenu peu important et un remboursement de l’avoir fiscal substantiel, la perte est réelle.
L’intégration au barème progressif sans mécanisme de type crédit d’impôt ou abattement rétablirait l’équité entre contribuables.
L’impact de la réforme
Les 7,41 millions de comptes « Plan d’Epargne en Actions » font partie des perdants, ce qui aura des effets sur l’épargne afférente : en effet, pour ne pas être pénalisés par le nouveau système, ils auront avantage à se diriger vers des comptes titres ordinaires.
On retrouve ici une traduction concrète de la volonté politique dans le traitement de l’épargne en France que l’on veut diriger vers une épargne mobile, volatile, donc par nature plus risquée.
Les personnes plus fortement imposées ne subiront pas cette limitation. Ils continueront de bénéficier d’une imposition sur les revenus mobiliers réduite. Mieux, l’intérêt de cette mesure va croissant avec les revenus. En effet, l’abattement appliqué sur les revenus de capitaux mobiliers bénéficie aux contribuables dont le revenu total est imposé au taux marginal d’imposition de 48,09%. L’abattement à la base profite donc surtout aux hauts revenus.
Le bénéfice de cette mesure varie donc en fonction du taux d’imposition ; l’égalité devant la réforme reste donc à faire.
Un autre perdant ; le budget social
Dans le système actuel, la CSG au taux de 7,5%, la CRDS au taux de 0,5% et le prélèvement social de 2% sont calculés sur les revenus nets de patrimoine, ces revenus étant augmentés de l’avoir fiscal. Or, l’abattement diminuera le revenu net de patrimoine de moitié.
La base sur laquelle seront calculés les prélèvements sociaux sera donc réduite, les prélèvements sociaux subiront une perte de 33% et les contribuables les plus imposés sont les grands bénéficiaires de la mesure.
Fiscalité dérogatoire : encore et toujours plus !
De nouvelles niches fiscales sont créées, au mépris du constat effectué dans le dernier rapport du Conseil des Impôts qui déplorait le grand nombre de mesures dérogatoires (418 recensées en 2003) ainsi que leur coût, comparé à une efficacité incertaine.
Alors qu’il est établi que les 10% des ménages les plus aisés bénéficiaient de près de 86% des réductions d’impôt et de 36% des déductions en base, la défiscalisation vient de trouver de nouveaux débouchés.
La tendance à la hausse de la fiscalité dérogatoire constatée depuis 20 ans n’est donc pas infléchie, bien au contraire. Dans les mesures nouvelles, on notera la volonté de diriger l’épargne des ménages vers des placements plus mobiles, mais aussi plus risqués.
Ainsi, la baisse continue du taux du livret A et la suppression du Plan d’Epargne Populaire (dont bénéficiaient les ménages aux revenus peu élevés) se sont accompagnées de la création du Plan d’Epargne Retraite Populaire (PERP) dont le bénéfice est destiné plus particulièrement aux revenus élevés.
Par ailleurs, cette orientation se retrouve également dans le chantier de la remise en cause progressive des avantages fiscaux propres à l’assurance vie ou dans la substitution de l’abattement de 50% à l’avoir fiscal.
Les arbitrages en matière d’épargne et par voie de conséquence, d’une fiscalité de l’épargne voulue « attractive » se feront, de facto, au détriment du plus grand nombre qui auront à subir le manque de moyens alloués aux politiques publiques, par exemple en matière de retraite, et à participer, par les impôts sur la consommation notamment, au financement des contraintes budgétaires européennes d’autant plus durement ressenties que les mesures gouvernementales auront allégé l’impôt d’une minorité.
– Plan d’épargne retraite populaire : plus de retraites capitalisées, moins d’impôts = coup double...
L’impact fiscal ne se sentira qu’en 2005, mais le message politique de l’annonce de la création du Plan d’épargne retraite populaire (Perp) marque ce début d’année 2004.
L’offensive commerciale des institutions financières qui veulent capter ce nouveau marché et ainsi attirer l’épargne des ménages l’a montré.
Avec la création du Perp, un nouveau produit « fiscalement attractif » est né « permettant d’alléger immédiatement l’IR » (propos de M. Lambert dans Le Monde supplément « Argent » daté des 14 et 15 décembre 2003), s’inscrivant dans la « réforme » des retraites, et visant à constituer, en complément des dispositifs spécifiques existants (contrats « Madelin », Préfon), un niveau de retraite par capitalisation.
