RSS SyndicationTwitterFacebook
Rechercher

Démocratie et dictateurs. Le Diable est dans les Détails

tableau de Luke Chueh

L’idéologie actuelle qui justifie les guerres d’agression est fondée sur une dichotomie simpliste entre la démocratie et les dictateurs. Les gens qui, en Occident, soutiennent les guerres ont déplacé le centre de la loi internationale des Nations unies vers un club bien plus restreint de « démocraties » qui seules possèdent une « légitimité ». Le centre de ce club est le monde anglo-saxon, plus Israël, l’Union Européenne et le Japon. Cette « communauté internationale » de démocraties est supposée posséder le droit moral unique de décider quand le dirigeant de n’importe quel pays qui se situe en dehors de leur cénacle peut-être dénoncé comme un dictateur et renversé à l’aide d’une campagne de bombardements par l’OTAN.

Cette idéologie suppose que les démocraties respectent les droits de l’homme, alors que les dictateurs par définition sont des criminels qui violent systématiquement les droits de l’homme et envisagent même un « génocide contre leur propre peuple ». Certains détails, par exemple le fait que les États-Unis ont la plus grande population carcérale au monde à la fois en termes absolus et relatifs, et qu’ils utilisent des prisonniers comme travailleurs bon marché dans leur industrie de l’armement, ne sont pas supposés interférer avec cette vue dualiste du monde.

Les médias dominants entretiennent cette dichotomie par un biais persistant dans la façon dont ils rendent compte des pays qui sont caractérisées comme des « dictatures » - ceci peut inclure des pays dont les dirigeants sont en fait élus, tel que le Venezuela, la Russie, la Serbie sous Milosevic, la Biélorussie, mais qui tentent de suivre des politiques contraires aux diktats de la « communauté internationale » autoproclamée. Tous ces pays ne sont pas nécessairement attaqués militairement, mais l’image qui est ainsi créée rend l’attaque militaire facile à justifier si et quand celle-ci se produit.

Le reportage sélectif réduit le pays à son dictateur et à des minorités d’« opposants démocrates ». Le dictateur est décrit comme un criminel, sans aucune qualité qui pourrait peut-être expliquer un quelconque soutien populaire dans son propre pays.

Le cas de la Libye.

Le cas de la Libye illustre parfaitement la façon dont cela fonctionne. Des décennies de couverture médiatique biaisée ont convaincu un public occidental dont la seule connaissance de la Libye provient de reportages médiatiques occidentaux, du fait que le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi est un criminel et un fou ; par conséquent, il semble évident, aux yeux de ce public occidental, que le peuple libyen souhaite unanimement se débarrasser d’un tel dirigeant.

Il est évident qu’il y a des gens en Libye qui détestent Kadhafi et qui veulent s’en débarrasser. Ce qui n’est pas évident est ce qu’ils veulent mettre à sa place, et dans quelle mesure ils sont réellement représentatifs de la population dans son ensemble.

En Occident la principale raison de détester Kadhafi ces dernières années a été l’explosion du vol Pan Am 103 en 1988 au-dessus de Lockerbie en Écosse. Pendant deux décennies l’assertion selon laquelle le dirigeant libyen était responsable de l’explosion terroriste de Lockerbie a été entretenue dans l’esprit du public par les médias dominants.

En février de cette année, les dirigeants de la rébellion qui émergeait en Libye ont donné des interviews aux médias occidentaux, en prétendant qu’ils avaient des documents prouvant que Kadhafi avait ordonné l’attaque terroriste qui a tué 272 personnes. Mustafa Abdel Jalil, l’ex-ministre de la justice qui dirige le « Conseil National de Transition » avait déclaré au Daily Telegraph que : « les ordres ont été donnés par Kadhafi lui-même ».

Peu de gens en Occident risquent de faire remarquer que, si les dirigeants du TNC possèdent réellement une telle preuve, ils ont été complices de ce crime pendant des décennies. Et les médias occidentaux ne vont pas se poser la question de savoir pourquoi l’habile Kadhafi garderait des documents « prouvant » l’ordre de commettre un acte un acte terroriste pendant 23 ans.

Ces assertions permettent de cimenter les liens entre les dirigeants du TNC et les puissances occidentales, principalement les États-Unis et le Royaume-Uni, et de suggérer une communauté d’intérêt dans la défense de la légalité entre eux, ainsi que contre le « criminel Kadhafi ». Cela permet de construire la fiction de « dirigeants légitimes et représentatifs du peuple libyen », dont les vues sur les droits de l’homme, la démocratie et les méfaits du méchant dictateur Kadhafi coïncident avec les attitudes occidentales, telles qu’elles sont exprimées par les politiciens et les médias occidentaux.

