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La décision du tribunal français sur le tramway de Jérusalem ne doit pas être acceptée

Le mois dernier un tribunal français a rejeté une poursuite de l’association France-Palestine Solidarité qui concernait le tramway de Jérusalem. ( Anne Paq / ActiveStills )

Le jugement d’un tribunal français sur la construction d’une ligne de tramway pour desservir des colonies israéliennes illégales à Jérusalem Est sous occupation trahit un manque de compréhension de la manière dont le tramway soutient l’occupation israélienne.

Le 30 mai la haute Cour de Nanterre a rejeté la requête de l’association France-Palestine Solidarité (connue sous le sigle AFPS) d’annuler en vertu des lois françaises les contrats signés par les géants français du transport, Veolia et Alstom pour construire un tramway à Jérusalem. L’AFPS a jusqu’au 30 juin pour faire appel de la décision.

Dans sa requête, l’AFPS affirmait que la ligne de tramway de Jérusalem devait relier Jérusalem Ouest à des colonies israéliennes de Jérusalem Est sous occupation, normalisant ainsi la situation illégale existante.

Les colonies israéliennes de Cisjordanie occupée qui comprennent Jérusalem Est ainsi que l’annexion de Jérusalem Est sont illégales selon le droit international. De nombreuses résolutions de l’ONU et les recommandations de la Cour Internationale de Justice sur le mur israélien en Cisjordanie l’ont confirmé.

Le tribunal de Nanterre a statué que selon la loi française ces lois internationales n’avaient pas d’incidence directe sur les individus et sociétés privés qui ne sont pas impliqués dans le conflit. Selon le droit français, seuls les états qui ont signé les Conventions de Genève de 1949 et les Conventions de La Haye sont liés par les règles spécifiques du traité que l’AFPS avait listé dans ses arguments juridiques.

L’état est responsable des firmes françaises

Le jugement du tribunal de Nanterre fait de nombreuses références à l’obligation (commune aux quatre Conventions de Genève de 1949) qu’ont tous les états "de respecter et de faire respecter" les termes de ces traités. Le jugement du tribunal rappelle donc que les états qui ont signé ces traités ont promis solennellement de protéger les civils sous occupation militaire de toutes les violations que pourrait commettre la puissance occupante.

Selon la spécialiste française de droit international, Monique Chemillier-Gendreau, qui commente la projet de tramway de Jérusalem dans Le Monde Diplomatique : "Un état doit rendre des compte sur ce que font les principales entreprises de son pays si elles violent le droit international et si l’état ne fait pas tout ce qu’il peut pour les en empêcher" ("Le tramway d’apartheid de Jérusalem", 17 février 2007)

Non seulement la France ne fait pas respecter le droit international mais elle le viole expressément. Gerard Araud, l’Ambassadeur de France en Israël, a pris part à la cérémonie de signature du contrat dans les bureaux du premier ministre de l’époque, Ariel Sharon. A cette occasion, Sharon a dit clairement que le tramway "concrétiserait pour l’éternité que Jérusalem était la capitale du peuple juif, la capitale réunifiée de l’état d’Israël" (" Déclaration du PM Sharon à la cérémonie de signature du contrat du tramway," Bureau du premier ministre israélien 17 juillet 2005).

La France devrait rendre des comptes pour avoir ignoré ses responsabilités dans l’implication de Veolia et Alstom dans les activités illégales d’Israël en Cisjordanie occupée.

Une étude raciste

Le tribunal n’a pas statué sur l’argument des deux multinationales selon lequel le tramway était construit au bénéfice de tous les résidents locaux, sans discrimination. Cependant, les commentaires du tribunal sur le fait que le projet avait pour but de "desservir plusieurs quartiers de Jérusalem et tous leurs habitants, y compris les touristes" prouvent qu’il n’a pas compris que le véritable but de ce service de transport était de relier les colonies illégales à Jérusalem en plus de son évidente utilisation.