Le dispositif et son impact fiscal
La loi de finances prévoit une fixation de la limite de déduction fiscale pour les cotisations versées dans la limite de 10% des revenus d’activités professionnelles, avec un plafond d’environ 23.500 euros par an.
L’institution de ce « produit » déchaîne les institutions financières, montrant par là même le vrai visage des réformes touchant la protection sociale : ouvrir de nouveaux marchés pour ceux qui en ont les moyens... La déductibilité fiscale est un des grands arguments des vendeurs en faveur du Perp.
De fait, il vaut mieux être : imposé (les non imposables ne bénéficiant pas de ces mesures) d’une part, et si possible dans les hautes tranches (pour profiter réellement du dispositif) d’autre part.
Ainsi, pour un contribuable imposé au taux marginal de 48,09%, un versement de 2.000 euros permettra une économie d’impôt en droits de 961 euros, alors que pour un contribuable imposé au taux de 19,14%, l’économie réalisée ne sera que de 382 euros.
Celui qui ne peut pas épargner n’a évidemment droit à rien.
Un placement sélectif
Le Perp s’adresse donc à ceux qui ont une capacité d’épargne élevée et qui, grâce à l’argent public, se constitueront un complément retraite d’autant plus élevé que l’épargne sera importante. Par symétrie, les faibles revenus ne bénéficieront quasiment pas d’un dispositif qu’ils contribueront par ailleurs à financer, le manque à gagner découlant de la défiscalisation étant, dans le Perp comme pour les autres dispositions de ce type, répercuté sur d’autres impositions supplémentaires et/ou en manque de politiques publiques.
Un rendement à vérifier
Côté rendement, on reste dans un certain flou. La sortie se fait en rente (excepté en cas d’invalidité par exemple), mais les estimations sur le niveau de la rente relativisent quelque peu le discours sur une prétendue solution à la réforme des retraites : pour un capital investi dans le Perp de 10.000 euros, la rente annuelle s’élèverait à 350 euros pour un jeune retraité de 60 ans et 541 euros à 70 ans (source ; « Investir » n°1572).
Une rente somme toute modeste acquise à grands « coûts » de dépenses fiscales.
Plus qu’un enjeu commercial, un enjeu politique
La retraite par capitalisation, on l’a vu au printemps 2003, est un enjeu financier considérable pour les institutions financières et les marchés financiers qui, en France, lorgnent les 177 milliards d’euros du système de retraite par répartition.
Dans ce contexte de mondialisation libérale financière, le Perp risque de n’être que le début d’une gamme de « produits financiers » de retraite par capitalisation (avec l’arrivée annoncée du Plan d’Epargne Retraite Collectif -Perco- par exemple).
– Défiscalisation : plusieurs dispositifs pour une tendance, moins imposer les plus riches
Les mesures fiscales votées dans le cours de l’année élargissent ou réforment un certain nombre de dispositifs dérogatoires réservés, de fait, aux foyers qui ont une capacité d’épargne élevée. Leur efficacité économique et sociale n’est pas démontrée et leur coût est élevé. « Qu’importe, on continue » semble être l’unique message du gouvernement en forme de pion prend les 1 % de foyers les plus aisés qui en ont bénéficié à hauteur de 31.2% !
Led de nez au dernier rapport du Conseil des Impôts sur la fiscalité dérogatoire.
Réduction d’impôt en cas d’investissement dans les fonds communs de placement dans l’innovation.
Cette réduction apparue dans la Loi d’Initiative Economique, pourra procurer une réduction d’impôt en droits, plafonnée à 3.000 euros pour un célibataire et 6.000 euros pour un couple. La durée minimale d’investissement, plafonné à 12.000 euros pour un célibataire, 24.000 pour un couple, est fixée à 5 ans. Cerise sur le gâteau, à la sortie, les plus-values sont exonérées d’impôt.
La justification de la mesure résulte du caractère innovant des entreprises cotées en bourse dans lesquelles ces fonds investissent à hauteur de 60% au minimum. Mais pour réduire les risques, ces investissements ont toutes les chances de se diriger vers des sociétés déjà bien établies au détriment des jeunes sociétés, ce qui peut réduire l’efficacité économique de cette nouvelle disposition qui présente toutes les caractéristiques d’une nouvelle niche à l’efficacité déjà incertaine.