Par implication cela signifie que le peuple libyen aurait dû savoir depuis longtemps que leur dirigeant est un meurtrier à grande échelle. Cela doit être une bonne raison pour laquelle tous les citoyens Libyens décents veulent se débarrasser de lui. Mais est-ce que cette histoire est vraie ?

Lockerbie en Libye.

Ma visite en Libye en janvier 2007, qui avait pour but d’assister à une conférence internationale sur la Cour pénale internationale, m’a donné l’occasion d’avoir des conversations privées avec un certain nombre de Libyens fort éduqués, qui manifestement en savaient beaucoup plus sur l’Occident que l’Occident n’en savait sur leur pays. J’ai été particulièrement intéressée à entendre le point de vue de citoyens libyens non officiels sur deux questions qui à ce moment-là dominaient la perception occidentale de la Libye : Lockerbie et l’affaire des infirmières bulgares. Je dois mentionner que je n’ai jamais eu le moindre contact avec Kadhafi et que la conférence était organisée par des universitaires qui avaient des opinions diverses sur des questions importantes, souvent différentes de celles du Guide, et que cela ne semblait gêner personne. Mais j’ai pu constater que, sur la question de Lockerbie, il y avait deux points sur lesquels tout le monde était d’accord.

D’une part, personne ne pensait que la Libye était responsable de la bombe de Lockerbie. Il leur paraissait évident que la Libye avait été accusée injustement pour des raisons politiques.

D’autre part, il était clair que les sanctions imposées par l’Occident pour punir la Libye de sa culpabilité supposée avaient causé des difficultés et des mécontentements. La force de l’Occident, qui consiste à pouvoir à la fois imposer des sanctions et dominer la projection d’images et l’interprétations des événements, lui donne une capacité d’ingérence très grande dans la politique intérieure des pays visés, parce que beaucoup de gens, surtout des jeunes, veulent vivre dans un pays « normal » et sont tentés de blâmer leurs propres dirigeants comme étant responsables du fait que leur pays soit traité comme un paria par l’Occident. Par conséquent il était généralement admis que Kadhafi avait finalement cédé aux pressions occidentales pour accepter la responsabilité - mais non la culpabilité - pour l’attentat de Lockerbie, uniquement de façon à ce que les sanctions impopulaires soient levées. Le fait qu’il avait accepté de livrer deux citoyens libyens à un tribunal occidental afin qu’ils soient jugés pour ce crime et qu’il ait payé plus de 2 milliards de dollars de compensations aux victimes était explicitement considéré comme n’étant pas une reconnaissance de culpabilité, mais plutôt une réponse au chantage des grandes puissances de façon à normaliser les relations avec elles et à améliorer la vie quotidienne.

Cela ne m’a pas surprise, parce que depuis des années j’avais beaucoup lu sur l’affaire de Lockerbie. Et pas mal de choses avaient été écrites pour montrer la faiblesse de l’accusation, qui était basée sur un scénario très peu plausible (une bombe pour faire sauter un vol transatlantique avait soi-disant été envoyée à travers les aéroports de Malte, Francfort et Londres), les « preuves » techniques avaient été manipulées par des agents de la CIA et un témoin avait été richement récompensé pour un témoignage qui ne s’accordait pas avec les faits. Tout cela a été raconté de nombreuses fois, par exemple dans la London Review of Books, par le juriste britannique Gareth Peirce, en septembre 2009 ("The Framing of al-Megrahi" http://www.lrb.co.uk/v31/n18/peir01_.html). Mais le fait que l’accusation a été de façon répétée démontée par une analyse soigneuse comme étant probablement une mise en scène n’a pas le moins du monde impressionné les médias dominants et les politiciens qui continuent d’attaquer Kadhafi comme étant le monstre qui a ordonné le massacre de Lockerbie.

On peut ajouter qu’au moment où l’attentat s’est produit, en 1988, il était généralement admis que l’Iran avait ordonné cette attaque pour riposter aux fait que les États-Unis avaient abattu un avion de ligne iranien au dessus du golfe persique. Quand les États-Unis, changeant d’alliance anti-iranienne avec l’Irak pour faire à la guerre contre Sadam Hussein, décidèrent d’accuser la Libye au lieu de l’Iran, aucun mobile du crime n’a été avancé. Mais quand un « dictateur » a été stigmatisé comme monstre, aucun mobile n’est nécessaire ; il a commis ce crime tout simplement parce que c’est la sorte de choses que les méchants dictateurs sont supposés faire.