Le commentaire du tribunal fait écho aux conclusions d’une étude biaisée faite par Veolia soi-même. L’année dernière, même les officiels israéliens de la municipalité ont qualifié les questions posées dans cette étude de "racistes". On demandait par exemple aux Juifs si cela les dérangerait de partager le tramway avec des Palestiniens.

De plus, les déclarations de Ammon Elian, le porte-parole du consortium CityPass auquel Veolia et Alstom appartiennent, montrent que le projet confortera la statu quo de ségrégation. A l’exception d’un seul arrêt, la ligne a été dessinée pour éviter de desservir les quartiers de Jérusalem à majorité palestinienne.

D’ailleurs il est improbable que les Palestiniens utilisent le tramway parce que les autobus locaux sont plus pratiques pour leurs déplacements et beaucoup moins chers.

Trahison de son code éthique

Veolia et Alstom font tous deux partie du Pacte Mondial de l’ONU (Global Compact), une initiative stratégique dans laquelle les entreprises s’engagent à se conduire de manière responsable dans les domaines écologiques et sociaux. Selon ses deux premiers principes, les entreprises doivent respecter et encourager le respect de la protection des droits humains internationaux dans leur sphère d’influence et s’assurer qu’elles ne sont pas complices de violations des droits de l’homme.

Dans sa requête au tribunal, l’AFPS affirme que Veolia a violé son propre code moral dont les règles sont stipulées dans le Pacte Mondial. Mais dans sa réponse au tribunal, Veolia a contré ces affirmations en disant que "le code d’éthiques n’est pas un contrat et n’a dont pas de valeur légale."

Veolia a affirmé que le code éthique du Pacte Mondial ne concerne que les relations entre la multinationale et ses employés. Le tribunal a conclu que Veolia avait seulement exprimé son intention de respecter les obligations contenues dans le Pacte Mondial mais ne s’était pas engagé à le faire.

Quant à Alstom, elle a argumenté que "le Pacte Mondial invite simplement ses adhérents à respecter, entre autres, la Déclaration universelle des droits de l’homme de l’ONU" et que son adhésion au code d’éthiques correspondait "seulement à l’obligation d’être attentif et diligent, et non à l’obligation d’avoir des résultats concrets."

De plus le tribunal a statué que le Pacte Mondial ne comporte pas une définition précise des droits humains et qu’il est rédigé dans des termes qui encouragent simplement les entreprises à se comporter d’une manière particulière.

Veolia et Alstom se prévalent de leur engagement aux dix principes du Pacte Mondial sur leurs sites web. Au lieu de demander des comptes aux deux entreprises pour avoir violé leur engagement au code d’éthiques du Pacte Mondial, le tribunal a entériné l’argument des entreprises comme quoi elles n’étaient pas liées par ces engagements.

En ignorant les implications légales d’un engagement officiel et publique de respecter certains principes de conduite, le tribunal a commis une erreur judiciaire. Les entreprises qui approuvent ces principes expriment une volonté claire de rendre des comptes sur leur conduite. De plus, il est tout simplement incroyable que Alstom et le tribunal n’aient vu aucun rapport entre ces principes et le projet de tramway de Jérusalem. Que ce projet ne leur paraisse en aucune manière déroger à ces principes est en soi la preuve manifeste de l’impact du système de l’occupation sur les droits humains des Palestiniens.

S’il n’est pas fait appel de cette décision judiciaire maintenant ou dans l’avenir, les entreprises ne se priveront pas de se recommander de codes d’éthiques dans le seul but d’améliorer leur image sans avoir aucune obligation légale de les mettre en pratique à aucun niveau de leurs affaires ni de leur chaîne logistique.

Daniel Machover est un homme de loi qui vit en Angleterre. Il est le co-fondateur de Lawyers for Palestinian Human Rights.

Adri Nieuwhof est un consultant et un avocat des droits de l’homme qui habite en Suisse.

Pour Consulter l’original : www.uruknet.info?p=79012

Traduction : Dominique Muselet

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