Mesure en faveur du mécénat
La loi relative au mécénat du 01/08/2003 augmente à la fois les seuils (taux de réduction porté de 50 à 60%, plafond des dépenses appréciées pour la réduction porté de 10 à 20% du revenu). Cette mesure vise notamment à favoriser les fondations calquées sur le modèle anglo-saxon comme la fondation du patrimoine, et donc à transférer à ces organises privés une partie de la politique publique patrimoniale.
Le dispositif de réduction d’impôt pour investissement dans les Dom Tom
Il est également favorisé, et ce par la loi de programme pour l’outre-mer. On soulignera que cette loi assouplit cette forme de défiscalisation notamment pour les investissements réalisés depuis le 21/07/2003 et prolonge ses effets jusqu’au 31/12/2017 alors que la précédente loi avait prévu la fin du dispositif fin 2006 d’une part, et que le nombre de bénéficiaires en 2001 de ce dispositif d’investissement dans les DOM TOM s’élevait à 26.130 foyers fiscaux sur un total de foyers fiscaux de près de 34 millions.
Du côté des nouveautés, le plafond de la réduction, apprécié au mètre carré (m²) est relevé (porté de 1525 à 1750 euros par m²), ainsi que les taux. Ceux-ci sont, selon les secteurs, de 25% et de 40%. Désormais, un nouveau taux de 50 % pour les investissements réalisés dans le secteur locatif libre, et l’ensemble des taux sont majorés de 10% pour investissement dans une zone urbaine sensible.
Pire, la durée d’étalement de la réduction est rallongée à 10 ans, de sorte que le bénéficiaire de la réduction d’impôt pour investissement dans un immeuble neuf affecté à la résidence principale pendant 5 ans continuera de bénéficier de la réduction d’impôt alors même que l’immeuble ne constituera plus une habitation principale, voire même qu’il l’aura revendu...
Enfin, chaque contribuable peut acquérir plusieurs logements et ainsi diminuer davantage son impôt. Ce dispositif accentuera donc les possibilités de défiscalisation au profit d’une poignée.
Ces mesures ne profitent pas à l’économie locale ni aux emplois censés être créés dans les DOM TOM si l’on en croit les remarques du XXIème rapport du Conseil des Impôts et si on se souvient que le nombre de non imposables est en augmentation dans les DOM TOM de même que le taux de chômage.
Les investissements dans des résidences de tourisme sont également de la partie.
Ils connaissent une augmentation des plafonds de dépenses et des taux. Le plafond des dépenses est ainsi porté à 50.000 euros pour un célibataire et 100.000 euros pour un couple soumis à imposition commune. De même, le taux de la réduction d’impôt passe à 25% (au lieu de 15%) pour l’acquisition de logements neufs, et à 20% (au lieu de 10%) pour les travaux nécessaires à la rénovation des logements anciens.
Cette niche fiscale a été jugée complexe et d’une « portée faible ou inconnue ». Le gouvernement persiste et signe cependant en ayant étendu le périmètre géographique lors du Comité Interministériel du tourisme du 09/09/2003 ce qui, couplé au relèvement des taux, devrait la rendre plus « attractive », pour ceux qui peuvent investir, cela va de soi.
Le dispositif « Besson » devient « de Robien »
Le nouveau « produit » est de fait plus avantageux. Le dispositif a été inclus dans la loi relative à l’urbanisme. La nouvelle loi s’attaque aux dispositifs jugés « restrictifs » de la loi Besson, comme l’impossibilité aujourd’hui levée de louer à un ascendant ou à un descendant. De fait, elle ne peut bénéficier qu’aux contribuables qui en ont les moyens, le gain procuré étant là aussi d’autant plus élevé que le revenu est important.
Avec un investissement compris entre 100.000 et 150.000 euros, l’économie peut ainsi être de 2.136 ou de 3.211 euros par an pendant 9 ans.
Les conseils en défiscalisation ne s’y sont pas trompés et ont vanté « un concept qui permet d’établir : un revenu complémentaire, un complément de retraite, un capital important et une prévoyance accrue et tout ceci grâce à l’argent des impôts », c’est-à -dire de tous les contribuables...