Les deux employés de ligne libyens qui travaillaient à Malte et qui ont été accusés ont été jugés en 2000, par trois juges écossais, sans jury, et dans un tribunal construit spécialement à cette fin aux Pays-Bas. Un des Libyens a été acquitté et l’autre, Abdel Basset al-Megrahi, a été condamné à 27 ans de prison. L’observateur des Nations unies lors de ce jugement très particulier, Hans Köchler, a déclaré la sentence « incompréhensible », « arbitraire, même irrationnelle » et a fait remarquer « qu’un air de politique de puissance internationale » entourait toute la procédure.

Le 12 novembre 2006 le Glasgow Sunday Herald a cité Michael Scharf, le conseiller juridique du département d’État qui était le conseiller du bureau des États-Unis anti-terroriste quand les deux Libyens ont été poursuivis pour l’explosion de la bombe ; il disait que l’accusation était « tellement pleine de trous qu’elle ressemblait à du gruyère », et il a dit qu’elle n’aurait jamais dû se trouver devant un tribunal. Il a affirmé que la CIA et du FBI avaient assuré aux officiels du département d’État que l’acte d’accusation contre les deux libyens était « en béton », mais, qu’en réalité, les agences de renseignement savaient fort bien, avant le procès, que leur principal témoin était « un menteur ». Mais les grandes puissances ne peuvent pas reculer. Leur sacro-sainte « crédibilité » est en jeu. Elles doivent continuer à mentir pour préserver l’illusion de leur infaillibilité.

Lorsque j’étais à Tripoli, l’équipe de juristes qui défendaient le Libyen condamné essayaient de faire appel devant une cour de justice de plus haut niveau. J’ai pu parler à une des juristes qui défendaient al-Megrahi. J’ai passé un certain temps dans son bureau, en essayant de surmonter sa réticence à parler de cette affaire. Finalement elle a été d’accord pour me parler, mais seulement à condition que la conversation reste confidentielle, de façon à ne pas risquer de faire du tort à la procédure d’appel. Mais, maintenant, les circonstances ont totalement changé.

Voici, en bref, ce qu’elle m’a dit.

Les juges écossais subissaient une énorme pression pour condamner les deux Libyens. Après tout, pendant des années, leur culpabilité avait été claironnée par les États-Unis, qui exigeaient qu’ils soient « amenés devant la justice ». Un tribunal spécial avait été mis en place dans le but évident de les faire condamner. Mais les preuves qui auraient justifié une condamnation devant un tribunal écossais normal n’existaient simplement pas. Le mieux que les juges ont osé faire a été d’acquitter un des accusés et de transférer la responsabilité de l’acquittement de l’autre vers une cour de plus haut niveau. Mais, au grand dam des défenseurs libyens, cette cour a évité d’aborder cette question dangereuse en se déclarant non qualifié pour entendre l’appel. C’est pourquoi un autre appel était en préparation, devant une autre cour d’appel, avec de nouvelles données, qui discréditaient encore plus les arguments de l’accusation.

Et, en fait, cinq mois plus tard, le 28 juin 2007 la Commission écossaise ( Scottish Criminal Cases Review Commission), qui avait analysé cette affaire depuis 2003, a recommandé d’accorder à Abdel Basset al-Megrahi un deuxième appel. La commission a dit qu’elle avait découvert six raisons indépendantes pour estimer que la condamnation pourrait avoir été une injustice. Cette annonce a provoqué une certaine sensation dans les cercles restreints qui suivaient cette affaire. Il semblait que la justice écossaise était assez courageuse pour oser s’affirmer et pour entendre des débats qui mettraient en lumière la mise en scène de la CIA.

Ce genre de choses peut se passer dans des films, mais dans le monde réel il en va autrement.

Un marchandage sordide

Ce qui s’est passé ensuite a permis la mise en route des attaques de l’OTAN contre la Libye cette année.

Tout d’abord, le temps passa. Deux ans plus tard, en avril 2009, l’appel devait finalement être entendu. Mais, en attendant, des négociations secrètes se passaient en coulisses, au milieu de fuites et de rumeurs.

Le 21 août 2009, invoquant le fait qu’il souffrait d’un cancer terminal, Abdel Basset Ali Mohmed al-Megrahi fut libéré de prison en Écosse par le ministre écossais de la justice Kenny MacAskill afin qu’il puisse « rentrer chez lui pour mourir ».

Or, en 2007, Tony Blair s’est rendu en Libye pour négocier un accord entre la Libye et la Grande-Bretagne avec Kadhafi, accord qui couvrait les extraditions et les transferts de prisonniers. Et c’est au nom de cet accord sur le transfert de prisonniers que les autorités libyennes ont demandé que Megrahi puisse rentrer chez lui à cause de sa maladie.

Mais il y avait une attrape : cet accord de transfert de prisonniers ne pouvait être appliqué que lorsqu’il n’y avait pas de procédures légales en cours. Ainsi, afin de bénéficier de cet accord, Megrahi a dû laisser tomber son appel.

La question est encore rendue plus confuse par le fait qu’il a été libéré formellement sur base de la « compassion ». D’une façon ou d’une autre, l’accord était clair : Megrahi pouvait rentrer chez lui, mais l’appel était mort. Hans Kochler, observateur spécial nommé par les Nations unies au tribunal de Lockerbie pensait que Megrahi pouvait avoir été soumis à un chantage « moralement scandaleux » pour qu’il abandonne son appel à l’encontre de sa volonté.

L’aspect sordide de ce marchandage est qu’il a privé Megrahi du droit de sauver sa réputation, tout en permettant que la mise en scène de la CIA ne soit jamais officiellement dévoilée. Rien ne s’opposait ainsi au choeur de protestations occidentales dénonçant l’Écosse pour avoir « libéré celui qui avait placé la bombe de Lockerbie ». Deux ans plus tard, la nouvelle que Megrahi n’était pas encore mort a suscité une nouvelle indignation dans les médias occidentaux, qui ont vu là une preuve du fait que la Grande-Bretagne a « vendu le responsable de la bombe de Lockerbie pour du pétrole libyen ». Évidemment il fallait donner l’impression que l’habile dictateur libyen avait trompé des Britanniques naïfs mais cupides, qui ont trahi leurs principes pour du pétrole.

Mais il est tout aussi probable que ce soit le dictateur libyen naïf qui ait été trompé par des Britanniques sans scrupules, en pensant qu’il avait passé avec eux un "gentleman’s agreement" . Plutôt que de poursuivre un appel qui risquait de causer un embarras extrême aux autorités occidentales, Megrahi pouvait être libéré et toute l’affaire être oubliée. Mais les médias occidentaux ont prétendu être scandalisés par le fait que ce meurtrier condamné pour un crime massif y était reçu en héros. En réalité, il fut reçu chez lui assez discrètement, mais en tant qu’innocent injustement condamné et non en tant que meurtrier de masse. Et dès qu’il a pu se faire entendre, il a réitéré son désir de prouver son innocence.

Les infirmières bulgares

L’autre sujet sur lequel j’ai posé des questions lorsque j’étais à Tripoli en 2007 étais le sort des infirmières bulgares. En 2004, 5 infirmières bulgares et un médecin palestinien qui travaillaient dans un hôpital de Benghazi ont été condamnés à mort pour avoir soi-disant infecté le virus IHV à des enfants. Tout le monde en Occident, moi-même y compris, supposait que cela était une extraordinaire injustice. Lorsque j’ai soulevé cette question en compagnie d’intellectuels libyens libéraux, très occidentalisés, je m’attendais à entendre des critiques sévères du dictateur, pour avoir persécuté des travailleurs de la santé sans défense. J’étais fort surprise lorsque la réaction fut quelque peu différente.

« Évidemment qu’ils sont innocents », dis-je.

L’homme à qui je parlais, que je pourrais vaguement décrire comme étant anti-Kadhafi, hocha sa tête. « Ce n’est pas si clair » répondit-il. Et c’est ainsi que j’ai commencé à apprendre ce qui fut expliqué quelques mois plus tard par Harriet Washington dans un article du New York Times, où on pouvait lire :

« Les preuves contre l’équipe médicale bulgare, telles que les fioles contaminées avec du virus IHV découvertes dans leurs appartements, ont toujours semblé ridicules aux yeux des occidentaux. Mais le fait de rejeter les accusations libyennes de malfaisance médicale d’un revers de main nous fait rater une possibilité de comprendre pourquoi la suspicion à l’égard de la médecine est tellement répandue en Afrique. »