Réduction d’impôt pour emploi d’un salarié à domicile
Autre ajustement, le relèvement du plafond de la réduction d’impôt pour emploi d’un salarié à domicile (porté de 7.400 à 10.000 euros pour une réduction maximum de 5.000 euros) qui, par construction, ne bénéficiera là encore qu’à ceux qui dépassaient le précédent plafond.
Le nombre de bénéficiaires étant de 70.000 lors de la précédente hausse du plafond, cette nouvelle augmentation concernera un nombre encore plus réduit de foyers. Le coût de cette mesure est estimé selon le Minéfi à 57 millions d’euros.
Cette réduction a fait l’objet d’une étude particulière par le SNUI en 2003 et par le Conseil des Impôts dans son dernier rapport. Celui-ci établissait que sur 2,2 millions de déclarants, seuls 1,3 bénéficiaient effectivement d’une réduction d’impôt censée favoriser l’emploi et que les 10% des ménages déclarant les plus aisés bénéficiaient de près de 70% du montant total de cette réduction d’impôt.
Un tel relèvement renforcera donc les disparités et augmentera le manque gagner pour l’IR d’une niche déjà coûteuse.
– Imposition du patrimoine
La réduction des droits sur les donations en pleine propriété de 50 %
La réduction est applicable quel que soit l’âge du donateur, à condition que la donation s’effectue entre le 25 septembre 2003 et le 30 juin 2005 (article 17 de la loi de finances).
Cette mesure vise à favoriser les transmissions de patrimoine en pleine propriété (la réduction d’impôt d’une transmission en nue-propriété diminuant, elle, avec l’âge du donateur) de manière anticipée.
Elle favorisera donc tous ceux qui donneront certes, mais surtout ceux qui avaient déjà utilisé leur abattement (suite, par exemple, à une donation entre un parent et un enfant de 46.000 euros ayant épuisé le bénéfice de l’abattement du même montant apprécié sur 10 ans), et qui pourront bénéficier de cette « fenêtre de tir » et optimiser leur gestion de patrimoine à moindre frais. Il faut donc le pouvoir...
Selon l’Insee, les 10% des ménages les plus riches détenaient 44% du patrimoine total mais on note une certaine atténuation du fait du renouvellement des générations. Or une telle mesure « atténuera l’atténuation » et favorisera, par l’impôt, la continuité ou la reprise de la concentration des patrimoines.
Elargissement des exonérations en matière d’ISF prévues dans la Loi d’Initiative Economique.
Frileux dans l’affichage (loi d’initiative économique, mesures techniques) sur un sujet brûlant, mais déterminé sur le fond, le gouvernement s’est donc attaqué à l’ISF. Nombreux sont ceux qui, en arguant de sa base étroite et de son rendement faible, veulent sa disparition au nom de la sacro-sainte attractivité du territoire notamment, alors qu’il serait plus cohérent de souhaiter une réforme visant à l’intégration des biens professionnels par exemple...
Selon M. Marini, entre 1997 et 2001, 1.792 contribuables auraient quitté le territoire pour échapper à l’ISF, c’est-à -dire moins de 360 par an. Sur plus de 270.000 déclarants annuels, le chiffre reste mesuré. De plus rien n’est dit sur les motivations précises liées aux départs : s’agit-il d’allergie fiscale de la part de contribuables imposés à l’ISF ou de ceux qui anticipent leur imposition, ou de raisons professionnelles dont on sait qu’elles sont un déterminant essentiel...
Une chose est sûre ; entre disparition et réforme de l’ISF par l’élargissement de sa base, la justice fiscale plaide pour la deuxième.
Imposition des entreprises ; le « moins disant » pour ligne de conduite
Les mesures fiscales concernant les entreprises paraissent ne pas se concevoir hors de la logique du « moins d’impôt ». Mais les idées fausses sont nombreuses, comme celle qui consiste à avancer que le taux d’imposition des sociétés est trop élevé. Car compte tenu des taux existants (taux réduits de 15% pour les PME et de 19% sur les plus-values à long terme, taux normal de 33,3%...) et des règles d’assiette (amortissement, provisions), la France impose les bénéfices des sociétés plus faiblement que les autres pays de l’OCDE.