« L’Afrique a eu sur son sol un certain nombre de brigands médicaux occidentaux, qui ont intentionnellement administré des substances mortelles en prétendant soigner ou conduire des recherches scientifiques » http://banthenword.org/news/publish/essays/Harriet_A_Washington_-_NYT_Op-Ed.shtml

Mes conversations en Libye ne m’ont pas convaincue que les travailleurs de la santé bulgares étaient coupables, mais elles m’ont permis d’avoir un autre regard sur le point de vue libyen. Sur le continent africain, il est assez facile, même pour des gens très rationnels, de croire que des travailleurs de la santé étrangers pourraient avoir été payés pour infecter des enfants, soit pour des raisons expérimentales, soit pour « déstabiliser » le système de santé publique. De plus, il était évident que ce n’était pas un exemple de plus du « dictateur Kadhafi » persécutant des innocents. L’arrestation, la torture et la condamnation des infirmières bulgares ont été le fait des autorités de Benghazi. En fait, le 11 mars, un jour après que la France eut reconnu le conseil national de transition rebelle comme « seul représentant légitime du peuple libyen », le premier ministre bulgare Boyko Borisov s’est plaint lors d’un sommet européen à Bruxelles que des membres clés de ce conseil « étaient les gens qui avaient torturé les travailleurs de la santé bulgares pendant huit ans, et que cela nous a coûté près de 60 millions de dollars » de réparations pour les enfants infectés et leurs familles (http://euobserver.com/9/31976/?rk=1 ).

En janvier 2007, les gens de Tripoli m’ont assurée que la condamnation à mort des infirmières ne serait jamais mise en application. Cela était vrai. En août 2007, les travailleurs médicaux ont été libérés par la famille Kadhafi et on les a autorisés à rentrer en Bulgarie, après un voyage en Libye très médiatisé de celle qui était à l’époque la femme du président Sarkozy, Cecilia. Cette libération a été présentée comme la réconciliation finale entre la Libye de Kadhafi et l’Europe.

Conclusions

Je me suis abstenue d’écrire sur ce sujet pendant des années, parce que je pense ne pas en connaître assez à propos de la Libye. Mais, maintenant, je vois d’autres personnes, qui en savent encore moins que moi, argumenter avec force pour que l’OTAN soutienne des rebelles dans une guerre civile dont les motifs et les conséquences réelles sont obscures.

Ma première conclusion est de faire remarquer que le simple fait qu’un pays ne soit pas une démocratie de style occidental ne signifie pas que tout ce qui s’y passe est « dicté » par un « dictateur ». Le terme « dictateur » sert à renforcer la paresse des médias et des politiciens, qui ne se donnent pas la peine d’analyser les complexités d’une société qui ne leur est pas familière.

Ma deuxième et dernière conclusion c’est que nous en Occident n’avons ni le droit ni la capacité de « réparer » ces sociétés peu familières telles que la Libye, que nous rejetons comme étant des « dictatures ». Alors que la crise financière risque d’amener le niveau de vie dans une partie de l’Occident en dessous de ce qu’il était dans la Libye de Kadhafi avant que l’OTAN n’intervienne, notre « démocratie » occidentale risque d’être graduellement réduite à n’être plus qu’une excuse idéologique pour attaquer, ravager et piller d’autres pays.

Diana Johnstone

URL de cet article 14442
   
Même Auteur
Hillary Clinton, la « Reine du Chaos »
Diana JOHNSTONE
1. Dans votre dernier livre, vous appelez Hillary Clinton la « Reine du Chaos. » Pouvez-vous expliquer pourquoi vous avez choisi ce sobriquet péjoratif pour décrire Hillary ? En un mot, la Libye. Hillary Clinton était si fière de son rôle majeur dans le déclenchement de la guerre contre la Libye qu’elle et ses conseillers avaient initialement prévu de l’utiliser comme base d’une « doctrine Clinton », ce qui signifie une stratégie de changement de régime façon « smart power » , comme un (…)
Agrandir | voir bibliographie

 

« La démocratie et les droits de l’homme ne nous intéressent que très peu. Nous utilisons simplement ces mots pour cacher nos véritables motifs. Si la démocratie et les droits de l’homme nous importaient, nos ennemis seraient l’Indonésie, la Turquie, le Pérou ou la Colombie, par exemple. Parce que la situation à Cuba, comparée à celle de ces pays-là et de la plupart des pays du monde, est paradisiaque »

Wayne Smith, ancien chef de la Section des Intérêts Américains à La Havane (SINA) sous l’administration Reagan

© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.