Malgré, tout, la constante demeure : le moins d’impôt au nom de l’attractivité et de la compétitivité fiscale, qui s’est illustrée dans le passé par des mesures telles que la suppression progressive de la contribution annuelle des institutions financières. On notera au passage que celle-ci aura un impact budgétaire estimé par le Minefi à 165 millions d’euros en 2004 et 176 millions d’euros en 2005.
Autre évolution notable, le traitement fiscal du report sur l’entreprise de la prise en charge croissante de domaines sensibles telles que la famille ou la recherche. La fiscalité est alors au service d’une forme de privatisation rampante. En choisissant le manque à gagner pour les politiques publiques, le gouvernement montre ainsi que les choix fiscaux traduisent des choix très politiques loin d’être pragmatiques !
Les valeurs « travail » et « famille » seraient-elles à ce point liées à l’entreprise ? Il y a tout de même un étrange paradoxe à voir une entreprise qui pourrait tour à tour licencier sans entrave et parallèlement, créer des crèches privées pour leurs salariés.
Il faut également préciser que les allègements d’impôts ne constituent pas la seule politique en faveur des entreprises. En effet, le gouvernement a institué en 2004 un « fonds de compétitivité des entreprises » qui disposera d’un budget de 143 millions d’euros. Les coupes des uns profitent aux autres, mais le mouvement, lourd de sens politique, est à sens unique !
Renforcement du crédit impôt recherche
Le plafond du crédit d’impôt est relevé de 6.100.000 à 8.000.000 euros. En outre, les dépenses prises en compte sont élargies. Elles concernent, au-delà de l’accroissement des dépenses de recherche qui constituait l’assiette jusqu’à présent, d’autres dépenses comme les frais de défense de brevets. En outre, il est prévu que le remboursement en faveur des entreprises nouvelles ou en liquidation judiciaire soit accéléré. Enfin, le bénéfice du crédit est étendu aux entreprises situées en zone franche urbaine, en Corse et aux jeunes entreprises innovantes.
Instauration d’un « crédit impôt famille ».
Il est institué un crédit égal à 25% des dépenses exposées à compter du 1er Janvier 2004 finançant des structures d’accueil de jeunes enfants ou rémunérant des salariés en congé parental, de paternité ou de maternité ou indemnisant les salariés des frais de garde exceptionnels. Le crédit est plafonné à 500.000 euros par an et par entreprise. Le coût global de cette mesure est estimé à 10 millions d’euros (impact en 2005).
Le traitement politique de la question de la recherche et des modes de garde des enfants de moins de 3 ans est éclairant : alors que ces besoins sociaux, partie intégrante des politiques publiques, sont grandissants, le gouvernement a choisi de les traiter par la défiscalisation pour se décharger ainsi partiellement de leur prise en charge au profit des entreprises et de la logique marchande.
Report illimité des déficits
La mesure s’inscrit dans les effets de la concurrence fiscale par voie de mimétisme. « Cela se fait ailleurs » a été pour ainsi dire l’unique justification, sans que l’on prenne le soin de préciser que les règles d’assiette sont différentes selon les pays et aboutissent au fait que, même avec une limitation de 5 ans dans le report des déficits comme cela était le cas jusqu’en 2003, la France impose moins les bénéfices des entreprises que dans la plupart des pays de l’OCDE.
Avec un coût estimé à plus de 70 millions d’euros par an, elle permettra une meilleure « optimisation » du moins disant fiscal : c’est peut-être là son seul but. La Commission des finances du Sénat avait en effet justifié cette mesure en avançant que « le dispositif proposé réduira l’imposition à la charge des entreprises et devrait redresser la compétitivité fiscale de la France au sein de l’Union Européenne ». Au nom de la compétitivité fiscale, on peut ainsi justifier toutes les baisses. Est-ce là le seul horizon d’une politique économique ?
Création de 41 zones franches urbaines et aménagement du dispositif de sortie des 44 Zones Franches Urbaines (ZFU) existantes
La « Loi d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine » prévoit une sortie progressive pour les ZFU existantes qui pourront bénéficier d’un allègement dégressif en matière d’impôt (IS, taxe professionnelle) et de cotisations sociales patronales.
En outre, elle crée 41 nouvelles ZFU alors même que plusieurs études (Inspection Générale des affaires sanitaires et sociales, rapports « Bartolone » et du Conseil des Impôts) mettent en doute l’efficacité de ce dispositif en termes d’emplois et de retour attendu sur les quartiers visés par cette discrimination très peu positive.
Ces études ont des conclusions analogues à celle menée par le Bureau International du Travail pour qui l’effet est nul, voire négatif, de par la logique de dumping qui est instituée.
Le coût est difficile à évaluer, mais la Délégation Interministérielle à la Ville avait estimé, à l’époque des premières ZFU, le coût global des allègements à 505 millions d’euros pour 1998 et 1999, 289 millions d’euros pour 2000 et 609 millions pour 2003.
Au-delà du coût fiscal, c’est de plus la poursuite de l’émiettement du territoire qui est confirmée, avec des effets de limites géographiques, de concurrence fiscale exacerbée et d’aubaine pour les entreprises. Une véritable politique en faveur de la ville ne saurait se résumer à ce type de traitement, mais nécessiterait au contraire de réels moyens.
Création du statut de la « jeune entreprise innovante »
Ces entreprises seraient - sous conditions - exonérées d’impôt sur les bénéfices dans la limite de 100.000 euros (montant apprécié sur une période de 36 mois) et à hauteur de 50% pour les 2 années suivantes. Elles bénéficieront également d’allègement de taxe professionnelle pendant 7 ans (ainsi qu’en matière de cotisations sociales).
Coût de l’avantage fiscal 5 millions d’euros
Coût de l’avantage social 25 millions d’euros
(Source : Minefi)
Mécénat
Cette disposition est la symétrie de celle appliquée en faveur des ménages. La loi du 01/08/2003 relative au mécénat (toujours hors loi de finances...) transforme l’actuelle déduction du résultat imposable (en base) en une réduction d’impôt (en droits). La mesure multiplie donc « l’effet réduction ».
De plus, les versements des 5 années antérieures non utilisées pour la déduction en raison du dépassement des seuils alors en vigueur (exercices antérieurs à 2003) ou la réduction (exercice 2003) pourront donner lieu à réduction d’impôt dans la limite de 5 pour mille du chiffre d’affaires. Le montant de la réduction est fixé à 60% des versements effectués.
Le cercle des fondations bénéficiaires étant lui-même étendu, le choix politique est là aussi de transférer au secteur privé une partie des politiques publiques en rapport avec l’entretien du patrimoine national notamment.
– L’enjeu de la réforme de la taxe professionnelle : la fiscalité locale dans la tourmente
Après la suppression de la part salariale, c’est aujourd’hui l’existence même de la taxe professionnelle qui est en jeu. Suite aux déclarations du Président de la République, le gouvernement s’est trouvé coincé entre le Medef qui, s’engouffrant dans la brèche, a réclamé la disparition de la TP sans aucun impôt en remplacement et les élus locaux, inquiets pour leurs budgets et leur autonomie financière. Une telle disposition serait étonnante, à l’heure de la décentralisation, et alors que l’Etat augmente sa contribution locale (en prenant en charge les allègements successifs), même si la TP reste actuellement le principal impôt local.
La TP représentait, en 2000, 24 millions d’euros de rentrées fiscales pour les collectivités (hors cotisation de péréquation et prélèvement pour frais au profit de l’Etat) soit 41,8% des impôts directs locaux.
Les conséquences des transferts de compétence (dans le cadre de la décentralisation) et des allègements passés et programmés en matière de TP commencent de produire leurs effets. La taxe d’habitation augmente sensiblement sur le territoire (+ 5,6 % entre 2001 et 2002). Le mouvement ne semble pas près de s’arrêter ; les projections effectuées (notamment par la Dexia) chiffrent une augmentation des impôts locaux comprise entre 1,5% et 3% au détriment des ménages car essentiellement du fait de la TH. Pis, le transfert annoncéde la gestion de certaines routes par les collectivités locales fait craindre une multiplication des péages, comme au bon vieux temps du moyen âge et des droits de passage sur les routes et les ponts...
Le sort de la TP est suspendu : le gouvernement a choisi de faire un geste de plus en faveur des entreprises en accordant un dégrèvement sur les investissements productifs, en attendant une autre réforme. Ces investissements productifs sont constitués des matériels et équipements industriels et commerciaux. Pour bénéficier de cette nouvelle mesure, les entreprises devront effectuer leurs investissements entre le 01/01/2004 et le 30/06/2005.
Compte tenu du décalage de deux ans entre l’année d’investissement et celle de l’imposition due, le dégrèvement s’imputera sur les années 2006 et 2007, sauf si l’imagination fiscale au pouvoir conduit à introduire dès cette année un dispositif d’application immédiate.
Au-delà de cette nouvelle baisse, c’est bel et bien la question de la participation des entreprises au financement des collectivités locales qui est posée. Celle-ci va de soi : les entreprises bénéficient de l’impact des politiques publiques locales. Mais les intentions du Président de la République, rejoignant les revendications du Medef, peuvent laisser craindre une suppression pure et simple, ce qui reviendrait à transférer les 24 milliards que rapporte la « TP » sur les ménages, ou à subir les conséquences d’un manque à gagner essentiel dans les finances publiques locales. A l’heure de la décentralisation, la contradiction n’est pas mince.
Idéalement, il s’agirait d’instaurer un impôt qui tienne compte des capacités contributives de l’entreprise, c’est-à -dire notamment des richesses qu’elle crée. Or, les objectifs fixés à la commission mise en place par le gouvernement pour un nouvel impôt qui se substituerait à l’actuelle TP (un impôt « nouveau (...), non pénalisant économiquement ») font s’agiter le spectre de la quadrature du cercle. Le risque est alors grand de voir se réaliser, in fine, un report supplémentaire sur les ménages.
Imposition de la consommation ; plus d’impôts pour les bases non délocalisables
L’augmentation des impôts sur la consommation est souvent retenue par les idéologues néo-libéraux qui, pendant le même temps, baissent l’impôt progressif sur les revenus et les impôts des entreprises. Ceci permet d’accélérer le transfert de la charge fiscale des riches et des entreprises vers la masse des ménages.
– Augmentation des droits sur le tabac.
L’affichage de la politique de santé n’aura pas tenu longtemps aux yeux de l’opinion publique, qui a surtout saisi les enjeux budgétaires de cette mesure (pour un montant total estimé dans la loi de financement de la sécurité sociale à 800 millions d’euros en 2004).
– Augmentation de la taxation du gazole de 2,5 centimes par litre.
L’analyse vaut ici aussi avec le sentiment encore plus vif d’être pris pour le dindon de la farce car l’excuse environnementale est dure à avaler lorsqu’on songe que les transporteurs routiers, très polluants, ne seront pas mis à contribution. L’argument de l’environnement ne tient dès lors plus, mais celui d’une politique clientéliste est conforté.
Les rentrées supplémentaires s’élèveront à 800 millions d’euros, soit la moitié du coût de la baisse de l’IR. Une jolie compensation 10 fois supérieure au coût net de la PPE !
IR, Droits sur les tabacs, TIPP : petit cas pratique
Un contribuable moyen déclare un revenu annuel de 15.000 euros en 2002 et 15.255 euros 2003 (+1,7%, hypothèse d’un salaire indexé sur l’inflation), soit environ le revenu moyen.
Son IR s’élevait en 2004 à 720 euros contre 765 euros en 2003, soit une économie d’impôt de 45 euros. Ce salarié consomme 60 litres de diesel par mois. Sa facture s’alourdira en conséquence de 2,5 X 60 X 12 = 18 euros d’augmentation pour l’année. Il fume par ailleurs un paquet de cigarettes tous les jours. De 3,8 euros début 2003, son paquet est passé à 4,9 euros. Il paiera donc en plus : (4,9 - 3,8) X 360 = 396 euros en plus.
Comparaison 2003/2004 Célibataire
IR - 45, TIPP + 18, Dts tabacs + 396 = + 369
(Source : calcul SNUI)
L’exemple peut paraître caricatural ; beaucoup de contribuables pourront tout de même s’y reconnaître !
– La facture fiscale du respect des règles du pacte de stabilité et de croissance en compensation de la création et de l’élargissement des niches fiscales s’élève donc, sur ces seuls prélèvements (sur la consommation, par nature plus injustes) à 369 euros pour l’année 2004 (sans compter l’augmentation prévisible des impôts locaux...).
De quoi planter sa tente durant deux bonnes semaines dans un camping.
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– Ce texte est une reprise des principaux points du dossier "Impôt 2004 " réalisé le 15 mars 2004 par le Syndicat National Unifié des Impôts.
– Tout le dossier " Impôt 2004 " du SNUI : www.snui.fr et snui@snui.fr.ns